pour ameublir, qu'on laboure), est excellente pour les blés : il n'est point de plaine d'où l'on voie un plus grand nombre de chariots ramenés à la maison par les bœufs au pas pesant. Ainsi en est-il d'une forêt défrichée, dont le laboureur, à bout de patience, charrie les débris il abat ces bois qui lui ont trop peu rapporté pendant de longues années, il extirpe jusque dans leurs dernières racines les antiques demeures des oiseaux, & les pauvres, abandonnant leurs nids, s'envolent dans les airs; mais le sol vierge reluit au tranchant de la charrue qui l'entr'ouvre. En revanche un terrain en pente, qui est tout en gravier, & par là même desséché, n'est bon qu'à fournir aux abeilles d'humbles touffes de daphné ou de romarin; quant au tuf, rude au toucher, & à la craie, minée par de noirs reptiles, ils peuvent dire qu'aucun autre sol n'est plus propre à donner aux serpents la nourriture qu'ils aiment, & à leur fournir des retraites tortueuses. Au contraire, une terre qui exhale un léger brouillard & des vapeurs flottantes, qui absorbe l'eau, & qui, d'elle-même, la rejette de son sein, qui, toujours verte, est toujours revêtue de son gazon naturel, qui n'attaque pas le fer de la rouille corrosive & n'y dépose aucune tache, cette terre-là est faite pour recevoir les ormeaux mariés à la vigne féconde; elle donne l'olive en abondance, & tu éprouves, en la cultivant, qu'elle se prête aussi volontiers à l'élevage des troupeaux, qu'aux divers soins du labourage. Tel est le sol où LES GÉORGIQUES. 6 Illa tibi lætis intexet vitibus ulmos, Illa ferax oleæ est, illam experiere colendo Et facilem pecori, & patientem vomeris unci : Ora jugo, & vacuis Clanius non æquus Acerris. (Altera frumentis quoniam favet, altera Baccho, In solido puteum demitti, omnemque repones : la riche Capoue promène la charrue, le sol de la région voisine du mont Vésuve, celui des bords du Clanius, dont les eaux ont fait d'Acerra un désert. JE E Je dirai maintenant comment on peut reconnaître la composition du sol même. Veux-tu savoir si la terre est légère, ou particulièrement forte (car l'une convient au blé, l'autre à la vigne : la plus forte à Cérès, la plus légère à Lyæus)? Mesure d'abord une place du regard, puis, fais creuser une fosse bien avant dans le sol; que l'on y remette ensuite la terre enlevée, & qu'avec les pieds on en égalise la surface. S'il se produit un vide, c'est que tu as affaire à un terrain maigre, bon pour les troupeaux & les vignes nourricières; si, au contraire, il y a un excédent, & si, une fois la fosse comblée, la terre ne peut plus tenir dans l'espace qu'elle occupait précédemment, c'est un sol dense : attends-toi à une glèbe compacte, à des mottes épaisses, & creuse le sillon avec des bœufs jeunes & robustes. Quand une terre est salée, ou amère, comme on dit couramment, ses produits ne valent rien (car elle ne s'adoucit point par le labour; & elle ne conserve pas non plus à la vigne ses qualités, ni aux fruits leur renom). A quels signes peut-on la reconnaître ? On détache du plafond noirci par la fumée les corbeilles de jonc aux Nec Baccho genus aut pomis sua nomina servat), : Tale dabit specimen tu spisso vimine qualos Huc ager ille malus dulcesque a fontibus undæ Ad plenum calcentur; aqua eluctabitur omnis Neu se prævalidam primis ostendat aristis! Quæ gravis est, ipso tacitam se pondere prodit, Difficile est; piceæ tantum, taxique nocentes Interdum, aut hederæ pandunt vestigia nigra. mailles serrées & les tamis à pressoirs; on les remplit jusqu'au bord de cette mauvaise terre humectée de l'eau douce des fontaines; on presse le tout : l'eau, se frayant un chemin, passe toute en larges gouttes au travers de l'osier; sa saveur caractéristique sera un indice certain : l'amertume, en la goûtant, amènera sur les lèvres une contraction significative. De même, pour une terre grasse, voici comment elle se révèle on a beau la pétrir avec la main, elle ne s'émiette pas; mais elle colle aux doigts & s'y attache, absolument comme de la poix. Une terre humide se reconnaît à de hautes herbes, & n'est que trop fertile en ce genre; je crains de sa part des tiges trop fortes & un développement trop rapide des épis naissants. Une terre qui est lourde se trahit sans autre signe que son propre poids; de même pour une terre légère. Il n'est rien de plus aisé que de reconnaître à la simple vue une terre noire, ou de toute autre couleur; mais il est difficile de deviner si une terre est froide & pernicieuse, car il n'y a guère d'autre indice que ses productions des sapins, & parfois des ifs, arbres nuisibles, ou encore du lierre au feuillage sombre. |