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tout,

proche est si sensible aux savans; mais à l'éblouissement des systêmes, et surà l'influence de l'éducation et des habitudes morales, qui voilent notre raison de tant de préjugés. J'ai donné dans l'avis de mon premier volume l'origine de cette erreur, que Neuwton a le premier mise en avant et sa réfutation géométrique dans l'explication des figures à la fin du troisieme.

J'ai lieu de craindre que ma modération et mon honnêteté ne soient pas imitées. Il a paru le 21 novembre dernier, dans le Journal de Paris, une critique anonyme, fort amere, des Etudes de la Nature. Elle commence à la vérité par les louer en général; mais elle détruit en détail tout le bien que la voix publique semble l'avoir forcée d'en dire. Elle avoit été précédée, peu de tems auparavant, de quelques autres lettres anonymes où mon ouvrage n'étoit pas nommé, mais sur lequel elles répandoient, en passant, un poison froid et subtil, propre à faire son effet à la longue. J'ai vu avec surprise s'ouvrir, à mon égard, cet évent de la haine d'un ennemi obscur; car enfin, j'ai tâché de bien mériter de tout le monde, et je ne suis sur le chemin de personne. Mais lorsque j'ai appris que plusieurs de mes amis avoient présenté inutilement au Journal de Paris leur prose et leurs vers

pour ma défense; que bien auparavant on avoit refusé d'y insérer des morceaux de littérature, où on me donnoit quelques éloges, j'ai été convaincu qu'il y avoit un parti formé contre moi. Alors, j'ai eu recours au Journal Général de France, dont l'impartial rédacteur a bien voulu insérer ma défense et ma réclamation dans sa feuille du 29 no3 vembre, no. 143.

Voici donc ce que j'ai répondu au critique qui a employé l'anonyme et le sarcasme contre des vérités physiques, et a pris, pour m'attaquer, le poste des foibles et l'arme des méchans.

A monsieur le Rédacteur du Journal Général de France

MONSIEUR.

» Un écrivain qui se cache sous le » nom de Solitaire des Pyrénées, ja»loux, je pense, de l'accueil dont le » public a honoré mes Etudes de la » Nature, en a inséré, hier 21, dans »le Journal de Paris, une critique pleine » d'humeur.

» Il y trouve sur tout fort mauvais » que j'aie accusé des Académiciens » de s'être trompés, lorsqu'ils ont conclu » de l'agrandissement des degrés vers » le pôle, que la terre y étoit aplatie; » que j'attribue la cause des marées à la » fonte des glaces polaires, etc..... Pour

» affoiblir mes résultats, il les présente » sans preuves. Il se garde bien de parler » de ma démonstration si simple et si » évidente, où j'ai fait voir que lorsque » les degrés d'un arc de cercle s'alon"gent, l'arc de cercle s'alonge aussi et » ne s'aplatit pas. C'est ce que prouvent » les pôles d'un œuf, ainsi que ceux du » monde. Il n'y dit pas que, les glaces » de chaque pôle ayant cinq à six mille » lieues de circonférence dans leur hi"ver, et deux à trois mille seulement » dans leur été, j'ai été fondé à con»clure de leurs fontes alternatives tous » les mouvemens des mers. Il n'y parle » pas de la multitude des preuves géo» métriques, nautiques, géographiques, » botaniques et même académiques » dont j'ai appuyé ces importantes et » nouvelles vérités. C'est à mes lecteurs » à juger si elles sont bonnes. Comme » il est clair que l'anonyme n'a observé la » nature que dans des livres à systême; » qu'il n'oppose que des noms à des faits, » et des autorités à des raisons; qu'il y » suppose décidé ce que j'ai réfuté; qu'il » m'y fait dire ce que je n'ai pas dit; » que ce genre de critique est à la por»tée de tout homme superficiel, oisif » et de mauvaise foi; que ma santé, » mon tems et mon goût ne me per» mettent pas de réfuter des diatribes de » cette espece, quand même l'auteur au

»roit la loyauté de s'y nommer; je dé» clare donc qu'à l'avenir je ne répon» drai à aucune critique de ce genre, » sur-tout dans les papiers publics.

et

» Cependant, si quelque ami de la vé» rité découvre des erreurs dans mon » ouvrage, où il y en a sans doute » qu'il veuille me faire l'amitié de m'en » instruire directement, je les corrigerai » dans mon livre et le citerai avec éloge; » parce que, comme lui, je ne cherche » que la vérité, et que je n'honore que » ceux qui l'aiment.

» Je suis seul, Monsieur. Comme je » ne tiens à aucun parti, je ne peux dis» poser d'aucun Journal. J'ai déja éprou» vé que je n'avois pas le crédit de faire » rien publier dans celui de Paris, même » pour le service des malheureux. Je » vous prie donc d'insérer dans vos feuil» les si impartiales, ma réponse pour le » présent et ma protestation de silence » pour l'avenir.

» Au reste, en me plaignant de l'a»nonyme qui a attaqué mon ouvrage » avec tant de fiel, je suis obligé de » convenir qu'il a fait un éloge excessif » de mon style. Cependant, je ne sais » comment cela se fait ; je me sens en» core plus humilié de ses louanges que >> choqué de son mauvais ton.

"J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé DE SAINT-PIERRE.
A Paris, ce 22 Novembre 1787. »

L'anonyme promettoit de s'étendre en core aux dépens de mon ouvrage, dans les feuilles suivantes du Journal de Paris; mais le public ayant murmuré de me voir attaqué indécemment dans une lice fermée à mes amis, le rédacteur de ce Journal, pour donner une preuve de son impartialité, a publié aussi-tôt un fragment d'une épître en vers à ma louange. Cet éloge est aussi l'ouvrage d'un anonyme; car les bons se cachent pour faire le bien comme les méchans pour faire le mal. Les vers qu'on en a détachés sont trèsbeaux; mais il y en a, selon moi, encore de plus beaux dans le reste de l'épître. Je les louerois de bon cœur, si je n'y étois beaucoup trop loué. Cependant, la reconnoissance m'oblige de dire qu'ils sont de M. Théresse, avocat au conseil, qui m'a donné il y a un an, au mois de janvier, ce témoignage particulier de son amitié et de ses rares talens.

Revenons au point qui intéresse le plus les Académies. Pour se convaincre que les pôles de la terre sont alongés il ne s'agit pas de résoudre quelque problême de la géométrie transcendante, tout hérissé d'équations, tel que la quadrature du cercle; mais il suffit des notions les plus communes des élémens de la géométrie et de la physique. Avant de rassembler les preuves que j'en ai données et d'y en joindre de nouvelles, je

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