2o Les vers qui ont deux césures, dont l'une est placée après le premier pied et l'autre après le troisième, offrent une heureuse harmonie, que les poëtes du second ordre ont souvent recherchée : Aeria fugêre grues. V. Despiciens mare velivolum. V. Observons que dans ce cas le troisième pied doit être un dactyle: autrement le vers sera lourd1 : Si curat cor spectantis tetigisse querelâ. H. Il faut éviter avec grand soin de mettre, après la césure du premier pied, un mot de quatre syllabes longues, dont, par conséquent, la dernière fait cé sure: Lectorem delectando pariterque monendo. H. Aversus mercaturis, delirus et amens. H. 3o On doit bien se garder de mettre une césure au cinquième pied3, comme dans ces exemples: Nam quanquam antiquæ gentis superant tibi laudes. TIB. 1. Cette règle, comme toutes les autres, doit fléchir devant une règle plus importante encore, celle de l'arrangement des mots exigé par le goût. Nous voyons dans Virgile: Accelerat simul Eneas. Il est probable qu'il eût mis: Æneas simul accelerat, si l'idée se fût arrêtée là; mais le reste du vers demandait la construction adoptée par le poëte: Accelerat simul Æneas, simul agmina Teucrúm. La même remarque s'applique au vers suivant : Et nunc terga fugâ nudant. Et nudant nunc terga fugâ, aurait été plus rapide, mais le style exigeait: Et nunc terga fugâ nudant, nunc spicula vertunt. V. 2. Voyez ci-après, de la Cadence, no 7. 3. Voyez la note à la fin du volume. Remarque. Nous avons dit 1 que certains mots de quatre syllabes (deux brèves et deux longues) peuvent être admis à la fin du vers. Dans ce cas, la césure au cinquième pied est justifiée : Talia connubia et tales celebrent hymenæos. V. 4o En défendant de finir un vers par un monosyllabe, nous avons d'avance condamné la césure au sixième pied, telle qu'on la trouve dans ce vers: Atque animos aptent armis, pugnæque parent se. V. 5o Les vers qui n'ont qu'une césure, soit après le premier pied, soit après le troisième, sont défec tueux : Ergo aliis latrâsse Dymantida flebile visum est2. 0. 6o On dit communément qu'un monosyllabe peut tenir lieu de césure. Cette règle, énoncée aussi généralement, peut facilement induire en erreur. Il s'ensuivrait que le vers suivant aurait une césure: Præter cetera, me Romæne poemata censes Scribere posse? H. Celui-ci en aurait deux : Vix credere possis Quàm sibi non sit amicus: ita ut pater ille Terentî. H. 1. Page 143. 2. Cette faute ne se rencontre que deux fois dans Ovide. Celui-ci en aurait trois : Sed nunc non erat his locus: et fortasse cupressum Cependant tous ces vers sont mal cadencés. Voici la règle qu'il faut suivre à cet égard. Quand le monosyllabe est tellement dépendant du mot précédent qu'ils sont liés par la prononciation, et semblent ne faire qu'un seul mot, la césure est suffisante1: Duc, age, duc ad nos: fas illi limina divûm Tangere. V. Opprime, dum nova sunt, subiti mala semina morbi. 0. Jura, fides, ubi nunc, commissaque dextera dextræ? 0. Facti crimen habet. J. Jamque moras malè fert. 0. Nympha sub hoc ego sum Cereri gratissima ligno. 0. Deux monosyllabes de suite peuvent aussi faire l'office de césure: Quis te, nate deâ, per tanta pericula casus Quand une élision tombe sur le verbe est commençant un pied, la césure est suffisante: Jam jam nulla mora est: sequor, et, quà ducitis, adsum. V. 1. Le mot qui précède le monosyllabe est alors véritablement proclitique, parce qu'il se penche, pour ainsi dire, en avant, et s'appuie sur le mot qui suit. Voy. ci-après De l'Accent. Remarques. Il faut bien comprendre l'intention de la césure. Elle est nécessaire, parce que l'oreille exige un enchaînement entre les premiers pieds d'un vers; si cet enchaînement existe, elle est satisfaite, quoique cependant les règles générales ne soient pas rigoureusement respectées'. Il est à propos de faire les remarques suivantes : 1o Une césure placée après le troisième pied suffit, quand celle de la penthémimère est détruite par que, ve ou ne (interrogatif) : Haud mora, conversisque fugax aufertur habenis. V. 2° Si ces particules sont élidées, la syllabe qui les précède peut faire césure: Exiit, oppositasque evicit gurgite moles. V. Raucum per lævia murmur Saxa ciet, scatebrisque arentia temperat arva. V. 3° Souvent une syllabe qui semblait devoir faire césuré est élidée sur un des mots et, ac, atque, aut, ut, in, etc. Ex. : Vere tument terræ, et genitalia semina poscunt. V. Tous ces vers n'ont qu'une césure, soit après le 1. Il faut se garder d'un enchaînement vicieux, qui ne donnerait pas de césure réelle, et qui, présentant une suite de fins de vers, tromperait l'oreille à chaque instant: Sole cadente, juvencus aratra reliquit in arvo... 2. Deux pieds et demi (cina demi-pieds). premier pied, soit après le troisième, et ils n'en sont pas moins harmonieux1. 4° Par suite de la règle que nous venons d'établir, on trouve quelques vers qui, à la rigueur, n'ont pas de césure: Indomitique Daha, et pontem indignatus Araxes. V. Moenia conspicio, atque adverso fornice portas. V. On trouve même l'élision faite au troisième pied sur d'autres mots que les conjonctions et les prépositions indiquées ci-dessus : Fugit quum saucius aram Taurus, et incertam excussit cervice securim. V. Dixerat, et genua amplexus, genibusque volutans. V. Dum sequor, et nota excedo regione viarum. V. Ces exemples suffiront pour former l'oreille à cette harmonie poétique, dont la connaissance est le guide le plus sûr. Nous avons vu des vers très-lourds avec 1. En veut-on une preuve incontestable? qu'on lise ces vers de Virgile: Arripuitque locum, et silvis insedit iniquis. Hi tibi Nomentum, et Gabios urbemque Fidenam. (Ce dernier vers est répété trois fois.) Rien n'était plus simple que d'obtenir la césure après le second pied, en remplaçant et, ac par que. Le poëte ne l'a pas voulu, et une infinité d'exemples pourraient venir à l'appui de ceux-ci. En voici la raison : c'est que l'accent essentiel sur la pénultième ou sur l'antépénultième du deuxième pied existe toujours. 2. Sur l'orthographe de exscidium, voy. p. 61. |