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d'Égypte et des Romains, étoit de revenir la même

année 1.

Ainsi il s'en faut bien que le commerce des Grecs et des Romains aux Indes ait été aussi étendu que le nôtre; nous qui connoissons des pays immenses qu'ils ne connoissoient pas; nous qui faisons notre commerce avec toutes les nations indiennes, et qui commerçons même pour elles et naviguons pour elles.

Mais ils faisoient ce commerce avec plus de facilité que nous; et, si l'on ne négocioit aujourd'hui que sur la côte du Guzarat et du Malabar, et que, sans aller chercher les îles du midi, on se contentât des marchandises que les insulaires viendroient apporter, il faudroit préférer la route de l'Égypte à celle du cap de Bonne-Espérance. Strabon dit que l'on négocioit ainsi avec les peuples de la Taprobane 3.

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1. Pline, liv. VI, ch. xxIII. (M.)

2. Liv. XV. (M.)

3. A. B. terminent ce chapitre par les considérations suivantes, reproduites en partie dans le ch. x ci-après, qui a paru pour la première fois dans l'édition de 1758.

« Je finirai ce chapitre par une réflexion. Ptolomée le géographe porte l'Afrique orientale connue au promontoire Prassum; et Arrien la borne au promontoire Raptum. Nos meilleures cartes placent le promontoire Prassum à Mozambique, au quatorzième degré et demi de latitude sud, et le promontoire Raptum vers les dix degrés de cette latitude. Mais, comme depuis la côte du royaume d'Ajan, qui ne produit aucunes marchandises, le pays devient toujours plus riche à mesure que l'on va vers le midi jusqu'au pays de Sofala où est la source des richesses, il paroît d'abord étonnant que l'on ait ainsi rétrogradé vers le nord, au lieu d'avancer vers le midi.

« A mesure que les connoissances, la navigation et le commerce s'étendirent du côté des Indes, elles reculèrent du côté de l'Afrique : un commerce riche et facile en fit négliger un moins lucratif et plein de difficultés

Liv. IV, chap. vii, et liv. VIII, table 4 de l'Afrique. (M.)

b Voyez le Périple de la mer Erythrée. (M.)

On connut moins la côte orientale de l'Afrique qu'on ne l'avoit connue du temps de Salomon; et quoique Ptolomée nous parle du promontoire Prassum, c'étoit plutôt un lieu que l'on avoit connu, qu'un lieu que l'on connut encore. Arrien borne les terres connues au promontoire Raptum, parce qu'on n'alloit plus que jusque-là. Que si Marcien d'Héraclée est revenu au promontoire Prassum, son autorité n'est d'aucune importance; il avoue lui-même qu'il est le copiste d'Artémidor, et que cet Artémidor l'est de Ptolomée. »

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e Ptolomée et Arrien étoient à peu près contemporains.

d Son ouvrage se trouve dans le Recueil des petits géngraphes grees, édition d'Oxford de 1698, t. I, p. 10.

e Ibid., page 1 et 2.

DU TOUR DE L'AFRIQUE '.

On trouve dans l'histoire qu'avant la découverte de la boussole on tenta quatre fois de faire le tour de l'Afrique. Des Phéniciens, envoyés par Nécho, et Eudoxe 3, fuyant la colère de Ptolomée-Lature, partirent de la mer Rouge et réussirent. Sataspe, sous Xerxès, et Hannon, qui fut envoyé par les Carthaginois, sortirent des colonnes d'Hercule, et ne réussirent pas.

Le point capital pour faire le tour de l'Afrique, étoit de découvrir et de doubler le cap de Bonne-Espérance. Mais, si l'on partoit de la mer Rouge, on trouvoit ce cap de la moitié du chemin plus près qu'en partant de la Méditerranée. La côte qui va de la mer Rouge au Cap est plus saine que celle qui va du Cap aux colonnes d'Hercule. Pour que ceux qui partoient des colonnes d'Hercule aient pu découvrir le Cap, il a fallu l'invention de la boussole, qui a fait que l'on a quitté la côte d'Afrique, et qu'on a

1. Ce chapitre paraît pour la première fois dans l'édition de 1758; c'est un remaniement des Considérations qui terminent le chapitre précédent dans A. B.

