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Le castor boit les eaux qui baignent la Colchide; L'Epire a des coursiers pour les chars de l'Elide; L'Inde 10 abonde en ivoire, & sous les plus beaux cieux, Dans les champs de Saba l'encens croît pour les Dieux,

Tel fut l'ordre jadis fixé par la nature,

Quand l'époux de Pyrrha jettoit à l'aventure
Ces cailloux transformés en des mortels nouveaux,
Que le Ciel destinoit pour les plus durs travaux.

Que dans un terroir gras, au retour de l'année,
Par de puissans taureaux la charrue amenée,
Pesamment le déchire, & trace des sillons
Qu'en été le soleil brûle de ses rayons.

Mais si le sol est maigre, il suffit qu'en automne
Le soc légèrement l'entr'ouvre & le façonne;
Là vous réprimez l'herbe, & domptez ses progrès;
Ici vous conservez le terrein toujours frais.

Que les champs moissonnes d'un plein repos jouissent, Et qu'un an tout entier leurs sillons se durcissent; Ou dans ces mêmes lieux, qui sont encor tout pleins Et de vesce bruyante & de tristes lupins, Quand vous aurez cueilli cette moisson fragile, Répandez le froment aux mortels plus utile.

Urit enim lini campum seges,

urit avenæ,

Urunt lethæo perfusa papavera somno.

Sed tamen alternis facilis labor: arida tantùm
Ne saturare fimo pingui pudeat sola, neve
Effotos cinerem immundum jactare per agros.
Sic quoque mutatis requiescunt fœtibus arva;
Nec nulla intereà est inaratæ gratia terræ.

Sæpe etiam steriles incendere profuit agros, 'Atque levem stipulam crepitantibus urere flammis: Sive inde occultas vires & pabula terræ

Pinguia concipiunt; sive illis omne per ignem
Excoquitur vitium, atque exsudat inutilis humor;
Seu plures calor ille vias & cæca relaxat
Spiramenta novas veniat quà succus in herbas:
Seu durat magis, & venas adstringit hiantes,
Ne tenues pluviæ rapidive potentia solis
Acrior, aut Boreæ penetrabile frigus adurat.

Multùm adeo rastris glebas qui frangit inertes,
Vimineasque trahit crates, juvat arva, neque illum
Flava Ceres alto nequicquam spectat Olympo;
Et qui, proscisso quæ suscitat æquore terga,
Rursus in obliquum verso perrumpit aratro,
Exercetque frequens tellurem, atque imperat arvis.

De l'avoine, du lin, des pavots desséchans,
Tôt ou tard la racine épuiseroit vos champs;
Ils pourront toutefois en souffrir la semence,
Si par divers engrais réparant leur substance,
Ils sont fortifiés, nourris de sels nouveaux;
Ainsi changer de graine est pour eux un repos.
Mais un champ que le soc laisse un an sans culture 12,
De son oisiveté vous paye avec usure.

Le feu même, le feu souvent a ranimé

Les guérets dont le chaume est par lui consumé,
Soit
que la terre en prenne une vigueur secrette,
Soit que par son secours elle exhale & rejette
Toute humeur vicieuse ou d'inutiles eaux:
Soit qu'aux sucs nourrissiers il ouvre des canaux;
Soit qu'enfin la chaleur resserre les passages,
Par où l'eau quelquefois, lente dans ses ravages,
Des rayons trop ardens, ou le souffle du nord
Pénètrent jusqu'au germe, & lui donnent la mort.

De ce cultivateur les terres sont heureuses
Quand le rateau, la herse arme ses mains nerveuses;
Cérès du haut des Cieux applaudit ses travaux.
Elle aime à voir aussi par des sillons nouveaux,
De vos derniers sillons l'empreinte traversée,
Et la terre toujours par le fer exercée.

Humida solstitia, atque hyemes orate serenas Agricolæ : hyberno lætissima pulvere farra, Lætus ager; nullo tantùm se Mysia cultu Jactat, & ipsa suas mirantur Gargara messes.

Quid dicam, jacto qui semine cominus arva
Insequitur, cumulosque ruit malè pinguis arenæ ;
Deinde satis fluvium inducit, rivosque sequentes?
Et cùm exustus ager morientibus æstuat herbis,
Ecce supercilio clivosi tramitis undam
Elicit illa cadens raucum per levia murmur
Saxa sciet, scatebrisque arentia temperat arva.
Quid, qui, ne gravidis procumbat culmus aristis,
Luxuriem segetum tenerâ depascit in herbâ,
Cùm primùm sulcos æquant sata ; quique paludis
Collectum humorem bibulâ deducit arenâ?
Præsertim incertis si mensibus amnis abundans
Exit, & obducto latè tenet omnia limo,
Unde cava tepido sudant humore lacunæ.

Nectamen,hæc cùm sint hominumque boumque labores Versando terram experti, nihil improbus anser,

Strimoniæque grues, & amaris intyba fibris

Officiunt, aut umbra nocet. Pater ipse colendi
Haud facilem esse viam voluit; primusque per artem

Qu'au

Qu'au solstice d'été le ciel soit pluvieux 3,
Mais que l'hiver soit sec, & rendons grace aux Dieux.
C'est l'espoir de Cérès; c'est alors que l'Asie **
Regorge des moissons qu'enfante la Mysie.

Voyez de ce mortel l'industrieuse main,
A mesure qu'il sème, émoter le terrein;
Voyez-lui dériver cette source voisine,
Ou par un lit pierreux du haut de la colline,
Amener un ruisseau dont les flots égarés
Baignent en murmurant les sillons altérés.
Un autre arrêtera la sève impatiente,

En livrant aux troupeaux une moisson naissante,
Quand le creux des sillons sous l'herbe a disparu;
Il écarte les eaux dont l'amas s'est accru,
Sur-tout dans la saison pluvieuse, incertaine,
Où les flots ramassés dont la campagne est pleine,
Croupissent dans les champs, & forment un limon
Qui dans la terre humide introduit son poison."

Après tant de travaux si durs, si difficiles, Partagés entre l'homme & ses taureaux dociles, Redoutons mille oiseaux accourus à la fois, Toute graine étrangère, & l'ombrage des bois. Jupiter a voulu que l'art du labourage

Ne fût

pour les mortels qu'un long apprentissage, Tome IV:

F

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