Cum Proteus consueta petens e fluctibus antra Ibat; eum vasti circum gens humida ponti Vix defessa senem passus componere membra, «Scis, Proteu, scis ipse; neque est te fallere quicquam; que Protée, gagnant au sortir des flots son antre accoutumé, s'avançait; autour de lui, bondissant, la gent humide de la vaste mer fait voler au loin une rosée amère. Dispersés çà & là sur le rivage, les phoques s'étendent pour dormir; lui, ainsi que fait d'ordinaire le gardien de troupeaux dans la montagne, lorsque l'étoile du soir ramène les veaux du pâturage à l'étable, & que les bêlements des agneaux excitent les loups qui les entendent, lui donc s'assied sur un rocher au milieu de ses bêtes, & passe la revue en les comptant. DES que s'est offert à Aristée l'instant favorable, à peine laisset-il au vieillard le temps de reposer ses membres accablés de fatigue, qu'il s'élance avec un grand cri, le saisit, tandis qu'il est encore étendu, & le lie. A son tour, Protée, fidèle à sa tactique, prend tour à tour cent formes étonnantes. Il devient feu, bête affreuse, eau qui s'écoule; mais quand il voit qu'en dépit de ses feintes il n'y a pas moyen de s'échapper, vaincu, il revient à sa première forme, & se décide enfin à parler d'une voix humaine : «Qui donc, s'écrie-t-il, qui t'a ordonné, jeune téméraire, d'affronter nos demeures? Que veux-tu de moi?» A ces mots Aristée : «Tu le sais, Protée, tu le sais mieux que personne, puisque rien ne peut t'échapper. Aussi bien, trêve de ruses. C'est pour obéir aux volontés des Dieux que nous sommes venus chercher auprès de toi un oracle dans notre Sed tu desine velle. Deum præcepta secuti Et graviter frendens sic fatis ora resolvit : ON te nullius exercent nuninis iræ; Magna luis commissa tibi has miserabilis Orpheus : Haudquaquam ob meritum pœnas, ni fata resistant, Suscitat, & rapta graviter pro conjuge sævit. Illa quidem, dum te fugeret, per flumina præceps, At chorus æqualis Dryadum clamore supremos détresse.» Et il se tut. A ces mots, le devin, après une longue contrainte, tourna de son côté les feux ardents de sa glauque prunelle, & avec un grincement de rage, ouvrit sa bouche à ces paroles fatidiques : «OUI, c'est une Divinité qui te poursuit de son courroux. Tu portes la peine d'une grande faute; ce châtiment, c'est Orphée, si digne de pitié dans son malheur immérité, Orphée qui te l'impose (mais les destins l'arrêtent), & qui veut tirer une vengeance terrible de la mort de son épouse. Tandis que, pour t'échapper, elle précipitait sa course à travers un fleuve, elle ne vit pas, à ses pieds, dans l'herbe épaisse, le serpent, hideux habitant de ces bords, qui allait causer sa perte. Alors le chœur des Dryades, ses compagnes, remplit de ses cris les monts inaccessibles; les hauteurs du Rhodope pleurèrent, & les cimes du Pangée, & la terre de Rhésus, chère à Mars, & le pays des Gètes, & l'Hèbre, & Orythie, fille de l'Attique. Orphée, essayant d'apaiser par les sons de sa lyre son amour blessé, te chantait, toi sa douce amie, seul sur le rivage solitaire; c'est toi qu'il chantait quand vient le jour, &, quand le jour s'en va, toi qu'il chantait encore. «TENARIAS etiam fauces, alta ostia Ditis, Et caligantem nigra formidine lucum Ingressus, Manesque adiit regemque tremendum, Alligat, & novies Styx interfusa coercet. UIN ipsæ stupuere domus, atque intima Leti Tartara, cæruleosque implexa crinibus angues Eumenides, tenuitque inhians tria Cerberus ora, Atque Ixionii vento rota constitit orbis. Jamque pedem referens casus evaserat omnes, |