2o Il faut éviter l'élision des monosyllabes1: Saxa vocant Itali mediis quæ in fluctibus aras. V. Quarto terra die primùm se attollere tandem. V. L'élision d'un monosyllabe est bien plus vicieuse encore au commencement du vers: Me unum esse invenies illorum jure sacratum. CAT. Si ad vitulam spectas, nihil est quod pocula laudes. V. L'élision du pronom se serait également condam nable à cette place. 3o On doit bannir du vers hexamètre les mots qui ne peuvent y entrer qu'à l'aide d'une élision : Naufragum et ejectum spumantibus æquoris undis Acres procurrunt : magnum spectaculum uterque. H. 4o Il faut éviter l'élision sur le sixième pied: Scribendi rectè sapere est et principium et fons. H. 1. Les particules que, ve, ne (interrogatif), sont toujours exceptées, comme faisant réellement partie du mot précedent. 2. Parmi les nombreux exemples où on le trouve élidé, nous en avens choisi quelques-uns où, par un léger déplacement de mots, le poëte eut évité cette élision,s il l'eût voulu. Mais l'élision de que, ve, ne (interrogatif) et de la dernière de sine, est permise à cette place: Tum cererem corruptam undis cerealiaque arma Pascitur, itque pecus longa in deserta, sine ullis L'élision peut avoir lieu au milieu du sixième pied quand elle porte sur le verbe est1: Mens agitat mihi, nec placidâ contenta quiete est. V. 5o On évitera encore l'élision sur le cinquième pied, comme dans ces vers: Fumida quum cœli scintillare omnia templa Cernentes. LR. Piscibus atque avibus quæ natura ac foret ætas. H. Mais on peut l'admettre quand le mot dont la finale s'élide est un tribraque ou un trochée, non terminés par une m: Exercete, viri, tauros; serite hordea campis. V. L'élision des finales en m est plus dure: Tu quum pro vitulâ statuis dulcem Aulide natam. H. Dicam horrida bella. V. 1. Voyez ci-dessus, page 142. Les particules que, ve, ne (interrogatif), s'élident bien sur le cinquième pied: Condit opes alius, defossoque incubat auro. V. Corpora, captivosque dabit, suaque omnibus arma. V. 6o Le milieu du cinquième pied ne souffre guère d'élision. Un vers finirait mal par ces mots: curre ad honores. Le même défaut se trouve dans les exemples suivants : Umbræ resonârint triste et acutùm. H., Videas metato in agello. H. Non ego, avarum Quum veto te fieri, etc. H. Mais voici des élisions plus douces, qu'on peut imiter : Juturnamque parat fratris dimittere1 ab armis. V. Sæpe in honore deûm medio, stans hostia ad aram. V. Remarque. L'élision est répréhensible quand elle est suivie d'un repos dans la pensée, lequel doit être reproduit par la prononciation, ou quand elle porte sur les paroles d'un autre interlocuteur, comme nous le voyons dans les vers suivants : Primùm nam inquiram quid sit furere. Hoc si erit in te. H. 1. Port-Royal remarque fort bien que dans ce vers le poëte était libre de mettre dimittere fratris ab armis. Je ne sais quel scrupule a encore retenu le grammairien, et pourquoi ¿ n'a osé autoriser une élision si fréquente. En pareille circonstance, Virgile a négligé l'élision1: Et vera incessu patuit dex. Ille ubi matrem, etc. Ceci n'est qu'une exception; mais elle est plus fondée en raison que l'élision précédente. Nous aurons occasion de parler encore de l'élision à propos de l'harmonie imitative: nous verrons alors quels effets le poëte peut en tirer pour peindre la nature. 1. Voyez ci-dessus, p. 85. 2. Bentley nous semble faire sur ce vers une remarque fort judicieuse (ad Hor. Carm. III, 14, 11): Post dea plena distinctio est, et tum nova incipit oratio: et quia in pronunciatione pausa et mora spatium intercedit, dea et ille per synalapham coalescere minime debuerunt. Vitiosum siquidem foret, si quis in hunc modum versum compo neret: Et veram incessu patuisse deam. Ille ubi matrem. CHAPITRE XXI. DE LA CÉSURE. La césure (cæsura ou incisio) est indispensable pour l'harmonie. Si chaque pied était composé d'un mot complet, le vers paraîtrait décousu, et le rhythme serait rompu à chaque instant : Sparsis hastis longis campus splendet et horret1. ENN. Exstructam ampliter, ad quam nunc accumbimu' mensam. LUCIL. La césure est comme une chaîne qui lie les pieds les uns aux autres : elle donne au vers une marche soutenue, et l'oreille distingue sans effort quand il finit; ce qui serait pour elle un grand travail, si tous les pieds étaient isolés. Le vers hexamètre peut avoir trois césures à la fois : Silvestrem tenui musam meditaris avenâ. V. Infelix Priamus furtim mandârat alendum. V. 1° On sait qu'une seule suffit, quand elle est placée après le second pied3 : Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras. V. Ludit in humanis divina potentia rebus. 0. 1. Voici un autre exemple cité et blâmé par le grammairien Marius Victorinus (p. 2516): Pythie, Delie, te colo, prospice, votaque firma. 2. Les anciens reconnaissaient deux césures, celle de deux pieds et demi ou penthémimère (semiquinaria, penthemimeres), et celle de trois pieds et demi ou hephthėmimère (semiseptenaria, hephthemimeres). Ils ne comptaient pas la césure après un pied et demi. Sur ces deux césures, et sur une autre césure dite trochaïque, voy. la note à la fin du volume. 3. M. Varro, in libris Disciplinarum, scripsit se observâsse in versu hexametro, quòd omni modo quintus semipes verbum finiret, et quòd priores quinque semipedes æque magnam vim haberent in efficiendo versum atque alii posteriores septem. Idque ipsum ratione quâdam geometrica fieri disserit. (Aulu-Gelle, XVIII, 15.) |