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plus belles provinces de l'empire; elles furent faites par les hommes. C'est la fertilité inexprimable de ces deux provinces, qui a donné à l'Europe les idées de la félicité de cette vafte contrée. Mais un foin continuel & néceffaire pour garantir de la deftruction une partie fi confidérable de l'empire, demandoit plutôt les moeurs d'un peuple fage, que celles d'un peuple voluptueux; plutôt le pouvoir légitime d'un monarque, que la puiffance tyrannique d'un defpote. Il falloit que le pouvoir y fût modéré, comme il l'étoit autrefois en Egypte. Il falloit que le pouvoir y fût modéré, comme il l'eft en Hollande, que la nature a faite pour avoir attention fur elle-même, & non pas pour être abandonnée à la nonchalance ou au caprice.

Ainfi, malgré le climat de la Chine', où l'on eft naturellement porté à l'obéiffance fervile, malgré les horreurs qui fuivent la trop grande étendue d'un empire, les premiers légiflateurs de la Chine furent obligés de faire de trèsbonnes lois, & le gouvernement fut fouvent obligé de les fuivre,

L

CHAPITRE VII.

Des ouvrages des hommes.

Es hommes, par leurs foins & par de bonnes lois, ont rendu la terre plus propre à être leur demeure. Nous voyons couler des rivieres là où étoient des lacs & des marais: c'eft un bien que ia nature n'a point fait, mais qui eft entretenu par la nature. Lorfque les Perfes (a) étoient les maîtres de l'Afie, ils permettoient à ceux qui ameneroient de l'eau de fontaine en quelque lieu qui n'auroit point été encore arrofé, d'en jouir pendant cinq générations; & comine il fort quantité de ruiffeaux du mont Taurus, ils n'épargnerent aucune dépense pour en faire venir de l'eau. Aujourd'hui, fans favoir d'où elle peut venir, on la trouve dans fes champs & dans fes jardins.

Ainfi, comme les nations deftru&trices font des maux qui durent plus qu'elles, il y a des nations induftrieufes qui font des biens qui ne finiffent pas même avec elles.

(a) Polybe, liv, X.

CHAPITRE

VIII.

Rapport général des lois.

Es lois ont un très-grand rapport

Lavec la façon dont les divers peuples fe procurent la fubfiftance. Il faut un code de lois plus étendu pour un peuple qui s'attache au commerce & à la mer, que pour un peuple qui fe contente de cultiver fes terres. Il en faut un plus grand pour celui-ci, que pour un peuple qui vit de fes troupeaux. Il en faut un plus grand pour ce dernier, que pour un peuple qui vit de fa chaffe.

CHAPITRE IX.

Du terrain de l'Amérique.

CE qui fait qu'il y a tant de nations

fauvages en Amérique, c'est que la terre y produit d'elle-même beaucoup de fruits dont on peut fe nourrir. Si les femmes y cultivent autour de la cabane un morceau de terre, le maïs y vient d'abord. La chaffe & la pêche achevent de mettre les hommes dans l'abondance. De plus, les animaux qui paiffent,

comme les bœufs, les buffles, &c. y réuffiffent mieux que les bêtes carnaffieres. Celles-ci ont eu de tout temps l'empire de l'Afrique.

Je crois qu'on n'auroit point tous ces avantages en Europe, fi l'on y laiffoit la terre inculte; il n'y viendroit guere que des forêts, des chênes & autres arbres ftériles.

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Du nombre des hommes dans le rapport avec la maniere dont ils fe procurent la fubfiftance.

Q

UAND les nations ne cultivent pas les terres, voici dans quelle proportion le nombre des hommes s'y trouve. Comme le produit d'un terrain inculte eft au produit d'un terrain cultivé; de même le nombre des fauvages dans un pays, eft au nombre des laboureurs dans un autre : & quand le peuple qui cultive les terres, cultive auffi les arts, cela fuit des proportions qui demanderoient bien des détails.

Ils ne peuvent guere former une grande nation. S'ils font pasteurs, ils

ont befoin d'un grand pays, pour qu'ils puiffent fubfifter en certain nombre :: s'ils font chaffeurs, ils font encore en plus petit nombre ; & forment pour vivre, une plus petite nation.

Leur pays eft ordinairement plein de forêts; & comme les hommes n'y ont point donné de cours aux eaux, il eft. rempli de marécages, où chaque troupe fe cantonne & forme une petite nation..

CHAPITRE

Des peuples fauvages

barbares.

X I.

& des peuples

Ly a cette différence entre les peuples fauvages & les peuples barbares que les premiers font de petites nations. difperfées, qui, par quelques raifons particulieres, ne peuvent pas fe réunir; au lieu que les barbares font ordinairement de petites nations qui fe peuvent réunir. Les premiers font ordinairement des peuples chaffeurs; les feconds, des peu ples pafteurs. Cela se voit bien dans le nord de l'Afie. Les peuples de la Sibé-rie ne fauroient vivre en corps, parce qu'ils ne pourroient fe nourrir; les Tar

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