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voit les courtifans flatter le goût des fouverains pour la volupté, & s'employer même à les fervir dans leurs plaifirs, en épiant les objets dont ils peuvent faire les victimes de l'incontinence de leur maître. Dans toutes les cours de l'univers, anciennes & modernes, l'on voit des femmes intrigantes, au prix du facrifice de leur honneur & de la pudeur, le plus bel appanage de leur fexe, acheter quelquefois le plaifir de fe venger d'un défaut de complaifance, en perdant auprès d'un grand en crédit, par une calomnie artificieuse, l'homme vertueux qui a eu la force de réfifter à leurs charmes. Ne retrouvons-nous pas ces traits dans P'hiftoire d'Egypte contenue dans nos Livres faints? Ne nous difent-ils pas, qu'Abraham voyageant en Egypte avec Sara, dont la beauté n'étoit point encore flétrie, auffi-tôt les courtifans de Pharaon lui en parlerent, vanterent les attraits de l'étrangere, allumerent la paffion du prince, & finirent par enlever Sara, & par la conduire dans le palais, en employant auprès d'Abraham les préfens pour le féduire & le calmer, perfuadés qu'il n'étoit que le frere de Sara (a). Dans l'histoire de l'époufe

(a) Facta eft autem fames in terra, defcenditque Abram in Egyptum ut peregrinaretur ibi.... prevaluerat enim fames in terra. Cumque propè effet ut ingrederetur Egyptum, dixit Sarai uxori fue: Novi quòd pulchra fis mulier, & quòd cùm viderint te Egyp til, dituri funt, uxor ipfius eft, & interficient me,

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de Putiphar, général de l'armée de Pharaon, & par conféquent un des grands du royaume, un des courtifans du prince, l'Ecriture nous donne encore un exemple des intrigues criminelles ourdies par les femmes de cour. Nous voyons en effet que l'épouse de Putiphar voulant féduire Jofeph, employa les follicitations les plus empreffées, & que le faint jeune homme ayant réfifté avec un courage héroïque aux avances de cette femme impudente, elle imagina de le calomnier auprès de fon époux, qui, tout à la fois dupe de l'infidélité de fa femme, & l'inftrument aveugle de fa vengeance, fit jetter dans les prifons de l'état, un innocent qu'écrafoit l'injuftice, parce qu'il avoit préféré la vertu à tout. (a)

Eft-il befoin d'avertir ici, que fi l'EspritSaint, incapable de tracer à nos yeux des portraits qui peuvent alarmer la pudeur la plus délicate, parce que les paroles du Seigneur font effenciellement chaftes, & qu'elles font plus pures que l'argent qui a paffe fept fois par le feu (b), a cru ce

& te refervabunt. Dic ergo, obfecro, quòd foror mea fis.... cùm itaque ingreffus effet Abram Egyptum, viderunt Egyptii mulierem quod effet pulchra nimis. Et nuntiaverunt principes Pharaonis, & laudaverunt eam apud illum, & fublata eft mulier in domum PhaTaonis Abram verò benè ufi funt propter illam. Fue Tunique ei oves & boves, & afini & fervi & famula & afina & cameli. (Genef. cap. XII. . 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16.)

Voyez tout le chapitre 39 de la Genese. (b) Eloquia Domini, eloquia cafta, argentum igne

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pendant devoir ne pas omettre les deux hiftoires que je viens de rappeller, & qui arriverent en Egypte ? C'eft pour nous apprendre que les grands ont été les mêmes dans tous les tems; que toutes les cours des empires paffés & préfens fe reffemblent, & que cette honteufe paffion, qui fait le malheur de ceux qu'elle captive, regne en defpote dans le cœur des gens de cour, pour qui, dans ce genre, rien n'eft facré, pas même la femme d'un Abraham.

