Page images
PDF
EPUB

aussi gravés; les dames Romaines, respectables par leur chasteté, étoient mollement traînées dans des chars, et portoient par la ville tout ce qui appartient au culte des dieux.

La main de Vulcain avoit représenté le Tartare et la profonde demeure de Pluton. Les criminels éprouvoient différens supplices; et Catilina, suspendu à la pointe d'un rocher prêt à l'écraser par sa chûte, frémissoit d'horreur à la vue des Furies.

Les justes, séparés des coupables, voyoient Caton à leur tête, qui leur donnoit des lois. (10)

[ocr errors]

Sur un disque d'azur, en lames décroissantes
Retombent de la mer les vagues blanchissantes,
Et de nombreux dauphins, sous leurs flancs argentés
Font bouillonner les flots par les vents agités.
Au centre est Actium, dont les ondes fatales
Réfléchissent l'airain des deux flottes rivales.
Leucate sur ses bords voit cent peuples divers
Accourir pour donner un maître à l'univers.
Auguste dans sa cause entraîne l'Italie,
Le peuple, le sénat, les dieux de la patrie.
Il s'avance, et déjà sur son front radieux
Brille du grand César l'astre victorieux.

Agrippa, couronné de la palme rostrale,
Insulte fièrement à la pompe royale
Qu'Antoine avec orgueil étale sur les eaux.
Tout l'Orient vaincu marche sous ses drapeaux;
Et son Égyptienne ( ô crime d'un grand homine!)
Le suit, et se promet la dépouille de Rome,

.

On donne le signal, on s'élance, et les flots
Frémissent sillonnés par l'airain des vaisseaux.
L'air retentit du choc de ces masses pesantes;
On croit voir se heurter les Cyclades flottantes,
Ou, dans leurs fondemens, de vieux monts ébranlés
S'écrouler à grand bruit sur des monts écroulés.
Le lin vole embrasé sur la plaine liquide;
Une grèle de fer sous sa chûte homicide,

De Neptune étonné rougit le vaste sein.
Cléopâtre applaudit, et, le sistre à la main,
Anime ses guerriers........ Tremble, reine volage!
Vois le serpent fatal qui t'attend au rivage!

Isis, au double front, l'aboyant Anubis,
Et les monstres divers qu'on adore à Memphis,
Luttent contre Vénus, et Minerve, et Neptune;
Ils osent défier César et sa fortune.

Mars, revêtu de fer, combat pour ses enfans;
Tysiphone dans l'air fait siffler ses serpens;
La Discorde triomphe, et de sang altérée
Traîne dans tous les rangs sa robe déchirée ;
Bellone est auprès d'elle, et d'un bras redouté
Agite incessamment son fouet ensanglanté.

Du sommet d'un écueil qui domine la plage,
Apollon tend son arc.... Soudain vers le rivage
L'habitant de Saba recule épouvanté,
Eutraînant PIndien et l'Arabe indompté.
La reine au milieu d'eux s'agite impatiente,
Implore le Zéphir pour sa fuite trop lente,
Et d'un œil inquiet fixe le lin flottant,
Le front pâle déjà de la mort qui l'attend.
Le Nil, versant des pleurs sur son urne sacrée,

Ouvre les vastes pans de sa robe azurée,
Et cache les vaincus dans son sein paternel.

Auguste cependant du laurier solennel

A ceint trois fois son front: de sa triple victoire
Trois cents autels dans Rome éternisent la gloire.
A l'entour de son char résonnent en tous lieux,
Et les chants de triomphe et les hymnes des dieux.
Au temple d'Apollon, fumant de sacrifices,
César de cent taureaux consacre les prémices,
Et sa main triomphante à ces riches lambris,
Enchaîne les tributs de l'univers conquis.

Là, des peuples captifs Vulcain traça l'image,
Et sut peindre leurs mœurs ainsi que leur visage.
Ce long manteau flottant distingue l'Africain;
Le Gélon belliqueux tient un arc dans sa main;
Le Morin, qui se cache aux limites du monde,
Fuit du Nomade errant la tente vagabonde;
Le Rhin, au double front, abaisse sa fierté;
L'Euphrate en vain murmure, et l'Oxus est dompté;
L'Araxe, frémissant devant l'aigle romaine,
Se soulève indigné contre un pont qui l'enchaîne. (11) (*)

Énée, après avoir admiré ces magnifiques objets représentés sur son bouclier par la main de Vulcain, se revêt de cette armure, et s'enorgueillit de porter sur ses épaules les destins et la gloire de ses descendans.

(*) H. Gaston.

FIN DU HUITIÈME LIVRE.

DU HUITIÈME LIVRE DE L'ÉNÉIDE.

(1)M. DE VOLTAIRE, dans sa Henriade (ch. X), s'est servi de la mème comparaison, appliquée différemment. Il parle plus en physicien que Virgile, et ses vers sont aussi heureux que brillans. D'Aumale et Turenne, dans un combat singulier, se portent mille avec promptitude :

coups, et les

Le fer étincelant, avec art détourné,
Par de feints mouvemens trompe l'oeil étonné:
Telle on voit du soleil la lumière éclatante
Briser ses traits de feu dans l'onde transparente,
Et, se rompant encor par des chemins divers,
De ce cristal mouvant repasser dans les airs.

parent

Addition de l'Éditeur. Traduction inédite de cette comparaison, par M. Fayolle :

Ainsi, quand le soleil ou la lune inconstante
Dans l'onde réfléchit son image flottante,

L'indécise lueur des mobiles reflets

Voltige, monte et frappe aux lambris d'un palais.

M. Delille l'a rendue aussi en très-beaux vers:

Tel, dans l'airain brillant où flotte une eau tremblante,
Le soleil, variant sa lumière inconstante,

Croise son jeu mobile et son rapide essor,

Va, vient, monte, descend, et se relève encor,
Et des murs aux lambris rapidement promène

Des reflets vagabonds la lueur incertaine.

On en retrouve encore une imitation dans ces vers de M. Lemercier :

Telle que l'eau tremblante en un vase d'argile
Réfléchit le soleil ou la lumière agile

De Phébé qui rayonne, et dans l'air voltigeant,
Frappe les hauts lambris de son disque d'argent;
Tel, etc.

(2) Ovide, dans le premier livre de ses Fastes, a raconté la mort de Cacus les principaux détails en sont empruntés du magnifique épisode de Virgile, qui lui-même en avoit pris l'idée dans les récits de la plupart des historiens romains, entre autres Denys d'Halycarnasse et Tite-Live. Ovide, en général, est élégant et facile; mais ses tableaux n'ont pas la noblesse de ceux de Virgile; son coloris est sans force et sans vigueur, et il est en tout bien loin de son modèle. Racine, dans le récit de Théramène, a traduit littéralement cet hémistiche de Virgile, Refluîtque exterritus amnis : il empruntoit ainsi du poëte latin, comme Virgile, vers Ja fin de ce morceau, et Ovide, dans celui qu'il a fait à son imitation, ont emprunté d'Homère ce trait du vingtième livre de l'Iliade, où le poëte grec peint l'effroi de Pluton à la suite d'une secousse qu'a donnée à la terre un eoup du trident de Neptune. On retrouve cette même idée dans La Fontaine, paraph. du ps. 17, et dans Le Franc de Pompignan, cantiq. 7, liv. II.

Continuons la traduction de l'épisode de Cacus, par M. Delille :

«

Là, dans les flancs du mont, bien loin de l'œil du jour, De l'infame Cacus fut l'infame séjour.

Des têtes au front pâle et de sang dégouttautes

« PreviousContinue »