En des moules divers la nature la jette,
En globe l'arrondit, ou l'alonge en navette : La poire (2) est distinguée, ici par sa grosseur, La par son coloris, plus loin par sa douceur; Là L'une mûrit l'été, l'autre tombe en automne; Celle-ci dans l'hiver à la main s'abandonne. Notre vigne fleurit suspendue aux ormeaux; La grappe de Lesbos (23) rampe sur les coteaux : Les raisins sont tardifs, ou se pressent d'éclore; Le pourpre les rougit, ou le safran les dore: Ceux-ci sur les rochers se cuiront lentement, Ceux-là s'amolliront dans l'airain écumant: Ici d'un jus vermeil la sève généreuse
Dans nos veines répand une chaleur heureuse ; Là les esprits fumeux de ce vin sans couleur Enchaîneront la langue et les pas du buveur. Vois les vins blancs de Thase et de Maréotide; L'un veut un terrain gras, et l'autre un sol aride. Rhétie, on vante au loin tes vins délicieux; Mais Hébé verserait notre Falerne aux dieux. Veut-on boire un vin fort? on choisit l'Aminée, Vainqueur heureux du Tmole, et même du Phanée. Argos est renommé pour ses vins bienfaisants Dont la sève résiste à l'injure des ans. Et toi, divin nectar que Rhodes nous envoie, Du convive assoupi viens réveiller la joie. Puis-je encore oublier ces énormes raisins.... Mais qui pourrait compter (24) et nommer tous ces vins ? On compterait plutôt sur les mers courroucées
Les vagues vers les bords par l'aquilon poussées,
Nosse quot Ionii veniant ad littora fluctus.
Nec verò terræ ferre omnes omnia possunt: Fluminibus salices, crassisque paludibus alni, Nascuntur, steriles saxosis montibus orni; Littora myrtetis lætissima; denique apertos Bacchus amat colles, aquilonem et frigora taxi. Aspice et extremis domitum cultoribus orbem, Eoasque domos Arabum, pictosque Gelonos. Divisa arboribus patriæ : sola India nigrum Fert ebenum; solis est turea virga Sabæis. Quid tibi odorato referam sudantia ligno Balsamaque, et baccas semper frondentis acanthi? Quid nemora Æthiopum molli canentia lanâ? Velleraque ut foliis depectant tenuia Seres? Aut quos oceano propior gerit India lucos, Extremi sinus orbis; ubi aëra vincere summum Arboris haud ullæ jactu potuere sagittæ ?
illa quidem sumptis non tarda pharetris. Media fert tristes succos, tardumque saporem Felicis mali, quo non præsentius ullum, Pocula si quando sævæ infecere novercæ, Miscueruntque herbas et non innoxia verba, Auxilium venit, ac membris agit atra venena. Ipsa ingens arbos, faciemque simillima lauro; Et, si non alium latè jactaret odorem,
Laurus erat: folia haud ullis labentia ventis; Flos apprima tenax : animas et olentia Medi Ora fovent illo, et senibus medicantur anhelis.
On compterait plutôt dans les brûlants déserts Les sables que les vents emportent dans les airs.
Tout sol (25) enfin n'est pas propice à toute plante: Le saule aime une eau vive, et l'aune une eau dormante; Le frêne veut plonger dans un coteau pierreux :
Au bord riant des eaux les myrtes sont heureux;
Le soleil sur les monts cuit la
grappe dorée ; Et l'if s'épanouit au souffle de Borée.
De l'aurore au couchant parcourons l'univers, Les différents climats ont des arbres divers: Chez l'Arabe l'encens embaume au loin la plaine; Sur les rives du Gange (26) on voit noircir l'ébène : Là d'un tendre duvet (7) les arbres sont blanchis, Ici d'un fil doré (28) les bois sont enrichis; Le Nil du vert acanthe (29) admire les feuillages; Le baume (30), heureux Jourdain, parfume tes rivages; Et l'Inde au bord des mers (31) voit monter ses forêts Plus haut que ses archers ne font voler leurs traits.
