Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

De l'hospitalité la loi sainte est trahie.
L'époux est adultère, & l'épouse à son tour,
S'abandonne aux transports d'un criminel amour.
Des parens accablés du poids de l'indigence,

De leurs enfans ingrats éprouvent l'insolence,

Ils implorent sans fruit des cœurs muets & sourds; L'ami chez son ami cherche en vain du secours. A tant de barbarie on ajoute l'injure;

On brave l'œil des Dieux vengeurs de la nature.
L'innocence opprimée a perdu tout espoir.
Jupiter est sans culte, & les loix sans pouvoir.
Sur la foi d'un traité, des peuples sont tranquiles;
Un allié parjure envahit leurs asyles.

Par le fer & le feu les vaincus sont chassés;
Mais l'aggresseur perfide est heureux; c'est assez.
On ne voit que noirceurs, faux sermens, injustices;
Et l'univers entier est l'empire des vices.
Dans ce torrent de maux quelques biens sont mêlés;
Foible soulagement pour des cœurs désolés.
La justice des Dieux, toujours inévitable,
Frappera tôt ou tard cette race exécrable.
L'équité, la pudeur, un voile sur les yeux,
Abandonnent la terre & retournent aux Cieux;
Et leur triste départ ne nous laisse après elles,
Qu'un avenir funeste & des douleurs nouvelles.

Vous, Rois, qui consultez votre seule raison, D'un apologue utile écoutez la leçon.

Tome IV.

B

Un robuste épervier, dans ses griffes aigues,
Portoit un rossignol jusqu'au plus haut des nues.
Le jeune & foible oiseau, déja percé de coups,
Tâchoit de l'attendrir par les chants les plus doux.
Quel est donc ton espoir, dit l'animal farouche?
Crois-tu que de tes sons le ramage me touche?
La force m'a rendu le maître de ton sort,

Je puis te laisser libre ou te donner la mort.
Du stupide épervier, prétentions cruelles,
De mesurer ses droits au pouvoir de ses ailes!

Persès, que des oiseaux servent d'exemple aux grands,
Soyons justes; la force est le droit des tyrans.
De tes biens, de tes jours, fais un prompt sacrifice,
Plutôt que d'employer l'injure & l'injustice.
Le plus foible y succombe, & si quelqu'un plus fort,
Par un succès heureux résiste à leur effort,
Dans le fond de son ame il en ressent l'atteinte,
Dont l'âge ni le tems n'effacent point l'empreinte.
Veux-tu, vers le bonheur marcher d'un certain?

pas

O Persès! la justice en est le seul chemin.
Que ses persécuteurs à sa fuite applaudissent;
Son exil, tôt ou tard, ses disgraces finissent.
Le crédit effrayant d'un magistrat venal,
L'intrigue, les complots d'un lâche tribunal,
Lui font verser des pleurs sans troubler son courage;
Elle atteste les Dieux couverte d'un nuage;
Rentre enfin dans son temple & punit les mortels
Qui couvroient de son nom leurs arrêts criminels.

[ocr errors]

Heureuses les cités où des Juges austères
Ne démentent jamais leurs principes sévères,
Et chez qui l'étranger, sûr de ses justes droits,
Comme le citoyen, vit sous l'appui des loix.
Leur nation fleurit & leurs champs sont fertiles;

Le peuple entier s'adonne à des travaux utiles; L'abondance y nourrit l'industrie & les arts; L'air n'y retentit point des trompettes de Mars: Dans leur société la concorde réside; Une gaîté modeste à leurs festins préside. De la sage nature ils remplissent la loi. Comme ils vivent sans crime, ils meurent sans effroi. Tout est pur autour d'eux ; de vertueuses mères Engendrent des enfans, images de leurs pères. Leurs plus sacrés devoirs sont leurs plus doux plaisirs. Soumis à la raison, maîtres de leurs desirs, Ils ne s'exposent point, jouets de la fortune, Aux caprices d'Eole, aux fureurs de Neptune: Ils trouvent tous les biens dans leurs propres climats, Trésors que l'équité rassemble sous leurs pas.

Mais malheur aux états où règne l'injustice; Leur fortune est sans cesse au bord du précipice. Souvent un homme seul fait le malheur de tous; Des Dieux contre son peuple il arme le courroux. La famine & la peste unissent leurs ravages; Les champs & les moissons noyés par les orages, Les vaisseaux submergés & les remparts détruits, D'un injuste projet sont les terribles fruits. Tome IV.

* B ij

Un Roi, de tout son peuple est le juge & le père : Pesez bien les devoirs d'un si saint ministère, O maîtres des humains confiés à vos soins ; Dieu place autour de vous d'innombrables témoins, Des esprits dont le zèle implore sa vengeance Contre les oppresseurs de la foible innocence. Fille du Roi des Dieux, objet de leur amour, La justice, ornement de la céleste cour, Au trône de son père accourt toute éplorée, Lui peint les attentats dont elle est entourée, Et ce Dieu qui protège & fa fille, & les lois, Tonne sur les sujets pour effrayer les Rois. O Rois, ô Magistrats, soyez plus équitables, Et nourrissez-vous moins du sang des misérables. Qui fait le mal d'autrui fait son propre malheur. Tout perfide conseil souvent perd son auteur. Dieu sur les cœurs pervers jette un regard terrible; A son œil pénétrant il n'est rien d'invisible; Il n'est point de contrée où ce juge des Rois N'examine avec soin leur justice & leurs lois. Je serois juste en vain sous un injuste maître; Mon fils, ainsi que moi, ne voudroit jamais l'être, Si pour nous la justice est un bien dangereux, Et si l'iniquité fait seule des heureux.

Mais quoi! pour rétablir l'équité sur la terre, Jupiter dans ses mains n'a-t-il pas le tonnerre! Persès, veux-tu jouir d'un plus tranquille sort? Sois toujours le plus juste, & jamais le plus fort.

La force est pour la brute, & la loi pour les hommes.
La loi fut accordée à tous tant que nous sommes;
C'est par ses noeuds sacrés que le Ciel nous unit:
Le Ciel nous récompense & le Ciel nous punit.
Quiconque en ses discours, par un public hommage,
Rend à la vérité le plus pur témoignage,
Obtient de Jupiter d'éclatantes faveurs,
Et ses derniers neveux partagent ses honneurs.
Un opprobre éternel suit tout mortel parjure,
Son nom pour ses enfans est une affreuse injure;
Leur unique héritage est le courroux des Dieux.

Trop aveugle Persès, ouvre tes foibles yeux : 'A leurs regards troublés deux chemins se présentent; L'un n'est par-tout remplique d'objets qui nous tentent; Il est large, facile & parsemé de fleurs : C'est celui du plaisir, du vice & des erreurs. L'autre est pierreux, étroit, bordé de précipices; Il mène à la vertu, mais non par les délices: Les Dieux au-devant d'elle ont placé des travaux, Des périls, des dégoûts, des peines & des maux. Le mortel qui franchit cette rude barrière, Trouve enfin le bonheur au bout de la carrière.

Que cet homme est divin, qui par lui-même instruit, Voit tout avec justesse, & que rien ne séduit! J'aime aussi ce mortel, qui d'un esprit docile, Prête au meilleur conseil une oreille facile.

« PreviousContinue »