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de temps dépensé; combién de dures secousses, et encore seulement pour poser la question!

Nous insistons de toute notre puissance sur la valeur de l'initiative, parce que nous croyons que l'enseignement qui ressort de l'étude de notre révolution, est utile surtout au pouvoir quel qu'il soit, où qu'il soit, présent ou à venir. Il n'est pas permis de se charger des destinées d'une nation, lorsque l'on ne connaît pas le but qu'il faut lui faire atteindre, et encore bien moins lorsqu'on ne lui reconnaît pas de but. Celui qui, avec une semblable ignorance, prend une telle tâche, est coupable au premier chef. Il répond, non-seulement de tout le mal qu'il commande lui-même, mais encore de toutes les souffrances dont sa présence là où il ne devrait pas être, sera l'occasion. Il n'est point permis à l'aveugle de se charger du rôle de clairvoyant ; et il n'est permis surtout à personne de gaspiller la destinée d'une nation, et de compromettre l'avenir d'un peuple.

Il est d'autres et moins graves enseignemens à puiser dans l'histoire de l'Assemblée nationale. Jamais circonstances plus pressantes ne commandèrent des expériences plus fréquentes, et de ces expériences que l'on ne tente pas dans la vie ordinaire des nations. Ainsi, les affaires des finances étaient en quelque sorte désespérées, ou au moins le påraissaient. Ce n'était pas le fait de la crise révolutionnaire, puisque c'était en grande partie pour y mettre ordre que les États-généraux avaient été appelés; mais ce fut un embarras qui s'accrut en raison même de la secousse qu'éprouva le gouvernement. On eut recours, ainsi que nous l'avons vu plusieurs fois, à la caisse d'escompte pour des sommes très-considérables. Cette caisse secourut le pouvoir par la seule émission d'une masse de billets en rapport avec la somme qui lui était demandée; en d'autres termes, elle le secourut avec son seul crédit. Et cependant, bien qu'on sût qu'elle n'avait pas à sa disposition un capital suffisant pour répondre des valeurs émises, bien qu'elle n'escomptat pas ses effets à bureau ouvert, bien que les receveurs du gouvernement ne voulussent pas les recevoir, bien que le crédit général fût dans la plus grande souffrance, ses billets, un an après, ne perdaient au change contre de l'argent, que 4, 5 et 6 p. cent. Il n'en sera pas de même des assignats; et la raison en sera facile à voir. En effet, ces assignats sur la vente des biens du clergé, n'étaient en réalité que des bons sur le trésor, ou plutôt sur une spécialité du revenu. C'était l'État qui vendait les propriétés ; et ses promesses offrirent, de jour en jour, d'autant moins de garanties, qu'on le vit entraîné dans des circonstances plus difficiles.

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Il n'en eût pas été de même, si l'assignat eût représenté positivement une propriété ; si, en d'autres termes, il fût émané de la propriété ellemême.

Voici comment nous concevons que cette opération eût été possible. Une propriété de ville ou de campagne, une ferme par exemple, ayant une valeur déterminée d'après son revenu, eût été vendue à une compagnie. Celle-ci eût soldé l'État en billets payables dans un terme quelconque, , soit en argent, soit en papier de banque. L'État eût mis ces billets en circulation, en les garantissant et en les convertissant par sa signature en assignations sur telle ou telle compagnie. Si cette dernière, à l'échéance, n'avait pas satisfait les porteurs, l'État les eût soldés; mais, en même temps, il eût repris la propriété pour la revendre à des preneurs plus solvables, et en conservant d'ailleurs son recours, pour toute espèce de répétition possible, sur la compagnie qui avait acheté en premier. Il est évident que, de cette manière, l'État eût rapidement converti des billets endossés d'abord par lui, en effets de commerce ordinaires.

L'opération eût été plus avantageuse encore, non pour satisfaire 'aux besoins présens, mais comme utilité d'avenir, si l'État, au lieu de faire lui-même ces opérations, les eût confiées à une caisse nationale du crédit public, surveillée par lui, mais administrée par des gérans indépendans de lui, élus par les députés de l'industrie. Il eût fallu, il est vrai, que cette caisse de crédit devînt le canal par lequel eussent passé les revenus des impôts. De cette manière, on eût créé une puissance financière, à l'aide de laquelle pas une des ressources des confiscations n'eût été amoindrie ou gaspillée, ainsi que cela fut. Au lieu d'enrichir des bandes noires, c'eût été l'État et le crédit qui eussent profité. Voyez, au reste, sur cette institution ce que nous avons écrit dans le journal l'Européen.

Mais, il y a plus, si l'on eût suivi la marche que nous indiquons, les centres de crédit se seraient nécessairement établis ; ils se seraient formés comme des conséquences naturelles de l'opération elle-même. En effet pour administrer cette grande affaire, il eût fallu un bureau spécial, an moins, dans chaque département; bureau qui eût été une vraie banque d'escompte.

