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Dans les états defpotiques, où la régie eft établie, les peuples font infiniment plus heureux; témoin la Perfe & la Chine (a). Les plus malheureux font ceux où le prince donne à ferme fes ports de mer & fes villes de commerce. L'hiftoire des monarchies eft pleine des maux faits par les traitans.

Néron indigné des vexations des publicains, forma le projet impoffible & magnanime d'abolir tous les impôts. Il n'imagina point la régie: il fit (b) quatre ordonnances; que les lois faites contre les publicains, qui avoient été jufqueslà tenues fecrettes, feroient publiées; qu'ils ne pourroient plus exiger ce qu'ils avoient négligé de demander dans l'année; qu'il y auroit un préteur établi pour juger leurs prétentions fans formaÎité; que les marchands ne payeroient rien pour les navires. Voilà les beaux jours de cet empereur.

cite nous dit que la Macédoine & l'Achaïe, provinces qu'Augufte avoit laiffées au peuple Romain, & qui par conféquent étoient gouvernées fur l'ancien plan, obtinrent d'être du nombre de celles que l'empereur gouvernoit par fes officiers.

(a) Voyez Chardin, voyage de Perfe, tom. VI. (b) Tacite, annales, liv. XIII.

CHAPITRE XX.

TOUT

Des traitans.

"OUT eft perdu, lorsque la profeffion lucrative des traitans parvient encore, par fes richeffes, à être une profeffion honorée. Cela peut être bon dans les états defpotiques, où fouvent leur emploi eft une partie des fonctions des gouverneurs eux-mêmes. Cela n'eft pas bon dans la république ; & une chofe pareille détruifit la république Romaine. Cela n'eft pas meilleur dans la monarchie; rien n'eft plus contraire à l'efprit de ce gouvernement. Un dégoût faifit tous les autres états; l'honneur y perd toute fa confidération; les moyens lents & naturels de fe diftinguer ne touchent plus; & le gouvernement eft frappé dans fon principe.

On vit bien, dans les temps paffés, des fortunes fcandaleufes; c'étoit une des calamités des guerres de cinquante ans : mais pour lors, ces richesses furent regardées comme ridicules; & nous les admirons.

Il y a un lot pour chaque profeffion.

Le lot de ceux qui levent les tributs eft les richeffes; & les récompenfes de ces richeffes, font les richeffes mêmes. La gloire & l'honneur font pour cette nobleffe qui ne connoît, qui ne voit, qui ne fent de vrai bien que l'honneur & la gloire. Le refpe&t & la confidération font pour ces miniftres & ces magiftrats qui, ne trouvant que le travail après le tra-vail, veillent nuit & jour pour le bonheur de l'empire.

LIVRE XIV.

Des lois, dans le rapport qu'elles ont avec la nature du climat.

CHAPITRE PREMIER. Idée générale.

1

'IL eft vrai que le caractere de l'efprit & les paffions du cœur foient extrê mement différentes dans les divers climats, les lois doivent être relatives, & à la différence de ces paffions, & à la différence de ces caracteres.

CHAPITRE

II.

Combien les hommes font différens dans les divers climats.

les extreme 'AIR froid (a) refferre les extrémi

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corps; cela augmente leur reffort, &

(a) Cela paroît même à la vue : dans le froid of paroît plus maigre.

favorife le retour du fang des extrémités vers le cœur. Il diminue la longueur (a) de ces mêmes fibres; il augmente donc encore par-là leur force. L'air chaud, au contraire, relâche les extrémités des fibres, & les alonge; il diminue donc leur force & leur reffort.

On a donc plus de vigueur dans les climats froids. L'action du cœur & la réaction des extrémités des fibres s'y font mieux, les liqueurs font mieux en équilibre, le fang eft plus déterminé versle cœur,& réciproquement le cœur a plus de puiffance. Cette force plus grande doit produire bien des effets : par exemple, plus de confiance en foimême, c'est-à-dire, plus de courage; plus de connoiffance de fa fupériorité, c'eft-à-dire, moins de défir de la vengeance; plus d'opinion de fa fureté, c'est-à-dire, plus de franchise, moins de foupçons, de politique & de rufes. Enfin, cela doit faire des caracteres bien différens. Mettez un homme dans un lieu chaud & enfermé; il fouffrira, par les raifons que je viens de dire, une défaillance de cœur très-grande. Si dans cette circonftance on va lui proposer (a) On fait qu'il raccourcit le fer.

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