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70) Et les nochers heureux

Bientôt sur le rivage acquitteront leurs vœux.

Il y a dans le texte :

Glauco, et Panopeæ, et Inoo Melicerte.

C'étaient des divinités de la mer. Glaucus, selon la fable, fut un berger qui, ayant pêché des poissons, les vit sauter dans la mer et lui échapper, parce qu'ils avaient touché une certaine herbe. Le berger surpris voulut goûter cette herbe; il sauta lui-même dans la mer, et devint dieu marin. Panope ou Panopée était fille de Nérée et de Doris, et par conséquent nymphe de la mer. Mélicerte fut le fils d'Ino, fille de Cadmus, et femme d'Athamas roi de Thèbes. Ino, selon la fable, se précipita dans la mer avec son fils; et l'un et l'autre ils devinrent dieux marins. Ino est la même que les Grecs appellent Leucothoe, et les Latins Matuta. Les Grecs donnèrent aussi à Mélicerte le nom de Palamon, et les Latins celui de Portunus. (DESFONTAINES.)

71) Quand César expira, plaignant notre misère.....

Tous ces prodiges qui précédèrent ou suivirent la mort de César sont rapportés différemment par les différents historiens qui en ont parlé. On peut lire dans Ovide un récit de ces mêmes prodiges : son morceau ne peut soutenir la comparaison avec celui de Virgile. L'art de peindre par les sons, qui caractérise les grands poètes, lui manque entièrement: Virgile, dans cet épisode, le porte au plus haut point.

72) Combien de fois l'Etna, brisant ses arsenaux,

Parmi des rocs ardents, des flammes ondoyantes,
Vomit en bouillonnant ses entrailles brûlantes!

Il y a dans le texte liquefactaque volvere saxa. Le père Larue l'interprète par exesa, imminuta igne. C'est un contresens. Liquefacta saxa veut dire des rochers réellement fondus. L'académie de Naples, qui assurément ne peut que trop bien juger de la des

cription d'un volcan, dans le compte qu'elle a publié de l'éruption du Vésuve, arrivée en 1737, applaudit justement à la justesse des expressions de Virgile, et relève durement la méprise du père Larue Ex quibus manifestum est poëtæ phrasim imperiti hominis temerario judicio in præposteram explicationem esse deductam.

73) Aussi la Macédoine a vu nos combattants
Une seconde fois s'égorger dans ses champs.

Virgile a dit :

Ergo inter sese paribus concurrere telis
Romanas acies iterùm vidêre Philippi.

Ce passage a fort embarrassé les interprètes. Il faudrait des pages entières, je ne dis pas pour apprécier, mais pour rapporter les différentes opinions. Le père Larue est un de ceux qui ont discuté ce passage avec le plus de soin; mais son explication me paraît peu naturelle. Je crois que Virgile parle ici de deux batailles différentes, livrées dans deux endroits différents qui portaient le même nom; la première à Philippes, près de Pharsale en Thessalie; la seconde près d'une autre Philippes, sur les confins de la Thrace. Pour donner plus de clarté à cette interprétation, je crois qu'il est à propos de faire voir, 1°. qu'il y avait deux Philippes auprès desquelles les deux batailles ont été livrées; 2°. que ces deux villes étaient dans la Macédoine, autrement nommée Émathie; 3°. que ces deux villes étaient au pied du mont Hémus.

La première de ces deux propositions servira à expliquer les deux premiers vers:

Ergo inter sese paribus concurrere telis
Romanas acies iterùm vidêre Philippi.

La seconde fera comprendre ces deux autres:

Nec fuit indignum superis bis sanguine nostro
Emathiam et latos Hæmi pinguescere campos.

D'abord on convient généralement qu'il y avait une fameuse ville nommée Philippes sur les confins de la Thrace et de la Macédoine elle fut dans son origine appelée Datum, ensuite Crenides, jusqu'à ce qu'elle fût nommée du nom de Philippe, père d'Alexandre. Outre cette ville célèbre, il y en avait une autre du même nom en Thessalie, qui fut d'abord nommée Thèbes, et surnommée Philippopolis, et par contraction Philippi, de Philippe, fils de Démétrius. Lucain désigne souvent la bataille de Pharsale par le mot Philippi.

Video Pangaa nivosis

Cana jugis, latosque Hæmi sub rupe Philippos.

1o. Stace donne indifféremment au poëme de Lucain le nom de Pharsale ou de Philippes. Outre la fameuse ville de Philippes sur les confins de la Thrace, il y en avait donc encore une dans la Thessalie près de Pharsale; et la bataille où Pompée fut vaincu par César est aussi souvent désignée dans les auteurs grecs et latins par le nom de Philippes, que par celui de Pharsale.