Pour dernier trait du parallele que nous efquiffons, nous citerons les cérémonies funéraires ordonnées quelquefois par les fouverains, pour honorer la mémoire que laiffe après lui un mérite éminent. Les hiftoriens profanes fe font un devoir de décrire ces honneurs funebres; parce que telle est la puiffance des rois, qu'ils favent même donner au fpectre de la mort un air de gran. deur & de majefté. Ouvrez l'Ecriture-Sainte; n'y lit-on pas le récit des obfeques magnifiques accordées à Jacob par ordre de Pharaon, qui crut devoir cet hommage au pere de fon premier miniftre? Rien de plus curieux que ce morceau; il vous donnera une idée des mœurs Egyptiennes de la haute antiquité. Si les obfeques des grands de nos jours, ont de la dignité, on verra que les Egyptiens en mettoient auffi dans leurs cérémonies funebres. Jacob étant mort, Jo.

examinatum, probatum terra, purgatum feptuplum, (Pfal. XI. . 7.)

feph, après l'avoir arrofé de fes larmes, donna fes ordres aux officiers de fa maifon pour les funérailles du vénérable patriarche. Son corps, felon l'ufage égyptien, fut embaumé dans l'efpace de quarante jours; & pendant foixante & dix, le royaume entier porta le deuil; dès que la douleur du premier miniftre lui permit de paroître en public, il fit annoncer au roi la perte amere qu'il venoit de faire, & lui fit demander fon agrément pour les honneurs qu'il vouloit rendre à la mémoire de fon pere, conformément à fes dernieres volontés. Le monarque y confentit. Alors Jofeph s'apprêtant à partir, les miniftres de la cour de Pharaon, tous les grands de l'état, les officiers de fa maison & fes freres voulurent l'accompagner. Un détachement de cavalerie eut ordre de l'escorter. Des chariots funebres précédoient la marche : ce cortege étoient auffi nombreux que magnifique. Arrivé à l'Aire d'Atad, lieu de la fépulture, on employa fept jours à célébrer les obfeques. La vivacité de la douleur répondit à cette pompe lugubre. Il falloit que cet événement eût opéré une vive fenfation, puifque les habitans de Chanaan, témoins de ce trifte fpectacle, pour montrer combien ils en étoient frappés, s'exprimerent en ces termes : DE PAREILLES OBSEQUES ANNONCENT LA MORT DE QUELQUE GRAND EN EGYPTE. Le corps de Jacob fut mis dans le tombeau qu'il avoit choifi. La cérémonie terminée,

Jofeph revint à la cour, accompagné de ses freres, & du convoi qui fe retira dans le même ordre. (a)

Je me flatte, Monfieur, que vous commencez maintenant à convenir que, graces à nos écrivains facrés, nous pouvons nous paffer d'Hérodote fur l'Egypte, parce qu'ils nous en ont donné, non pas comme lui, une hiftoire remplie de faits incroyables & gigantefques, celle d'un Sefoftris qui fait des conquêtes avec ses épaules, mais une histoire avouée par le bon fens, & qui porte tous les caracteres de la vérité. Cependant je m'imagine vous entendre

(a) Jofeph ruit fuper faciem patris flens.... prærepitque fervis fuis... ut... condirent patrem. Qui bus juffa explentibus, tranfierunt quadraginta dies: ifte quippè mos erat cadaverum conditorum, flevitque eum Egyptus feptuaginta diebus. Et expleto planetús tempore, locutus eft Jofeph ad familiam Pharaonis: fi inveni gratiam in confpectu veftro, loquimini in auribus Pharaonis: eò quòd pater meus adjuraverit me, dicens: En morior, in fepulchro meo quod fodi miki in terra Chanaan, fepelies me. Afcendam igitur & fepeliam patrem meum, ac revertar. Dixitque ei Pharao: afcende & fepeli patrem tuum ficut adjuratus es. Quo afcendente, ierunt cum eo omnes fenes domus Pharaonis, cunclique majores natu terra Egypti. Domus Jofeph cum fratribus fuis.... Habuit quo. què in comitatu currus & equites : & facta eft turba non modica, veneruntque ad aream Atad.... ubi celebrantes exequias planētu magno atque vehementi, impleverunt feptem dies. Quod cùm vidissent habita. tores terra Chanaan, dixerunt: PLANCTUS MAGNUS EST 1STE EGYPTIIS!... & portantes eum in terram Chanaan, fepeliêrunt eum in fpelunca duplici... reverfufque eft Jofeph in Egyptum cum fratribus fuis & omni comitatu, fepulto paire. (Genef. 50.)

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