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JE

LIVRE IV.

E vais, poursuivant ma route, chanter le miel, rosée de l'air, présent des cieux. Jette aussi sur cette partie de mon œuvre un regard favorable, ô Mécène, & tu admireras en de si petits objets un spectacle merveilleux. Je dirai les chefs magnanimes, &, successivement, la nation tout entière, ses mœurs, ses passions, & ses peuples, & leurs combats. Bien mince est le sujet de mes vers, mais non la gloire qui m'attend, pour peu que les Divinités jalouses se laissent fléchir, & qu'Apollon invoqué entende ma prière.

AVANT

VANT tout, il faut choisir, pour y cantonner tes abeilles, un endroit où les vents n'aient point d'accès (car le vent les empêcherait de rapporter le butin à la maison), où les moutons & les chevreaux folâtres ne bondissent pas parmi les fleurs, où la génisse n'aille pas, errant dans la prairie, secouer la rosée, ni fouler l'herbe naissante. Point non plus, aux abords des ruches, de lézards à la tunique mouchetée & rugueuse, point de mésanges, ni d'autres oiseaux, comme Procné, dont la poitrine garde encore l'empreinte d'une main ensanglantée; car ils font le vide dans toute la contrée, &, saisissant l'abeille au vol, ils l'em

Omnia nam late vastant, ipsasque volantes
Ore ferunt, dulcem nidis immitibus escam.
At liquidi fontes & stagna virentia musco
Adsint, & tenuis fugiens per gramina rivus,
Palmaque vestibulum aut ingens oleaster inumbret;
Ut, cum prima novi ducent examina reges
Vere suo, ludetque favis emissa juventus,
Vicina invitet decedere ripa calori,

Obviaque hospitiis teneat frondentibus arbos.

In medium, seu stabit iners, seu profluet humor,
Transversas salices & grandia conjice saxa,

Pontibus ut crebris possint consistere, & alas
Pandere ad æstivum solem, si forte morantes
Sparserit aut præceps Neptuno immerserit Eurus.
Hæc circum casiæ virides, & olentia late
Serpylla, & graviter spirantis copia thymbræ
Floreat, irriguumque bibant violaria fontem.
IPSA autem, seu corticibus tibi suta cavatis,

Seu lento fuerint alvearia vimine texta,

portent dans leur bec, doux régal pour leur criarde nichée. Mais en revanche, qu'il y ait tout près de là des sources limpides, des étangs bordés d'une mousse verdoyante, ou quelque mince filet d'eau, qui fuie à travers le gazon; qu'un palmier ou un olivier sauvage projette son ombre sur le vestibule de leurs demeures; ainsi, quand les reines nouvellement choisies guideront au dehors les premiers essaims, au printemps, leur saison, lorsque toute une jeunesse s'échappera des rayons pour prendre ses ébats, la rive prochaine les invitera à se mettre à l'abri de la chaleur, & l'arbre qui s'offre à leur passage les accueillera sous son feuillage hospitalier. Que l'eau dorme ou qu'elle coule, jette, au milieu, des branches de saule mises en travers, & de grosses pierres, comme autant de ponts sur les quels elles puissent se poser, & ouvrir toutes grandes leurs ailes aux rayons du soleil, si d'aventure l'Eurus impétueux, retardant leur vol, les a surprises & mouillées par une ondée, ou précipitées dans le liquide élément. Tout autour de ces bords, qu'on voie fleurir, & le romarin aux tiges verdoyantes, & le serpolet qui embaume au loin, & une bonne provision de sarriette à l'odeur fortement parfumée; que la violette s'y désaltère aussi dans l'eau courante.

POUR

OUR les ruches elles-mêmes, qu'elles aient été faites d'écorces creusées & cousues ensemble, ou tissues d'un osier flexible, il

Angustos habeant aditus : nam frigore mella
Cogit hiems, eademque calor liquefacta remittit.
Utraque vis apibus pariter metuenda; neque illæ
Nequicquam in tectis certatim tenuia cera
Spiramenta linunt, fucoque & floribus oras
Explent, collectumque hæc ipsa ad munera gluten
Et visco & phrygiæ servant pice lentius Idæ.
Sæpe etiam effossis, si vera est fama, latebris
Sub terra fovere larem, penitusque repertæ
Pumicibusque cavis exesæque arboris antro.
Tu tamen, & levi rimosa cubilia limo

Unge fovens circum, & raras superinjice frondes;
Neu propius tectis taxum sine, neve rubentes
Ure foco cancros, altæ neu crede paludi,

Aut ubi odor cani gravis, aut ubi concava pulsu
Saxa sonant, vocisque offensa resultat imago.

QUOD

UOD superest, ubi pulsam hiemem sol aureus egit

Sub terras, cælumque æstiva luce reclusit,

Illæ continuo saltus silvasque peragrant,

ne leur faut que d'étroites ouvertures; car, en hiver, le froid épaissit le miel; en été, la chaleur, lui enlève toute consistance. L'un & l'autre excès sont donc également à redouter pour les abeilles; aussi n'est-ce pas en vain qu'elles s'évertuent, sous leurs toits, à enduire de cire les moindres fissures; elles appliquent sur les bords une sorte de fard composé avec des fleurs, & tiennent en réserve pour cet usage une résine plus visqueuse que la glu & que la poix phrygienne de l'Ida. Souvent même, s'il faut en croire la renommée, elles creusent sous terre des retraites où s'abrite leur foyer; il s'en est trouvé jusque dans les cavités des roches poreuses & dans le creux d'un arbre miné par les ans. Ne laisse pas toutefois de tapisser d'un enduit onctueux les fentes de leurs demeures, en calfeutrant tout le tour, & jette par-dessus des feuilles clairsemées. Dans le voisinage, ne souffre point d'if; ne fais pas rougir au feu d'écrevisses; défie-toi d'un étang profond, d'un bourbier aux émanations malsaines, d'une roche creuse, qui, frappée par la voix, en répercute les sons.

MAIS poursuivons: dès que le soleil au disque d'or, chassant

l'hiver, l'a relégué sous la terre, & a ouvert le ciel épanoui à la lumière de l'été, les abeilles, aussitôt, parcourent les défilés boisés & les taillis, butinent les fleurs aux couleurs éclatantes, &,

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