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LIVRE XVII.

Comment les Lois de la fervitude politique ont du rapport avec la nature du climat.

CHAPITRE

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PREMIER.

De la fervitude politique.

A fervitude politique ne dépend pas moins de la nature du climat que la civile & la domeftique, comme on va le faire voir.

CHAPITRE II.

Difference des peuples, par rapport au

N

courage.

ous avons déjà dit que la grande chaleur énervoit la force & le courage des hommes; & qu'il y avoit dans les climats froids une certaine force de corps & d'efprit, qui rendoit les hommes capables des actions longues, pé

nibles, grandes & hardies. Cela fe remarque non-feulement de nation à nation, mais encore dans le même pays d'une partie à une autre. Les peuples du nord de la Chine (a) font plus courageux que ceux du midi; les peuples du midi de la Corée (6) ne le font pas tant que ceux du nord.

Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds, les ait prefque toujours rendu efclaves, & que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'est un effet qui dérive de fa cause naturelle.

Ceci s'eft encore trouvé vrai dans l'Amérique; les empires defpotiques du Me xique & du Pérou étoient vers la ligne, & prefque tous les petits peuples libres étoient & font encore vers les pôles.

(a) Le P. du Halde, tome I. page 112.

(b) Les livres Chinois le difent ainfi. Ibid. tome IV, Page 448.

» millet, mais que le blé ni le riz n'y > peuvent mûrir: qu'il n'y a guere d'en» droits dans la Tartarie Chinoise, aux » 43, 44 & 45me degrés, où il ne gele » fept ou huit mois de l'année; de forte qu'elle eft auffi froide que l'Iflande, » quoiqu'elle dût être plus chaude que » le midi de la France: qu'il n'y a point » de villes, excepté quatre ou cinq vers » la mer orientale, & quelques-unes que

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les Chinois, par des raifons de poli»tique, ont bâties près de la Chine; que » dans le refte de la grande Tartarie, il » n'y en a que quelques-unes placées

dans les Boucharies, Turkestan & » Charisme que la raifon de cette ex»trême froidure vient de la nature du » terrain nitreux, plein de falpêtre & » fablonneux, & de plus, de la hauteur » du terrain. Le P. Verbieft avoit trouvé » qu'un certain endroit, à 80 lieues au

nord de la grande muraille, vers la » fource de Kavamhuram, excédoit la » hauteur du rivage de la mer près de >> Pekin de 3000 pas géométriques; que » cette hauteur (4) eft caufe que, quoi» que quafi toutes les grandes rivieres

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(a) La Tartarie eft donc. comme une espece de montagne platte.

de l'Afie ayent leur fource dans le » pays, il manque cependant d'eau » de façon qu'il ne peut être habité qu'auprès des rivieres & des lacs ».

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Ces faits pofés, je raifonne ainsi : L'Afie n'a point proprement de zone tempérée; & les lieux fitués dans un climat très-froid, y 'touchent immédiatement ceux qui font dans un climat trèschaud, c'eft-à-dire, la Turquie, la Perfe, le Mogol', la Chine, la Corée & le Japon.

En Europe, au contraire, la zone tempérée eft très-étendue, quoiqu'elle foit fituée dans des climats très-différens entr'eux, n'y ayant point de rapport entre les climats d'Efpagne & d'Italie & ceux de Norwege & de Suede. Mais comme le climat y devient infenfiblement froid en allant du midi au nord, à peu près à proportion de la latitude de chaque pays; il y arrive que chaque pays eft à peu près femblable à celui qui en eft voifin; qu'il n'y a pas une notable différence; & que, comme je viens de le dire, la zone tempérée y eft très-étendue. De-là il fuit qu'en Afie, les nations font oppofées aux nations du fort au foible; les peuples guerriers, braves, & actifs, touchent immédiatement des

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Peuples efféminés, pareffeux, timides faut donc que l'un foit conquis, & utre conquérant, En Europe, au con traire, les nations font oppofées du fort au fort; celles qui fe touchent ont à peu près le même courage. C'eft la grande raifon de la foibleffe de l'Afie & de la. force de l'Europe, de la liberté de l'Europe & de la fervitude de l'Afie; caufe: que je ne ne fache pas que l'on ait encore: remarquée. C'est ce qui fait qu'en Afie, il n'arrive jamais que la liberté augmen-te; au lieu qu'en Europe elle augmente: ou diminue, felon les circonftances.

Que la nobleffe Mofcovite ait été réduite en fervitude par un de fes princes,. on y verra toujours des traits d'impatience que les climats du midi ne donnent point. N'y avons-nous pas vu le gouvernement aristocratique établi pen dant quelques jours? Qu'un autre royau-me du nord ait perdu fes lois, on peut s'en fier au climat, il ne les a pas perdues d'une maniere irrévocable..

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