2. Hérodote, liv. IV, XLII. Il vouloit conquérir. (M.)

3. Pline, liv. II, c. LXVII. Pomponius Méla, liv. III, c. ix. (M).

4. Hérodote, in Melpomene, IV, xli. (M.)

5. Joignez à ceci ce que je dis au ch. xI de ce livre, sur la navigation d'Hannon. (M.)

navigué dans le vaste Océan pour aller vers l'île de Sainte-Hélène ou vers la côte du Brésil. Il étoit donc trèspossible qu'on fût allé de la mer Rouge dans la Méditerranée, sans qu'on fùt revenu de la Méditerranée à la mer Rouge.

Ainsi, sans faire ce grand circuit, après lequel on ne pouvoit plus revenir, il étoit plus naturel de faire le commerce de l'Afrique orientale par la mer Rouge, et celui de la côte occidentale par les colonnes d'Hercule.

Les rois grecs d'Égypte découvrirent d'abord dans la mer Rouge la partie de la côte d'Afrique qui va depuis le fond du golfe où est la cité d'Heroum jusqu'à Dira, c'est-àdire jusqu'au détroit appellé aujourd'hui de Babel-Mandel. De là jusqu'au promontoire des Aromates, situé à l'entrée de la mer Rouge, la côte n'avoit point été reconnue par les navigateurs; et cela est clair par ce que nous dit Artémidore, que l'on connoissoit les lieux de cette côte, mais qu'on en ignoroit les distances; ce qui venoit de ce qu'on avoit successivement connu ces ports par les terres, et sans aller de l'un à l'autre.

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Au delà de ce promontoire, où commence la côte de l'Océan, on ne connoissoit rien, comme nous l'apprenons d'Eratosthène et d'Artémidore.

Telles étoient les connoissances que l'on avoit des

1. On trouve dans l'océan Atlantique, aux mois d'octobre, novembre, décembre et janvier un vent de nord-est. On passe la ligne; et, pour éluder le vent général d'est, on dirige sa route vers le sud; ou bien on entre dans la zone torride, dans les lieux où le vent souffle de l'ouest à l'est. (M.)

2. Ce golfe, auquel nous donnons aujourd'hui ce nom, étoit appelé, par les anciens, le sein Arabique : ils appeloient mer Rouge la partie de l'Océan voisine de ce golfe. (M.)

3. Strabon, liv. XVI. (M.)

4. Ibid. Artémidore bornoit la côte connue au lieu appelé Austricornu; et Ératosthène, ad Cinnamomiferam. (M.)

côtés d'Afrique du temps de Strabon, c'est-à-dire, du temps d'Auguste. Mais, depuis Auguste, les Romains découvrirent le promontoire Raptum et le promontoire Prassum, dont Strabon ne parle pas, parce qu'ils n'étoient pas encore connus. On voit que ces deux noms sont romains.

Ptolomée le géographe vivoit sous Adrien et Antonin Pie; et l'auteur du Périple de la mer Érythrée, quel qu'il soit, vécut peu de temps après. Cependant le premier borne l'Afrique connue au promontoire Prassum, qui est environ au quatorzième degré de latitude sud; et l'auteur du Périple 2, au promontoire Raptum, qui est à peu près au dixième degré de cette latitude. Il y a apparence que celui-ci prenoit pour limite un lieu où l'on alloit, et Ptolomée un lieu où l'on n'alloit plus.

Ce qui me confirme dans cette idée, c'est que les peuples autour du Prassum étoient antropophages. Ptolomée, qui nous parle d'un grand nombre de lieux entre le port des Aromates et le promontoire Raptum, laisse un vide total depuis le Raptum jusqu'au Prassum. Les grands profits de la navigation des Indes durent faire négliger celle d'Afrique. Enfin les Romains n'eurent jamais sur cette côte de navigation réglée: ils avoient découvert ces ports par les terres, et par des navires jettés par la tempête et comme aujourd'hui on connoît assez bien les côtes de l'Afrique, et très-mal l'intérieur, les anciens

1. Strabon, liv. I, ch. vit; liv. IV, ch. Ix; table IV de l'Afrique. (M.) 2. On a attribué ce Périple à Arrien. (M.)

3. Ptolomée, liv. IV, ch. ix. (M.)

4. Liv. IV, ch. vII et vIII. (M.)

5. Voyez avec quelle exactitude Strabon et Ptolomée nous décrivent les diverses parties de l'Afrique. Ces connoissances venoient des diverses guerres que les deux plus puissantes nations du monde, les Carthaginois et

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