C'est afin que les discussions financières soient lues avec l'attention que nous avons avons mise à les recueillir, que nous émettons ici ces quelques idées. Ces questions sont aussi opportunes que jamais, aujourd'hui que l'industrie réclame un centre d'ordre et de crédit, et lorsque bientôt le gaspillage quotidien des finances conclura à la nécessité

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d'une mesure révolutionnaire nouvelle. Aussi l'expérience des temps dont nous recueillons les actes, reviendra à l'ordre du jour dans une époque qui n'est peut-être pas éloignée.

Il en est de même de la question d'organisation judiciaire que nous avons vu poser dans le volume précédent, et qui sera achevée dans celui-ci. Plusieurs méthodes furent proposées; on verra que l'on accepta les jurés au criminel seulement, lorsqu'ils avaient été proposés en même temps pour juger au civil. Encore, on reconnaîtra que le but de l'institution décrétée fut uniquement d'établir une garantie contre l'influence du pouvoir dans les causes politiques. Or, il y aurait à examiner si, dans l'état actuel des choses, il ne serait pas plus convenable de renverser la question, c'est-à-dire de confier le jugement des crimes et délits moraux à des juges élus par le peuple, et le jugement des affaires civiles à des jurés élus par le sort, d'assises en assises. Au reste, sauf cette dernière méthode, on trouvera dans les débats de l'Assemblée nationale plusieurs projets tout-à-fait différens, et qui méritent d'être étudiés.

Dans cette grave question, nous ne nous sommes pas bornés à emprunter au Moniteur, ainsi que nous le faisons ordinairement, le compte rendu des séances. Nous avons dû les compléter, soit en réimprimant intégralement des discours dont il ne présentait que des extraits, soit en ajoutant des discours qui ne furent point lus à la tribune, mais seulement imprimés et distribués, et dont ce journal ne faisait pas mention. Nous ne croyons avoir rien inséré de superflu, et cependant avoir collecté tout ce qui était utile. La crainte que nous avons de dépasser le nombre de volumes que nous nous sommes fixés, ne cesse d'être présente à notre pensée; mais elle ne pourra cependant nous déterminer à sacrifier aucun des matériaux importans que nous devons recueillir dans l'intérêt des diverses spécialités de lecteurs auxquels cet ouvrage est adressé. Nous avons, au reste, sous les yeux un exemple qui nous sert à mesurer l'étendue de notre publication : c'est le Choix d'opinions, rapports, discours, etc., en vingt volumes, et dont la Constituante seule comprend sept. Et néanmoins cet ouvrage ne rend pas compte des débats de l'Assemblée; il ne parle pas non plus des événemens extérieurs, des faits de la place publique, des discussions de la presse, etc.; ainsi nous n'avons pas encore à nous reprocher trop de prolixité. Qui ne nous en voudrait, d'ailleurs, si nous hésitions à faire un complet usage des belles collections de matériaux que l'on a mises à notre disposition. Ceux mêmes auxquels nous devons ces utiles com

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munications, nous accuseraient plus que d'autres à juste titre; car ils ont droit d'attendre pour prix de leur bienveillance, que nous fassions profiter le public des richesses qu'ils nous livrent si libéralement.

Nous avons pensé qu'il serait utile et agréable à nos lecteurs de trouver à la fin de chaque volume une table des matières. Il y en aura donc une à la fin de celui-ci; et incessamment nous adresserons à nos souscripteurs celles des précédens volumes, sans préjudice d'une table générale et analytique qui sera publiée à la fin de l'ouvrage.

En ce moment, on travaille à la confection des cartes des guerres de la révolution, qui doivent être jointes à cet ouvrage. Cette addition, toute gratuite de la part de notre éditeur, prouve qu'il ne reculera devant aucun sacrifice pour faire de notre ouvrage l'histoire classique de notre révolution.

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M. Rabaud de Saint-Etienne. Le moment est venu où la réforme dont la nation vous a imposé le devoir, doit soulever tous ceux qui croient payer trop cher la liberté par les avantages qu'ils retiraient des abus; mais qu'est-ce pour vous qu'un péril de plus? Vous avez couru bien des dangers pendant six mois entiers, votre courage s'en est accru, et vous avez marché froidement vers le but glorieux auquel vous tendiez. Un grand nombre de moyens sont employés pour rendre vos travaux inutiles; on cherche à tromper le peuple; on veut lui faire regretter le temps des lois et des impôts arbitraires, comme s'il en avait perdu le souvenir; on cherche à diviser les provinces, et à établir un mouvement général dans le royaume, en excitant des mouvemens dans les villes. On dit que vous avez surpassé vos pouvoirs, comme si la nation pouvait trouver que vous avez trop fait pour elle, et qu'elle ne méritait ni tant de soins, ni tant de courage. On appelle une nouvelle législature, parce qu'on espère que dans l'intervalle nécessaire, l'anarchie naîtra, et les abus pourront reparaître. On dit que vous marchez trop vite, et que vous marchez trop lentement, que vous avez trop fait, et que vous n'avez pas fait assez. Les ennemis du peuple répandent que les impôts sont augmentés, tandis que vous n'avez encore touché 1

T. V.

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