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rerie s'éleva fur toutes les autres maireries, & cette maifon fur toutes les autres maifons. Les vainqueurs craignirent que quelqu'homme accrédité ne fe faisît de la personne des rois pour exciter des troubles. Ils les tinrent dans une maifon royale, comme dans une espèce de prison (d). Une fois chaque année, ils étoient montrés au peuple. Là, ils faifoient des ordonnances (e), mais c'étoient celles du maire; ils répondoient aux ambassadeurs, mais c'étoient les réponses du maire. C'eft dans ce temps que les hiftoriens nous parlent du gouvernement des maires fur les rois qui leur étoient affujettis (f).

Le délire de la nation pour la famille de Pépin alla si loin, qu'elle élut pour maire un de fes petit-fils qui étoit encore dans l'enfance (g); elle l'établit fur un certain Dagobert, & mit un phantôme fur un phantôme.

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Des grands offices & des fiefs, fous les maires du palais. Les maires du palais n'eurent garde de rétablir l'amovibilité des charges & des offices; ils ne règnoient que par la protection qu'ils accordoient à cet égard à la noblesse: ainsi

les grands offices continuèrent à être donnés pour la vie, & cet usage se confirma de plus en plus.

Mais j'ai des réflexions particulières à faire fur les fiefs. Je ne puis douter que, dès ce temps-là, la plupart n'euffent été rendus héréditaires.

Dans le traité d'Andeli (a), Gontran, & fon neveu Childebert, s'obligent de maintenir les libéralités faites aux leudes & aux églifes par les rois leurs prédéceffeurs; & il eft permis aux reines, aux filles, aux veuves des rois, de difpofer par teftament & pour toujours, des chofes qu'elles tiennent du fisc (b).

Marculfe écrivoit fes formules du temps des maires (c). On en voit plufieurs où les rois donnent & à la perfonne & aux héritiers (d): &, comme les formules font les images des actions ordinaires de la vie, elles prouvent que, fur la fin de la première race, une partie des fiefs paffoit déjà aux hẻritiers. Il s'en falloit bien que l'on eût, dans ces temps-là, l'idée d'un domaine inaliénable; c'eft une chofe très-moderne, & qu'on ne connoiffoit alors ni dans la théorie, ni dans la pratique..

On verra bientôt fur cela des preuves de fait: &, fi je montre un temps où il ne fe trouva plus de bénéfices pour l'armée, ni aucun fonds pour fon entretien, il faudra bien convenir que les anciens bénéfices avoient été aliénés. Ce temps eft celui de Charles Martel, qui fonda de nou

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veaux fiefs, qu'il faut bien diftinguer des premiers.

Lorfque les rois commencèrent à donner pour toujours, foit par la corruption qui fe gliffa dans le gouvernement, foit par la constitution même qui faifoit que les rois étoient obligés de récompenfer fans ceffe; il étoit naturel qu'ils commençassent plutôt à donner à perpétuité les fiefs que les comtés. Se priver de quelques terres étoit peu de chofe; renoncer aux grands offices, c'étoit perdre la puissance

même.

CHAPITRE

VIII.

Comment les alleux furent changés en fiefs. La manière de changer un alleu en fief se trouve dans une formule de Marculfe (a). On donnoit fa terre au roi ; il la rendoit au donateur en ufufruit ou bénéfice, & celui-ci désignoit au roi fes héritiers.

Pour découvrir les raifons que l'on eut de dénaturer ainsi fon alleu, il faut que je cherche, comme dans des abyfmes, les anciennes prérogatives de cette nobleffe, qui, depuis onze fiécles, eft couverte de pouffière, de sang & de sueur.

Ceux qui tenoient des fiefs avoient de très-grands avantages. La compofition, pour les torts qu'on leur faifoit, étoit plus forte que celle des hommes libres. Il paroît, par les formules de Marculfe, que c'étoit un privilège du vassal du roi, que celui qui le tueroit paieroit fix cent fous de composition. Ce privilège étoit établi par la loi falique (6) & par

(a) Liv. I, formule 13.

(b) Tit. 44. Voyez aussi les titres 66, §. 3 & 4; & le titre 74.

celle

celle des Ripuaires (c) : &, pendant que ces deux loix ordonnoient fix cent fous pour la mort du vassal du roi, elles n'en donnoient que deux cent pour la mort d'un ingénu, Franc, Barbare, ou homme vivant sous la loi falique ; & que cent pour celle d'un Romain (d).

