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qui embraffoit le regne végétal & animal, fes poëmes ou poéfies au nombre de plus de mille, de combien d'objets ne nous euffent-ils pas fait la defcription? & par conféquent quelle quantité infinie de tours, de formes & d'expreffions de la langue hébraïque dont nous fommes privés, & dont ce. pendant elle jouiffoit autrefois!

C'est un principe inconteftable, qu'avec les befoins des hommes naiffent dans leur efprit les idées des objets nouveaux, & que la multiplicité des idées engendre celle des mots & des phrafes qui en font les fignes. Voilà pourquoi la langue des premiers habitans de la terre, circonfcrits dans un cercle étroit de befoins, a été très-fimple. Par la même raifon la Grammaire & la Syntaxe des nations fauvages font dénuées des richeffes de la langue des peuples civilifés & polis.

Semblable aux autres nations, le peuple Hébreu a eu fes différens périodes. S'il fut un époque où il n'eut que les mœurs fimples de la fociété naiffante, il fut un tems où il connut les jouiffances du luxe & des arts, & où il éprouva l'influence de la civilisation. En preuve de cette vérité, je pourrois vous citer les reproches & les menaces des Prophetes fur les défordres auxquels le luxe avoit livré cette nation. Les tableaux qu'en tracent les Livres faints font autant de monumens qui attestent à quel point étoient portés chez eux les arts d'agrément & de luxe.

J'infere de tout ceci que la langue hébraïque ne vous paroît fi pauvre, que parce que tous les livres écrits dans cet idiome ne font point venus jufqu'à nous. Cette pénurie ne doit donc pas être attribuée à la nature de la langue, puifque, fous la plume du plus grand philofophe qui ait jamais exifté parmi les hommes, Salomon, le plus fage des mortels, elle a fervi à peindre toutes les beautés de deux fuperbes parties de l'hiftoire de la nature.

Si j'ai infifté fur l'article de la pauvreté. de la langue hébraïque, ç'a été moins pour donner une réponse directe à votre objection, que pour diffiper les préventions de ceux qui, d'après l'idée fauffe qu'ils fe forment de la langue fainte, adoptent les fentimens de dédain que leur infpirent les philofophes modernes contre tout ce qui tient à la nation Juive. On fait que la philofophie du jour ne pardonne pas à ce peuple d'avoir été le dépofitaire des monumens de la révélation.

Je reviens maintenant à votre objection relativement à l'ouvrage de M. l'abbé du Rocher. Elle confiftoit en ce que l'hébreu, difiez-vous, a des mots qui ont fept ou huit fignifications.

Sans doute, dans l'hébreu, le même mot a fept ou huit fignifications. Mais qu'en concluez-vous? N'en eft-il pas de même d'un grand nombre de termes latins & françois qui fignifient également plufieurs chofes? Les différentes fignifications d'un même

mot dans l'hébreu, empêchent-elles que la Bible n'ait été traduite d'une maniere intelligible, & qu'elle ne préfente une fuite de faits certains, du récit defquels le fens est invariablement fixé. L'intelligence de ces faits de la Bible & de ceux rapportés par Hérodote, voilà tout ce qu'il a fallu à l'auteur de l'Hiftoire véritable pour af feoir fa découverte. Je fuppofe pour un moment qu'il n'eût pu trouver ce que fignifioit dans la langue des Egyptiens le nom d'Amafis, en feroit-il moins certain qu'en jettant les yeux fur l'Ecriture-Sainte d'une part, & fur Hérodote de l'autre, on y trouve qu'Amafis & Nabuchodonofor ont tous les deux fait faire une flatue d'or; que tous les deux ont forcé à l'adorer; que fous ces deux regnes, il eft queftion de trois hommes brûlés? La certitude des rapprochemens cités par M. l'abbé du Rocher émane donc de la clarté du récit des deux hiftoires comparées; & non de l'illufion que peut opérer fur l'efprit du lecteur une langue telle que l'hébraïque, où les mots ont plufieurs fens.

M. l'abbé du Rocher a montré dans un ordre foutenu une fuite de rapprochemens de traits hiftoriques, & non de rapprochemens de mots. Mais en fuppofant que la combinaison de ceux-ci fût. l'échafaudage fur lequel portât fon ouvrage, on n'en feroit pas plus avancé, après avoir renversé cette architecture de mots. Il refteroit encore celle des rapprochemens des faits hif

toriques. Or, ce font ces rapports de traits qui embarraffent tous ceux qui font fem. blant de n'être pas affectés de fa décou verte. Le parallele étonnant de ces faits fera toujours l'écueil où viendront fe brifer toutes les objections que font fes "adverfaires, jufqu'à ce qu'ils aient inftruit le public de la caufe merveilleufe pour laquelle ces deux histoires compofées de traits finguliers, fe reffemblent auffi parfaitement de regne en regne, & pourquoi cette reffemblance ne fe trouve qu'entre ces deux hiftoires, quoiqu'il en existe un millier d'autres dans l'univers.

Obfervez que je dis reffemblance entre les faits hiftoriques, & non entre les ufages & les mœurs des deux peuples, encore moins entre les qualités morales des perfonnages, en tant qu'individus de l'efpece humaine. Car je le répete; je conviens que tous les hommes fe reffemblent plus ou moins par leurs vices & leurs défauts. Cette vérité eft plus ancienne que Théophrafte. Mais convenez auffi que tous les hommes ne font pas faire une ftatue d'or pour Padorer, ne font pas brûler trois hommes tout juste, & ne font pas réduits à un état de manie & d'impuissance, & cela dans le même tems (Voyez ce rapprochement tout entier dans l'ouvrage.)

HUITIEME OBJECTION. 8. L'Auteur de l'Hiftoire véritable eft un homme fort adroit, qui a l'art d'in

tercaler quelques lettres dans les mots qui paroiffent récalcitrans à fon systême. Il ne doit le fuccès de quelquesuns de fes rapprochemens qui paroiffent heureux au premier coup-d'oeil, qu'à la magie des étymologies. Or, que ne prouve-t-on pas avec des étymologies?

Il eft aifé de voir, Monfieur, que vous n'avez pas la plus légere teinture de la langue hébraïque. Confultez ceux qui la poffedent; ils vous diront que le méchanisme de cette langue exige effenciellement l'addition de quelques lettres. L'Ouvrage de M. l'abbé du Rocher, ayant pour objet de montrer que l'hiftoire d'Egypte écrite par Hérodote, eft une copie altérée des Livres faints, & que ces altérations ont pour principe les anciens extraits de l'Ecriture faits par les Egyptiens, le favant Auteur n'a pu fe difpenfer de prendre pour base l'explication du texte hébreu, tel qu'il eft luimême. Or, pour cette opération il falloit bien être hébraïfant. Mais comment hébraïfer, fans faire précisément ce que vous lui reprochez? Quand vous conjuguez le verbe Amo; ne dites-vous pas AMAMUS à la première perfonne du pluriel de l'indicatif? Vous changez donc o en mu; ainfi vous ajoutez quatre lettres. Intentez donc auffi un procès aux faifeurs de Rudimens, de ce qu'ils apprennent à conjuguer les verbes. Si j'entreprenois de vous donner les premiers élémens de l'hébreu, je vous

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