>>>Quand commenceras-tu tes prières, tes vœux? >> Parle : c'est à ce prix que répondront mes dieux, >> Et que s'ébranleront ces portes redoutables. » Elle dit, et se tait. A ces sons formidables Il frémit, il s'écrie : « O divin Apollon! » Et des Massyliens les peuplades lointaines, docile, >> M'as conduit sur ces bords. Enfin un sort plus doux » Nous livre ces beaux lieux qui fuyoient devant nous : » Termine enfin ici les malheurs de Pergame! >> Et vous, déesses, dieux, que le fer et la flamme » Ont enfin délivrés de ces fameux remparts » Dont la gloire importune offensoit vos regards, >> Aplanissez pour nous la mer et les obstacles; >> Dégagez, il est temps, la foi de nos oracles. >> Et toi, sainte prêtresse, accorde-nous enfin >> Ce que depuis long-temps m'accorde le Destin, >> Et fixe en ces climats notre fortune errante! >> Pour prix de ce bienfait ma main reconnoissante » Bâtira d'un beau marbre un somptueux séjour » A la reine des nuits, au dieu brillant du jour: Ne turbata volent rapidis ludibria ventis: Tu, ne cede malis; sed contrà audentior ito, » De tes accens sacrés et de tes saints mystères, » Là, des hommes choisis seront dépositaires; >> J'en fais ici le vœu. Mais aux vents indiscrets >> Ne va pas confier tes éternels décrets, >>> Graver l'ordre des dieux sur la feuille mobile : » Parle, parle toi-même. » II dit, et la Sibylle De son antre profond, terrible, l'œil en feu, Impatiente encor, lutte contre le dieu. Plus elle se débat, et plus il la tourmente, S'imprime dans son cœur, sur sa bouche écumante, Façonne son maintien, ses paroles, ses traits, Et Ini souffle des sons dignes de ses décrets. D'elles-mêmes alors les cent portes s'ouvrirent, Et ces accens sacrés dans les airs retentirent : << Fais taire tes frayeurs, chef d'illustres bannis; >> Oui, sur les flots enfin tes malheurs sont finis. >> Mais que la terre encor te garde de tempêtes! >>Oui, je les garantis tes illustres conquêtes : >> Les Troyens obtiendront les champs de Latinus; >> Mais à quel prix sanglant ils seront obtenus ! >> Je vois, je vois la guerre, et le meurtre, et la rage, » Et le Tibre effrayé regorgeant de carnage. >> Là, de Bellone encor tu verras le drapeau, » Un nouveau Simoïs, un Achille nouveau, >> Né comme le premier du sang d'une déesse. >> Là, de Junon encor la haine vengeresse Quod minimè reris, Graiâ pandetur ab urbe. Talibus ex adyto dictis Cumæa Sibylla Horrendas canit ambages, antroque remugit, Obscuris vera involvens : ea frena furenti Concutit, et stimulos sub pectore vertit, Apollo. Ut primùm cessit furor, et rabida ora quiêrunt, Incipit Æneas heros: Non ulla laborum, O virgo, nova mi facies inopinave surgit: Omnia præcepi, atque animo mecum ante peregi. Unum oro : quando hic inferni janua regis Dicitur, et tenebrosa palus Acheronte refuso, Ire ad conspectum cari genitoris et ora Contingat; doceas iter, et sacra ostia pandas. Illum ego per flammas et mille sequentia tela Eripui his humeris, medioque ex hoste recepi; >> Des Phrygiens proscrits suivra partout les pas. >> Contre elle quels secours n'imploreras-tu pas? >>> Vain espoir! Ton destin suit en tous lieux sa proie : >>> Une autre Hélène encore embrase une autre Troic; » Ton malheur vient encor d'un hymen étranger. >> Toi, conserve un cœur ferme au milieu du danger : >> Des secours imprévus attendent ta détresse ; >> Tes premiers défenseurs te viendront de la Grèce. » Ainsi de l'antre saint la prophétique horreur Trouble sur son trépied la prêtresse en fureur; Ainsi le dieu terrible, aiguillonnant son ame, La perce de ses traits, l'embrase de sa flamme, Répand sur ses discours sa sainte obscurité, Et même en l'annonçant voile la vérité. Enfin sa rage tombe, et son délire cesse. Énée alors reprend : << O sublime prêtresse! >>> De mon triste avenir ces terribles tableaux, >> Ces aspects menaçans, ne me sont pas nouveaux, >> Cent fois, anticipant ma pénible carrière, >> J'ai tout prévu. Mais vous, exaucez ma prière; >>> Puisque s'ouvre en ces lieux la porte de Pluton, >> Que ce lac communique au sombre Phlégéthon; >> Ah d'un père chéri que je voie au moins l'ombre! >> Vous-même guidez-moi dans cet abîme sombre. >> Hélas! parmi les morts, et le fer, et les feux, >> Tout fier de me courber sous ce poids glorieux, |