Vois les arbres du Mède (32), et son orange amère, Qui, lorsque la marâtre aux fils d'une autre mère Verse le noir poison d'un breuvage enchanté, Dans leur corps expirant rappelle la santé : L'arbre égale en beauté celui que Phébus aime; S'il en avait l'odeur, c'est le laurier lui-même : Sa feuille sans effort ne se peut arracher; Sa fleur résiste au doigt qui la veut détacher, Et son suc du vieillard qui respire avec peine Raffermit les poumons et parfume l'haleine.
Mais l'Inde et ses forêts (33), et leur riche trésor, Et le Gange, et l'Hermus qui roule un limon d'er
Sed neque Medorum, sylvæ ditissima, terra, Nec pulcher Ganges, atque auro turbidus Hermus, Laudibus Italiæ certent : non Bactra, neque Totaque turiferis Panchaïa pinguis arenis. Hæc loca non tauri spirantes naribus ignem Invertêre, satis immanis dentibus hydri; Nec galeis densisque virûm seges horruit hastis: Sed gravidæ fruges, et Bacchi Massicus humor Implevere; tenent oleæque, armentaque læta. Hinc bellator equus campo sese arduus infert; Hinc albi, Clitumne, greges, et maxima taurus Victima, sæpè tuo perfusi flumine sacro Romanos ad templa deûm duxere triumphos. Hic ver assiduum, atque alienis mensibus æstas; Bis gravidæ pecudes, bis pomis utilis arbos. At rabidæ tigres absunt, et sæva leonum Semina; nec miseros fallunt aconita legentes; Nec rapit immensos orbes per humum, neque tanto Squammeus in spiram tractu se colligit anguis. Adde tot egregias urbes operumque laborem,
Tot congesta manu præruptis oppida saxis, Fluminaque antiquos subterlabentia muros. An mare quod suprà memorem, quodque alluit infrà? Anne lacus tantos? te, Lari maxime, teque, Fluctibus et fremitu assurgens, Benace, marino? An memorem portus, Lucrinoque addita claustra, Atque indignatum magnis stridoribus æquor, Julia quà ponto longè sonat unda refuse,
Et les riches parfums que l'Arabie exhale, A l'antique Ausonie ont-ils rien qui s'égale ? Colchos (34) , pour labourer tes vallons fabuleux, Mets au joug des taureaux étincelants de feux ; Que des dents d'un dragon les fatales semences Hérissent tes guérets d'une moisson de lances: Le blé pare nos champs, le raisin nos coteaux ; J'y vois mûrir l'olive, et bondir nos troupeaux. Ici l'ardent coursier s'échappe au loin sur l'herbe, Là paissent la génisse et le taureau superbe,
Qui, baignés d'une eau pure et couronnés de fleurs, Conduisent aux autels nos fiers triomphateurs.
Deux fois nos fruits sont mûrs (35), deux fois nos brebis pleines; Même au sein des hivers l'été luit dans nos plaines: Mais le sol ne nourrit (36) ni le tigre inhumain, Ni le poison qui trompe une imprudente main; Nul lion n'y rugit (37), et jamais sur l'arène Une hydre épouvantable à longs plis ne s'y traîne. Partout sont de beaux champs qu'éclairent de beaux cieux, Où la nature est riche, et l'art industrieux. Vois ces forts suspendus (38) sur ces rochers sauvages, Ces fleuves dont nos murs couronnent les rivages: La mer (39) de deux côtés nous présente son sein Vingt lacs autour de nous ont creusé leur bassin. Ici le Lare (40) étend son enceinte profonde; Là, tel qu'un océan, le Bénac s'enfle et gronde. Peindrai-je ces beaux ports, ce hardi monument Qui maîtrise l'orgueil d'un fougueux élément, Et, dans les lacs voisins lui laissant un passage, Présente à nos vaisseaux une mer sans orage?
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