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Les vers hypermètres finissent pour l'œil par un mot de quatre syllabes, mais réellement par un mot de trois, puisque la dernière est élidée. On met

bien :

Et magnos membrorum artus, magna ossa lacertosque
Exuit. V.

Il n'est pas non plus question ici du vers spondaïque (ou plutôt spordiaque, oлovdεtaxós), lequel, à peu d'exceptions près, finit par un mot de quatre syllabes', mais de quatre syllabes longues :

Cara deûm soboles, magnum Jovis incrementum. V.

3o On doit encore bannir de la fin du vers les mots de cinq syllabes, tels que ceux-ci :

Istri, tela manus jacientes, sollicitabant. ENN.
Sunt igitur solidâ primordia simplicitate. LR.
Te nostris ducibus, te Graiis anteferendo. H.
Ut linguas mancipiorum

Contemnas. J.

4° Évitez à plus forte raison les mots de six syllabes, comme:

Quisquis luxuriâ, tristive superstitione,

Aut alio mentis morbo calet. H.

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NATURE DU MOT FINAL. 1° Si nous examinons maintenant les mots, non plus par rapport à leur quantité, mais par rapport à leur nature, nous reconnaîtrons que la partie du discours qui termine le

1. Pag. 81.

2. On trouve à la vérité dans Virgile :

Cum sociis, natoque, Penatibus et magnis dîs... Quæ quondam in bustis, aut culminibus desertis. Mais ces exceptions très-rares ne détruisent pas la règle.

plus souvent le vers hexamètre est le substantif, parce qu'elle est la plus importante de la phrase:

Belli ferratos rupit Saturnia postes. V.

et non Postes Saturnia rupit.

Aut habeat victos, cedat Lavinia conjux. V.
Arma ferunt alii, et pergunt defendere muros. V.
Illi membra novus solvit formidine torpor. V.
Dant gemitus victi, penduntque ex fœdere pœnas. V.
At non audaci cessit fiducia Turno. V.

Functus erat dapibus; poscunt sua tempora somni 1. 0.

S'il se trouve plusieurs substantifs, leur valeur plus ou moins grande dans l'ensemble de la phrase, la clarté, l'harmonie indiqueront lequel doit termi

ner le vers:

Haud aliter prædam Tiburtum ex agmine Tarcho

Portat ovans. V.

Nimiùm crudele luisti

Supplicium, Teucros conata lacessere bello. V.

Haudquaquam dictis violentia Turni

Flectitur. V.

Sunt et mea contrà

Fata mihi, ferro sceleratam exscindere gentem. V.
O mater, neque enim Turno mora libera mortis. V.
Illo quæratur conjux Lavinia campo. V.

Certa referre viros, et pacis dicere leges. V.

Visus ab Aurorâ cœlum transcurrere nimbus. V.

2o Après le substantif, le mot qui occupe le plus

1. A moins que le verbe n'ait une grande énergie, ou ne présente une image. Ex.:

Recalent nostro Tiberina fluenta

Sanguine adhuc, campique ingentes ossibus albent. V. Mettez Albentque ingentes ossibus agri, et le tableau s'efface,

VERSIFICATION LATINE.

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communément la dernière place est le verbe, mot indispensable aussi à l'expression de l'idée.

3o Voilà ce qu'il y a de plus général ensuite le bon sens même indique qu'il serait bien difficile, et même bien monotone de reproduire sans cesse à la fin du vers l'un de ces deux mots, et l'on y trouve admises de temps en temps les autres parties du discours. Une autre raison vient se joindre à cellesci très-souvent la phrase latine ne finit pas avec le vers; alors les mots qui le terminent perdent de leur intérêt, et l'attention se fixe plus particulièrement sur les mots rejetés; ce qui fait que l'on est moins exigeant pour la fin du vers. Par exemple, nous voyons dans Virgile:

Pygmalionis opes.

Portantur avari

Personne ne s'avise de blâmer ici la place du mot avari. Mais si l'auteur eût mis:

Pygmalionis opes portantur avari.

l'épithète ressortirait trop, et paraîtrait faible.

Quelquefois le poëte réserve à dessein une épithète pour terminer le vers et la phrase: c'est qu'alors il en attend un effet:

Eripiunt subitò nubes cœlumque diemque

Teucrorum ex oculis; ponto nox incubat atra. V.

Ici l'épithète fait image.

Neptune irrité gourmande les vents déchaînés sans son ordre :

Maturate fugam, regique hæc dicite vestro. V.

Il y a une ironie amère dans l'importance donnée à cet adjectif vestro.

Latinus prédit à Turnus le sinistre avenir qui l'attend:

Te triste manebit

Supplicium, votisque deos venerabere seris. V.

L'inutilité des prières tardives que Turnus adressera aux dieux, voilà le point capital de l'idée, et c'est ce que fait habilement ressortir l'épithète rejetée à la fin du vers.

Juvénal veut faire un portrait ridicule d'Annibal passant les Alpes; il dit:

O qualis facies, et quali digna tabellâ,

Quum Gætula ducem portaret bellua luscum!

Toute l'idée porte sur ce seul mot luscum. Jusquelà l'esprit est en suspens, et ne sait s'il doit prendre au sérieux le tableau pompeux du poëte: dans le dernier mot éclate le sarcasme.

4° Servius, commentateur de Virgile, blâme les participes présents placés à la fin du vers, comme :

Talia flammato secum dea corde volutans...

At pius Æneas, per noctem plurima volvens. V.

Cette défense est trop sévère, et on les trouve assez souvent employés par les poëtes pour pouvoir se les permettre quelquefois.

CHAPITRE XX.

DE L'ELISION.

A moins qu'elles ne se trouvent au milieu d'un concours désagréable de consonnes, ou qu'elles ne soient placées à certains pieds que nous allons indiquer, les élisions ne produisent point un mauvais effet, et les poëtes du second ordre les ont évitées avec une affectation puérile. Virgile, dans les ouvrages mêmes auxquels il a mis la dernière main, et Horace, dans ses Odes, en font un assez fréquent usage elles donnent de la variété au vers, qui, sans elles, finit par être monotone.

Il ne faut pas croire qu'un vers soit d'autant plus dur qu'il renferme plus d'élisions. Il y en a trois dans chacun des suivants, et cependant ils sont trèscoulants:

Qui cultus habendo

Sit pecori, atque apibus quanta experientia parcis. V.

Num fletu ingemuit nostro, aut miseratus amantem est? V.

Au contraire une seule élision peut être choquante, comme nous le verrons bientôt.

1o Si la voyelle élidée et celle qui commence le mot suivant sont les mêmes, l'élision n'a rien de désagréable à l'oreille :

Flumina amem silvasque inglorius. V.

Ille etiam exstincto miseratus Cæsare Romam. V.

Solus ubi in silvis Italis ignobilis ævum

Exigeret. V.

Ergo omnis longo solvit se Teucria luctu. V.

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