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CHAPITRE XIX.

'De la liberté des Arabes, & de la fervitude des Tartares.

ES Arabes & les Tartares font des peuples pafteurs. Les Arabes fe trouvent dans les cas généraux dont nous avons parlé, & font libres; au lieu que les Tartares (peuple le plus fingu lier de la terre) fe trouvent dans l'efclavage politique (4). J'ai déjà donné (6) quelques raifons de ce dernier fait : en Voici de nouvelles.

Ils n'ont point de villes, ils n'ont point de forêts, ils ont peu de marais, leurs rivieres font prefque toujours glacées, ils habitent une immenfe plaine, ils ont des pâturages & des troupeaux, & par conféquent des biens: mais ils n'ont aucune espece de retraite ni de défenfe. Si-tôt qu'un kan eft vaincu, on lui coupe la tête (c); on traite de la

(a) Lorfqu'on proclame un kan, tout le peuple s'écrie: Que fa parole lui ferve de glaive.

(6) Liv. XVII. chap. V.

(e) Ainfi il ne faut pas être étonné fi Mirivéis, s'étant rendu maître d'Ispahan, fit tuer tous les prin ces du fang.

même maniere fes enfans; & tous fes fujets appartiennent au vainqueur. On ne les condamne pas à un efclavage civil; ils feroient à charge à une nation fimple, qui n'a point de terres à cultiver, & n'a befoin d'aucun fervice domeftique. Ils augmentent donc la nation. Mais au lieu de l'efclavage civil, on conçoit que l'esclavage politique a dû s'introduire.

En effet, dans un pays où les diverfes hordes fe font continuellement la guerre, & fe conquierent fans ceffe les unes les autres; dans un pays où, par la mort du chef, le corps politique de chaque horde vaincue est toujours détruit, la nation en général ne peut guere être libre: car il n'y en a pas une feule partie qui ne doive avoir été un trèsgrand nombre de fois fubjugée.

Les peuples vaincus peuvent conferver quelque liberté, lorfque, parlaforce de leur fituation, ils font en état de faire des traités après leur défaite. Mais les Tartares toujours fans défenfe, vaincus une fois, n'ont jamais pu faire des conditions.

J'ai dit, au chapitre II, que les habi tans des plaines cultivées n'étoient

guere libres: des circonstances font que les Tartares, habitant une terre incul te,, font dans le même cas.

CHAPITRE

XX.

Du droit des gens des Tartares.

Ldour at humans, & ils font des conquérans très-cruels: ils paffent au fil de l'épée les habitans des villes qu'ils prennent; ils croient leur faire grace, lorfqu'ils les vendent ou les diftribuent à leurs foldats. Ils ont détruit l'Afie depuis les Indes jufqu'à la Méditerranée; tout le pays qui forme l'orient de la Perfe en eft refté défert.

ES Tartares paroiffent entr'eux

Voici ce qui me paroît avoir produit un pareil droit des gens. Ces peuples n'avoient point de villes; toutes leurs guerres fefaifoient avec promptitude & avec impétuofité. Quand ils efpéroient de vaincre, ils combattoient; ils augmentoient l'armée des plus forts, quand ils ne l'efpéroient pas. Avec de pareilles coutumes, ils trouvoient qu'il étoit contre leur droit des gens, qu'une ville qui ne pouvoit leur réfifter, les arrêtât.

Ils ne regardoient pas les villes comme une affemblée d'habitans, mais comme des lieux propres à fe fouftraire à leur puiffance. Ils n'avoient aucun art pour les affiéger, & ils s'expofoient beaucoup en les affiégeant; ils vengeoient par le fang tout celui qu'ils venoient de répandre.

CHAPITRE XX I.

Loi civile des Tartares.

Larres, c'est toujours le dernier E pere du Halde dit que, chez les

des mâles qui eft l'héritier : par la raison qu'à mesure que les aînés font en état de mener la vie paftorale, ils fortent de la maison avec une certaine quantité de bétail que le pere leur donne, & vont former une nouvelle habitation. Le dernier des mâles, qui refte dans la maison avec fon pere, eft donc fon héritier naturel.

J'ai oui dire qu'une pareille coutume étoit obfervée dans quelques petits diftricts d'Angleterre : & on la trouve encore en Bretagne, dans le duché de Rohan, où elle a lieu pour les rotures.

C'eft fans doute une loi paftorale venue de quelque petit peuple Breton, ou portée par quelque peuple Germain. On fait, par Céfar & Tacite, que ces derniers cultivoient peu les terres.

CHAPITRE

XXII.

D'une loi civile des peuples Germains.

J'E

"EXPLIQUERAI ici comment ce texte particulier de la loi falique, que l'on appelle ordinairement la loi falique, tient aux inftitutions d'un peuple qui ne cultivoit point les terres, ou du moins qui les cultivoit peu.

La loi falique (a) veut que, lorfqu'un homme laiffe des enfans, les mâles fuccedent à la terre falique au préjudice des filles.

Pour favoir ce que c'étoit que les terres faliques, il faut chercher ce que c'étoit que les propriétés ou l'ufage des terres chez les Francs, avant qu'ils fuffent fortis de la Germanie.

M. Echard a très-bien prouvé que le mot falique vient du mot fala, qui fignifie maifon; & qu'ainfi la terre falique (a) Tit. 62.

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