XXVI RÉMINISCENCE (1859) Je ne sais quel appel doux et triste à la fois De sons harmonieux, comme au temps qui n'est plus, Sans écouter, j'entends qu'un murmure m'arrive; Trop heureux si je trouve en mon âme attentive Un vers qui soit l'écho de ces accents confus Et vibre à l'unisson de la voix fugitive. Sans regarder, je vois des éclats radieux, Tout pleins, dans leur splendeur, de beauté singulière ; Heureux si je pouvais et voir quelques couleurs, J'aimai, dès que je fus à moi, j'aimai toujours Il est tard dans la vie; il est tard dans la nuit ; Non, non, je ne veux plus rêver, quand tout s'enfuit, Je ne requis jamais de lui qu'un idéal, Je ne sais quel appel doux et triste à la fois XXVII LA VIEILLESSE (1863) Le rayon de la vie est mourant sur ma tête ; Croire que la vieillesse à pas lents s'achemine Ainsi que l'œil, fixé sur l'aiguille des heures, 1. Je regardais ma pendule, et prenant plaisir à penser: voilà comme on est quand on souhaite que cette aiguille marche; et cependant elle tourne sans qu'on la voie, et tout arrive à sa fin. Miе DE SÉVIGNÉ. Ainsi le temps empêche, en tombant goutte à goutte, Qu'un moment passager ne paraisse courir. Un moment! une étape ! et la plus longue route N'est que soir et matin entre naître et mourir. Et voyez ! partageant l'éternelle durée, Où se fait et défait la trame de nos ans, Ce qui nous la dispense à phase mesurée, C'est le vol infini des astres rayonnants. Et l'espace s'étend devant eux sans limite; Le soleil, dit la Fable, au haut des cieux s'élance, Trainé par des coursiers à la crinière d'or, Qui vont, quand vient le soir, la nuit et le silence, Laver dans l'Océan l'essieu qui fume encor. L'essieu fumant encor, les coursiers, la crinière, Et l'Océan lointain, cette humide litière, Que sont-ils au regard de ces globes splendides, Parcourant sans relâche, en leurs vastes voyages, De l'espace et du temps les deux immenses mers, Le temps où leur sillon est mesure des âges, L'espace où leur sillon mesure l'univers? Avecque ces coursiers dont rien dans l'empyrée Comment l'humaine vie eût-elle eu de durée L'enfant qui vient n'a pas souci de sa croissance; Mais, dans ce flux des jours, l'homme vieilli qui pense Et dont le cœur n'a rien de futile et d'étroit, Prend souci de sa lente et sûre décroissance, Comme on sent à la nuit tomber l'ombre et le froid. Tout en nous amortit notre chaleur première ; Le soleil est moins vif et le ciel est moins bleu; Et désormais en l'âme est moins feu que lumière Ce qui fut autrefois moins lumière que feu. C'est une curieuse et grave anatomie, Ce fut mon lot, aux jours de jeunesse et d'étude, Ma part en cet office où la douleur qui veille, |