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2o Il faut éviter l'élision des monosyllabes1:

Saxa vocant Itali mediis quæ in fluctibus aras. V.
Nequaquam satis in re unâ consumere curam. H.
Si quis ad illa deus subitò te agat, usque recuses. H.
Le pronom se doit être excepté 2:

Quarto terra die primùm se attollere tandem. V.
Bella sequi, aut hostem regi se inferre Latino? V.
Sed sublimè volans, nubi se immiscuit atræ. ST.

L'élision d'un monosyllabe est bien plus vicieuse encore au commencement du vers:

Me unum esse invenies illorum jure sacratum. CAT.

Si ad vitulam spectas, nihil est quod pocula laudes. V.
Dum ex parvo nobis tantumdem haurire relinquas. H.

L'élision du pronom se serait également condam nable à cette place.

3o On doit bannir du vers hexamètre les mots qui ne peuvent y entrer qu'à l'aide d'une élision :

Naufragum et ejectum spumantibus æquoris undis
Sublevem, et a mortis limine restituam. CAT.

Acres procurrunt : magnum spectaculum uterque. H.
O curvæ in terras animæ, et cœlestium inanes! PERS.

4o Il faut éviter l'élision sur le sixième pied:

Scribendi rectè sapere est et principium et fons. H.
Non ego namque deos didici securum agere ævum. H.

1. Les particules que, ve, ne (interrogatif), sont toujours exceptées, comme faisant réellement partie du mot précedent.

2. Parmi les nombreux exemples où on le trouve élidé, nous en avens choisi quelques-uns où, par un léger déplacement de mots, le poëte eut évité cette élision,s il l'eût voulu.

Mais l'élision de que, ve, ne (interrogatif) et de la dernière de sine, est permise à cette place:

Tum cererem corruptam undis cerealiaque arma
Expediunt. V.

Pascitur, itque pecus longa in deserta, sine ullis
Hospitiis. V.

L'élision peut avoir lieu au milieu du sixième pied quand elle porte sur le verbe est1:

Mens agitat mihi, nec placidâ contenta quiete est. V.

5o On évitera encore l'élision sur le cinquième pied, comme dans ces vers:

Fumida quum cœli scintillare omnia templa

Cernentes. LR.

Piscibus atque avibus quæ natura ac foret ætas. H.
Cum scurris fartor, cum Velabro omne macellum. H.
Imposuit, fixit leges pretio atque refixit. V.

Mais on peut l'admettre quand le mot dont la finale s'élide est un tribraque ou un trochée, non terminés par une m:

Exercete, viri, tauros; serite hordea campis. V.
Egregiam verò laudem et spolia ampla refertis. V.
Mox etiam, si fortè vacas, sequere, et procul audi. H.
Impositique rogis juvenes ante ora parentum. V.
Ac Tusci turba impia vici. H.

L'élision des finales en m est plus dure:

Tu quum pro vitulâ statuis dulcem Aulide natam. H.
Et si quis casus puerum egerit Orco. H.

Dicam horrida bella. V.

1. Voyez ci-dessus, page 142.

Les particules que, ve, ne (interrogatif), s'élident bien sur le cinquième pied:

Condit opes alius, defossoque incubat auro. V.

Corpora, captivosque dabit, suaque omnibus arma. V.

6o Le milieu du cinquième pied ne souffre guère d'élision. Un vers finirait mal par ces mots: curre ad honores. Le même défaut se trouve dans les exemples suivants :

Umbræ resonârint triste et acutùm. H.,

Videas metato in agello. H.

Non ego, avarum

Quum veto te fieri, etc. H.

Mais voici des élisions plus douces, qu'on peut imiter :

Juturnamque parat fratris dimittere1 ab armis. V.

Sæpe in honore deûm medio, stans hostia ad aram. V.
Aut tecto assuetus coluber succedere et umbræ. V.

Remarque. L'élision est répréhensible quand elle est suivie d'un repos dans la pensée, lequel doit être reproduit par la prononciation, ou quand elle porte sur les paroles d'un autre interlocuteur, comme nous le voyons dans les vers suivants :

Primùm nam inquiram quid sit furere. Hoc si erit in te. H.
Quanti emptæ? Parvo. Quanti ergo? Octo assibus. Heu heu! H.

1. Port-Royal remarque fort bien que dans ce vers le poëte était libre de mettre dimittere fratris ab armis. Je ne sais quel scrupule a encore retenu le grammairien, et pourquoi ¿ n'a osé autoriser une élision si fréquente.

En pareille circonstance, Virgile a négligé l'élision1:

Et vera incessu patuit dex. Ille ubi matrem, etc.

Ceci n'est qu'une exception; mais elle est plus fondée en raison que l'élision précédente.

Nous aurons occasion de parler encore de l'élision à propos de l'harmonie imitative: nous verrons alors quels effets le poëte peut en tirer pour peindre la nature.

1. Voyez ci-dessus, p. 85.

2. Bentley nous semble faire sur ce vers une remarque fort judicieuse (ad Hor. Carm. III, 14, 11): Post dea plena distinctio est, et tum nova incipit oratio: et quia in pronunciatione pausa et mora spatium intercedit, dea et ille per synalapham coalescere minime debuerunt. Vitiosum siquidem foret, si quis in hunc modum versum compo

neret:

Et veram incessu patuisse deam. Ille ubi matrem.

CHAPITRE XXI.

DE LA CÉSURE.

La césure (cæsura ou incisio) est indispensable pour l'harmonie. Si chaque pied était composé d'un mot complet, le vers paraîtrait décousu, et le rhythme serait rompu à chaque instant :

Sparsis hastis longis campus splendet et horret1. ENN. Exstructam ampliter, ad quam nunc accumbimu' mensam. LUCIL.

La césure est comme une chaîne qui lie les pieds les uns aux autres : elle donne au vers une marche soutenue, et l'oreille distingue sans effort quand il finit; ce qui serait pour elle un grand travail, si tous les pieds étaient isolés.

Le vers hexamètre peut avoir trois césures à la fois :

Silvestrem tenui musam meditaris avenâ. V.

Infelix Priamus furtim mandârat alendum. V.

1° On sait qu'une seule suffit, quand elle est placée après le second pied3 :

Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras. V.

Ludit in humanis divina potentia rebus. 0.

1. Voici un autre exemple cité et blâmé par le grammairien Marius Victorinus (p. 2516):

Pythie, Delie, te colo, prospice, votaque firma.

2. Les anciens reconnaissaient deux césures, celle de deux pieds et demi ou penthémimère (semiquinaria, penthemimeres), et celle de trois pieds et demi ou hephthėmimère (semiseptenaria, hephthemimeres). Ils ne comptaient pas la césure après un pied et demi. Sur ces deux césures, et sur une autre césure dite trochaïque, voy. la note à la fin du volume.

3. M. Varro, in libris Disciplinarum, scripsit se observâsse in versu hexametro, quòd omni modo quintus semipes verbum finiret, et quòd priores quinque semipedes æque magnam vim haberent in efficiendo versum atque alii posteriores septem. Idque ipsum ratione quâdam geometrica fieri disserit. (Aulu-Gelle, XVIII, 15.)

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