Ce n'étoit pas le feul privilège qu'euffent les vaffaux du roi. Il faut fçavoir que, quand un homme étoit cité en jugement, & qu'il ne fe préfentoit point, ou n'obéiffoit pas aux ordonnances des juges, il étoit appellé devant le roi (e); & s'il perfiftoit dans fa contumace, il étoit mis hors de la protection du roi, & personne ne pouvoit le recevoir chez foi, ni même lui donner du pain (ƒ) : or, s'il étoit d'une condition ordinaire, fes biens étoient confifqués (g); mais, s'il étoit vaffal du roi, ils ne l'étoient pas (h). Le pre mier, par fa contumace, étoit cenfé convaincu du crime; & non pas le fecond. Celui-là, dans les moindres crimes étoit foumis à la preuve par l'eau bouillante (¿); celui-ci n'y étoit condamné que dans le cas du meurtre (k). Enfin, un vaffal du roi ne pouvoit être contraint de jurer en justice contre un autre vaffal (7). Ces privilèges augmentèrent tou jours; & le capitulaire de Carloman fait cet honneur aux vaffaux du roi, qu'on ne peut les obliger de jurer eux-mêmes, mais feulement par la bouche de leurs propres vaffaux (m). De plus: lorfque celui qui avoit les honneurs ne s'épas rendu à l'armée, fa peine étoit de s'abftenir de chair

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(c) Tit. 11.

(d) Voyez la loi des Ripuaires, titre 7 ; & la loi falique, tit. 44, art. I & 4.

(e) La loi falique, titres 59 & 76. (f) Extrà fermonem regis: lọi falique, titres 59 & 76.

TOME II.

(g) Loi falique, tit. 59, §. 1.
(h) Ibid. tit. 76, §. I.
(i) Ibid, titres, 56 & 59.
(k) Ibid. tit. 76, §. 1.
(1) Ibid. tit. 76, §. 2.

(m) Apud Vernis palatium, de l'an
883, articles 4 & 11.
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& de vin, autant de temps qu'il avoit manqué au service: mais l'homme libre, qui n'avoit pas fuivi le comte (z), payoit une compofition de foixante fous, & étoit mis en fervitude, jufqu'à ce qu'il l'eût payée (o).

Il est donc aifé de penfer que les Francs qui n'etoient point vassaux du roi, & encore plus les Romains, cherchèrent à le devenir; & qu'afin qu'ils ne fuffent pas privés de leurs domaines, on imagina l'ufage de donner foh alleu au roi, de le recevoir de lui en fief, & de lui défigner fes héritiers. Cet ufage continua toujours; & il eut fur-tout lieu dans les défordres de la feconde race, où tout le monde avoit befoin d'un protecteur, & vouloit faire corps avec d'autres feigneurs, & entrer, pour ainfi dire, dans la monarchie féodale, parce qu'on n'avoit plus la monarchie politique (p).

Ceci continua dans la troifième race, comme on le voit par plufieurs chartres (q); foit qu'on donnât fon alleu, & qu'on le reprît par le même acte; foit qu'on le déclarât alleu, & qu'on le reconnût en fief. On appelloit ces fiefs, fiefs de reprife.

Cela ne fignifie pas que ceux qui avoient des fiefs les gouvernaffent en bons pères de familles ; &, quoique les hommes libres cherchaffent beaucoup à avoir des fiefs, ils traitoient ce genre de biens comme on administre aujourd'hui les ufufruits. C'eft ce qui fit faire à Charlemagne, prince le plus vigilant & le plus attentif que nous ayons eu, bien des règlemens (r), pour empêcher qu'on ne dégradât

(n) Capitulaire de Charlemagne, qui eft le second de l'an 812, articles 1 & 3. (o) Heribannum.

(p) Non infirmis reliquit hæredibus dit Lambert d'Ardres, dans Ducange, au mot alodis,

(9) Voyez celles que Ducange cite au mot alodis ; & celles que rapporte Galland, traité du franc-aleu, p. 14 & fuiv.

(r) Capitulaire II, de l'an 802, art. 10; & le capitul. VII, de l'an 803,

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