2o. Il n'est pas plus difficile de prouver que les deux Philippes étaient dans la Macédoine, autrement appelée Émathie. Ce pays, comme beaucoup d'autres, a éprouvé plusieurs changements, tant pour son nom que pour son étendue : il fut d'abord appelé Péonie, ensuite Émathie, et enfin Macédoine. L'Émathie ou la Péonie proprement dite, n'était qu'une petite partie de ce qu'on nomma ensuite la Macédoine; mais par la suite des temps le nom d'Émathie fut donné à toute la Macédoine, et ces deux mots signifièrent la même chose. Les prosateurs employaient le mot Macedonia; et les poètes, pour une raison facile à deviner, celui d'Emathia. Il s'agit maintenant de montrer que les deux Philippes étaient dans cette province. Depuis qu'elle fut devenue tributaire des Romains, elle s'étendait à l'orient jusqu'au Nessus, et par conséquent renfermait Philippes de Thrace; au sud, elle comprenait toute la Thessalie, et par la même raison Philippes, voisine

de Pharsale. Il n'y a que ceux qui s'en sont rapportés aux anciennes divisions de la Macédoine pour qui ce passage a été inintelligible.

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3o. Enfin les deux Philippes étaient au pied du mont Hémus. Cette assertion paraît d'abord contredire manifestement ce que je viens d'avancer; car, si les deux Philippes étaient aux deux extrémités de la Macédoine, comment pouvaient-elles être situées toutes deux au pied du mont Hémus, montagne de Thrace? D'abord l'une des deux était sur les confins de la Thrace, et par conséquent on peut la placer au pied de l'Hémus; mais prolonger l'Hémus jusqu'en Thessalie, il semble que c'est vouloir imiter en quelque sorte les géants, qui dans ce même pays transportaient l'Ossa et le Pélion l'un sur l'autre. Cependant, à examiner la chose de près, elle paraît moins difficile à concevoir. Ne peut-on pas regarder le mont Hémus non comme une seule montagne, mais comme une chaîne de montagnes? Il est bien vrai que la plus haute partie, ou, si l'on veut, la tête du mont Hémus, était dans la Thrace, ce qui a fait donner à une province de ce pays le nom d'Hæmimontana; mais plusieurs autres montagnes, telles que le Rhodope, le Pangée, etc., peuvent être regardées comme des membres du même corps: c'est ainsi qu'on a donné à différentes parties des Alpes et de l'Apennin les noms de Saint-Gothard, Cénis, etc., quoique ces montagnes ne soient pour ainsi dire que des chaînons d'une même chaîne. Les Italiens appellent encore le mont Hémus Catena del mondo. Si je ne craignais d'alonger cette note, déjà trop diffuse, je pourrais citer plusieurs passages qui favorisent cette interprétation; je me contenterai d'un seul endroit de Lucain à la fin du premier livre, il prédit que la bataille de Pharsale, qu'il désigne par le nom de Philippes, sera livrée au pied du mont Hémus :

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une grande extension: Dulichias rates signifient les vaisseaux de la Grèce, quoique Dulichium ne fût qu'une petite île.

74) Un jour le laboureur.....

J'ai déjà fait remarquer dans le discours préliminaire comment Virgile, dans cet épisode, ramenait adroitement l'agriculture, qu'il semblait avoir perdue de vue.

75) Et des soldats romains les ossements rouler.

Il y a dans le texte :

Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris.

Je n'ai pu rendre ce mot grandia, qui, si l'on en croit les commentateurs, fait allusion à une opinion particulière des anciens : ils croyaient que les hommes dégénéraient de siècle en siècle. Voilà de ces expressions qui sont intraduisibles, parce qu'elles tiennent aux préjugés et aux opinions des anciens.

76) Dieux paternels! ô dieux de mon pays!

Larue joint ensemble Dii patrii indigetes. Je crois qu'il se trompe. Une foule d'exemples me fait penser que Virgile parle ici de deux sortes de dieux : dii patrii, les dieux du pays, les dieux tutélaires, les dieux pénates; dii indigetes, les hommes déifiés.

77) Ici le Rhin se trouble, et là mugit l'Euphrate.

Cet endroit des Géorgiques semble avoir été écrit dans le temps qu'Auguste et Antoine rassemblaient leurs forces pour cette guerre dont le succès fut décidé par la défaite d'Antoine et de Cléopâtre au promontoire d'Actium. Antoine tirait ses forces de la partie orientale de l'empire; c'est ce que Virgile désigne par l'Euphrate: Auguste tirait les siennes de la partie septentrionale; c'est ce qu'exprime Germania.

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