CHAPITRE VI. CHANGEMENTS DU VERBE. I. MODES. 1o Dans un récit on peut employer l'infinitif au lieu de l'indicatif: Nos pavidi trepidare metu, crinemque flagrantem au lieu de trepidamus, terrebat, etc. 2o Quelquefois encore on met l'infinitif, au lieu de l'indicatif, après une exclamation de douleur, d'indignation, de désespoir, etc. Mene incepto desistere victam! V. Mene Iliacis occumbere campis Non potuisse, tuâque animam hanc effundere dextrâ ! V. Conjugium optatum et pulchram Calydona viderem ! V. Le sujet alors, comme on le voit, se met à l'accusatif. 3o Au lieu de l'imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif dans le sens conditionnel, les poëtes aiment à mettre les mêmes temps de l'indicatif. La prose en fournirait aussi quelques exemples. Portus erat, si non violentior insula Cauros 1. Tite-Live a dit de même : Hoc vos scire! hoc posteris memoriæ traditum iri, etc. Et, si non alium latè jactaret odorem, Laurus erat. V. Major deceptæ fama est et gloria dextræ: On emploie le parfait dans le même sens : Nec veni, nisi fata locum sedemque dedissent. V. Si tibi non fuerant cordi connubia nostra, 4° En poésie on se sert plus volontiers de l'infinitif que du gérondif en di, pour exprimer le rapport marqué en français par de: Sed si tantus amor casus cognoscere nostros. V. Famulæ, quibus ordine longo Cura penum struere, et flammis adolere penates. V. Vis nulla arcere furentes. ST. 5° Empruntant une locution grecque, les poëtes latins construisent avec l'infinitif certains adjectifs, certains verbes, qui, dans la prose, demanderaient le gérondif en dum avec ad, où en do avec in: Incumbunt generis lapsi sarcire ruinas. V. Diversa exsilia et diversas quærere terras Auguriis agimur divûm. V. Et vos crinigeros bellis arcere Caicos Nec rhombos ideo libertis ponere lautus, Nec tenuem solers turdarum nósse salivam. PERS. 6o Ils mettent l'infinitif au lieu du supin. Ainsi Horace a dit: Niveus videri. Roma capi facilis. Luc. Et, desit si larga Ceres, tunc horrida cerni, Ibat et hirsutas ille videre feras. PROP. Non nos aut ferro Libycos populare penates 7° Ils emploient indifféremment le subjonctif ou l'infinitif après les verbes timere, vetare, suadere, hortari, jubere, necesse est, oportet, et quelques autres: Quid trepidas et adire times? 0. Ulteriùs tentare veto. V. Juturnam misero, fateor, succurrere fratri (suasi). V. Hortatur Cytherea legant. CL. Hortamur fari quo sanguine cretus. V. Seu Troas fieri jubeas, Teucrosque vocari. V. Magnâ ditione jubeto, Carthago premat Ausoniam. V. II. TEMPS. 1o Rien n'est plus fréquent, en prose comme en poésie, que de remplacer dans un récit le parfait par le présent. Cette tournure donne de la vivacité au discours ce que l'écrivain raconte semble se reproduire à nos yeux; nous assistons à la scène qu'il décrit. 2o Le parfait peut remplacer à son tour le présent. Lorsqu'on veut donner une idée frappante de la rapidité d'une action, on la représente, non plus comme se faisant actuellement, mais comme déjà faite: Terra tremit, fugére feræ, et mortalia corda Et pavidæ matres pressere ad pectora natos. V. Même sans vouloir produire cet effet, et en parlant d'une chose habituelle, vraie dans tous les temps, les poëtes mettent quelquefois le parfait au lieu du présent; ils imitent l'aoriste des Grecs. Dicendum et quæ sint duris messoribus arma, Hæc eadem argenti rivos ærisque metalla Non æris acervus et auri Ægroto domini deduxit corpore febres. H. 3o Il est très-commun de voir le parfait de l'infinitif employé pour le présent: Bacchatur vates, magnum si pectore possit Si curat cor spectantis tetigisse querelâ. H. Membraque qui ferro gaudet pinxisse Gelonus. CL. Il semblerait qu'alors le poëte, fidèle au temps qu'il adopte, ne devrait point en changer: cependant les exemples de parfaits mêlés avec des présents dans ce cas sont si fréquents qu'on ne saurait en blâmer le mélange: Tum certare odiis, tum res rapuisse licebit. V. Molliri membra videres, Ossa pati flexus, ungues posuisse rigorem. O. Virtus est vitium fugere, et sapientia prima 4° On emploie indifféremment les deux futurs. Nous remarquerons l'analogie de cet emploi avec le paragraphe précédent: Quæ, Tiberine, videbis Funera, quum tumulum præterlabêre recentem! V. Quas gentes Italûm, aut quas non oraveris urbes ! V. Si quando Thybrim, vicinaque Thybridis arva 5o On trouve souvent le présent du subjonctif pour l'imparfait du même mode, dans le sens conditionnel: Ni faciat, maria ac terras cœlumque profundum Continuòque ineant pugnas, et prælia tentent, III. NOMBRES. Les verbes peuvent aussi éprouver quelques chan gements dans les nombres. 1o Le pluriel pour le singulier à la première per 1. Ajoutez les suivants : Anhelum impellere plantâ Cornipedem, et stravisse feras immitis amabat. SIL. Ne mihi tum molles sub dio carpere somnos, Vix tangente vagos ferro resecare capillos |