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PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

L'OUVRAGE OUVRAGE que je livre aujourd'hui à l'impresssion est une production de bien des années, à laquelle le temps n'a pas manqué pour arriver à sa maturité. Puisse-t-il, par sa bonté, mériter le suffrage des gens de goût, et servir à faire connoître plus parfaitement l'auteur que j'ai osé traduire après tant d'autres!

Sa première destination ne fut point de paroître au grand jour; il devoit rester dans l'ombre des classes, où il s'étoit formé peu à peu de ce que pouvoit suggérer à un professeur attentif, dans des explications réitérées par lui tant de fois, le désir naturel de faire valoir son au

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teur, et de se faire valoir lui-même devant une jeunesse intelligente, avide d'apprendre, et déjà capable, jusqu'à un certain point, d'apprécier l'un et l'autre.

Qu'on ne s'imagine pas en effet qu'un tel auditoire soit à mépriser: un professeur jaloux d'en conserver l'estime et la confiance, et chargé d'y présenter dans notre langue les chefs-d'œuvres des écrivains de l'antiquité, ne se borne pas à y répéter ce qu'ont dit avant lui les commentateurs et les traducteurs précédents. Il en profite sans doute, et se fortifie de ce qu'il trouve de bon dans leurs ouvrages; mais il ne s'en tient pas à leur autorité : il a droit de les examiner et de les juger. Il n'emprunte d'eux que ce qu'ils ont d'excellent et d'utile; il relève leurs erreurs et leurs négligences; il étudie l'auteur dans l'auteur même; il se pénètre de son esprit, et s'attache à représenter sa pensée par un langage digne de lui.

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Les élèves eux-mêmes, soit par la difficulté qu'il éprouve à se faire comprendre d'eux, soit même par leur vivacité jointe au bon sens naturel, lui fournissent mille occasions de le méditer de plus en plus, et de chercher dans notre langue des termes et des tours analogues et ressemblants à ceux de l'original pour éclairer les uns et satisfaire les autres.

La classe est une école pour le maître autant que pour les disciples. On apprend en enseignant plus qu'en étudiant soimême. Quand on lit, ou même que l'on traduit pour soi, pour son amusement, pour orner son esprit et former son style, on se contente trop aisément; on passe légèrement sur des détails qui semblent minutieux au premier coup d'œil, mais qui renferment en effet des finesses de goût et des nuances délicates, qui échappent presque toujours au commun des lecteurs, et quelquefois aux plus attentifs et aux plus éclairés.

On trouve dans les commentateurs beaucoup d'érudition, beaucoup de recherches savantes; mais ils discutent froidement ils se combattent les uns les autres, et se trompent souvent, chacun selon leurs divers préjugés. Il reste encore après eux à démêler ce qu'il y a d'utile et de vrai dans leurs jugements et leurs observations différentes. A qui s'adresser pour les rectifier, ou pour les concilier, si ce n'est à l'auteur lui-même, avec lequel on doit être assez bien familiarisé pour lire en quelque sorte dans son ame, à force d'étudier et ses pensées et la manière dont il a su les exprimer?

Quant aux traducteurs, Virgile, entre autres, n'en a pas eu jusqu'ici en France dont on fût pleinement satisfait. Les meilleurs ont cru avoir fait beaucoup en faisant mieux que leurs prédécesseurs, les uns par une fidélité plus scrupuleuse, les autres par un style un peu plus soigné. Sans les mépriser, j'ai eu mille occasions

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