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la côte de la mer Ionienne, lorsque l'Eurus souffle en tempête sur les navires.

TOUTE

OUTE terre ne produit pas indifféremment toute espèce d'arbres. Les saules naissent au bord des cours d'eau; les aulnes, près des épais marécages; les ornes stériles, entre les rocs des montagnes; les myrtes croissent en abondance sur les rivages; enfin Bacchus aime les coteaux bien découverts, & les ifs, l'Aquilon et les froids. Jette les yeux sur ces régions cultivées aux extrémités de la terre vois d'une part le pays des Arabes situés à l'Orient; d'autre part, celui des Gélons tatoués: chaque espèce d'arbre a sa patrie. Seule l'Inde produit le noir ébène; seuls les Sabéens ont l'arbuste à encens. Citerai-je le baume que distille un bois odorant, & les baies de l'acacia au feuillage qui ne meurt pas? Dirai-je l'arbre de l'Éthiopie qui blanchit d'un léger duvet, & les feuilles d'où les Sères détachent les minces fils de la soie? ou les bois sacrés qui couvrent l'Inde sur les bords de l'Océan, aux confins du monde, ces hautes futaies dont nulle flèche ne saurait atteindre le sommet? & pourtant, ce ne sont pas des archers méprisables que les habitants du pays. La Médie porte les sucs acides & la saveur pénétrante du citronnier, l'arbre salutaire dont le secours est le plus efficace, dans le cas où une marâtre criminelle a versé un breuvage suspect, mêlant ensemble les herbes & les incantations fatales : le remède souverain chasse des

Media fert tristes succos tardumque saporem

Felicis mali, quo non præsentius ullum,
Pocula si quando sævæ infecere novercæ,
Miscueruntque herbas, & non innoxia verba,
Auxilium venit, ac membris agit atra venena.
Ipsa ingens arbos faciemque simillima lauro;
(Et, si non alium late jactaret odorem,
Laurus erat); folia haud ullis labentia ventis :
Flos ad prima tenax; animas & olentia Medi
Ora fovent illo, & senibus medicantur anhelis.
SED

neque Medorum silvæ, ditissima terra,

Nec pulcher Ganges atque auro turbidus Hermus,
Laudibus Italiæ certent; non Bactra, neque Indi,
Totaque thuriferis Panchaïa pinguis arenis.
Hæc loca non tauri spirantes naribus ignem
Invertere, satis immanis dentibus hydri,
Nec galeis densisque virum seges horruit hastis;
Sed gravida fruges & Bacchi Massicus humor
Implevere; tenent oleæque armentaque læta;

membres le noir poison. L'arbre lui-même est immense à l'aspect il ressemble à s'y méprendre au laurier (& s'il ne répandait au loin une odeur fortement caractérisée, on le prendrait pour un laurier); il n'est point de vent si violent qui puisse faire tomber ses feuilles; sa fleur adhère fortement à la tige; les Mèdes l'emploient pour parfumer la bouche & l'haleine, & l'administrent aux vieillards atteints de l'asthme.

MAIS ni le pays des Mèdes, si riche en forêts, ni le Gange magnifique, ni l'Hermus dont l'or jaunit les eaux, ne peuvent le disputer aux mérites de l'Italie; ni Bactres, ni l'Inde, ni la Panchaïe avec ses sables riches en encens qui la couvrent tout entière. L'Italie, certes, n'a point vu des taureaux soufflant le feu par les naseaux, labourer un sol ouvert pour recevoir en guise de semences les dents du dragon monstrueux, ni le sillon se hérisser d'une moisson de casques & de lances portées par des guerriers; mais elle a pour elle dans toute son étendue, & les épis chargés de grains, & la liqueur de Bacchus, qui coule à flots sur le Massique; elle a ses oliviers & ses grands troupeaux

Hinc bellator equus campo sese arduus infert;
Hinc albi, Clitumne, greges, & maxima taurus
Victima, sæpe tuo perfusi flumine sacro,
Romanos ad templa Deum duxere triumphos.
Hic ver assiduum, atque alienis mensibus æstas;
Bis gravidæ pecudes, bis pomis utilis arbos.
At rabidæ tigres absunt & sæva leonum

Semina, nec miseros fallunt aconita legentes;

Nec rapit immensos orbes per humum, neque tanto
Squameus in spiram tractu se colligit anguis.
Adde tot egregias urbes operumque laborem,
Tot congesta manu præruptis oppida saxis,
Fluminaque antiquos subterlabentia muros.

An mare, quod supra, memorem, quodque alluit infra?
Anne lacus tantos? te, Lari maxime, teque,
Fluctibus & fremitu assurgens, Benace, marino?
An memorem portus, Lucrinoque addita claustra,
Atque indignatum magnis stridoribus æquor,

Julia

qua ponto longe sonat unda refuso,

féconds; chez elle on voit le coursier belliqueux s'élancer la tête haute dans la plaine; c'est de son sein que sortent, & les blancs troupeaux, & le taureau, grande victime, qui, après avoir été baignés dans ton fleuve sacré, ô Clitumne, ont conduit aux temples des dieux les triomphes romains. Ici le ciel sourit toujours, & l'été règne sur des mois qui ne sont pas les siens; ici les brebis mettent bas deux fois l'an, & deux fois l'arbre porte des fruits. Mais les tigres féroces & la race cruelle des lions sont absents de nos contrées, & l'aconit ne s'y trouve pas, pour causer la perte de ceux qui le cueilleraient par mégarde; point de ces serpents non plus qui déroulent dans l'herbe leurs anneaux immenses, monstres couverts d'écailles, dont le corps gigantesque se ramasse en replis tortueux. Ajoutez maintenant tant de villes remarquables, tant de belles constructions, tant de places fortes bâties par la main de l'homme sur des roches escarpées, & ces fleuves qui coulent au pied des antiques remparts! Que dire de ces deux mers qui baignent nos côtes, la mer Supérieure & la mer Inférieure? Citerai-je ces beaux lacs, toi, le plus grand de tous, Larius, & toi, Bénacus, dont les flots se soulèvent avec le grondement de la mer? Que dire de ce port fameux, de la digue imposée au lac Lucrin, & des flots indignés qui s'y brisent à grand fracas, à l'endroit où l'onde Julienne retentit au loin du bruit des vagues refoulées & où la mer Tyrrhénienne s'engouffre en bouillonnant dans les eaux de l'Averne? L'Italie encore a rencontré dans ses veines des filons d'argent & des mines d'ai

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