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LE MARQUIS, à la Baronne.

Vous ne sauriez croire combien je me suis diverti, depuis que je vous ai quittée!

Madame CATAU, bas, à la Baronne.

Cela est obligeant pour vous! Est-ce encore-là un air de Cour?

LE MARQUIS, à la Baronne.

Vos domestiques ont converti mon valet-de-chambre. Il ne croyoit point aux Esprits: il en est présentement si effrayé que je crois que le coquin n'osera plus porter mes billets, dès qu'il sera nuie!

LA BARONNE.

Ah! Ciel que de jolies femmes vont se désespérer!

Madame CATAU, au Marquis.

Vous croyez donc, Monsieur, que le tambour qui fait tant de bruit dans ce château n'est pas une chose ceffroyable! Demandez à Madame; elle l'a entendu, elle-même?

LE MARQUIS, riant.

Ah! ah! ah! ah!

Madame CATAU.

Mort de ma vie! Monsieur, vous ne nous ferez

pas croire que les oreilles nous cornent, à tous tant

que nous sommes ici!

LE MARQUIS, riant encore plus fort.

Ah! ah! ah! ah!

Madame CATAU, à part.

Que j'appliquerois volontiers une bonne paire de soufflets sur ce visage-là!... (Bas, a la Baronne.) Ce tis mocqueur est fort respectueux, Madame, en vérité!

LA BARONNE, au Marquis.

Mais, que direz-vous encore quand je vous aura protesté que la nuit derniere le bruit de ce tambour m'a réveillée ?

LE MARQUIS.

Chimere! imagination!

LA BARONNE.

Mais une de mes femmes, qui couche dans ma chambre, l'a entendu, comme moi.

LE MARQUIS.

Vapeurs! vapeurs!... L'oisiveté, l'ennui, la solitude vous inspirent des idées noires et des terreurs paniques. Je veux mourir si le tambour est autre part que dans votre tête. Ce sont des vapeurs, vous dis je; et, si vous voulez me croire, j'ai un remede Infaillible pour vous les guérir.

J

Madame CATAU.

Ah! le beau médecin de neige, avec ses remedes! J'ai entendu le tambour comme je vous entends. Est-ce que j'ai des vapeurs, moi?

LE MARQUIS.

Pourquoi non les vieilles filles y sont sujettes. Madame CATAU, en colere.

Si je suis fille, c'est que je le veux bien, enterdez-vous? et je puis cesser de l'être quand il me plaira!

LE MARQUIS.

Je le veux croire... Mais, dussiez-vous enrager, Madame Catau, je vous dirai, tout net, que tout ce que l'on vient de me conter n'est que l'effet d'une imagination blessée. Petits esprits, petits esprits, qui donnent dans ces visions!

LA BARONNE.

Enfin, vous ne croyez donc pas qu'il revienne

des Esprits?

LE MARQUIS.

Demandez-moi aussi, Madame, si je ne crois pas le Conte de Peau d'âme?... Dicu me damne, c'est la même chose!

Madame CATAU, à la Baronne.

Eh! Madame, n'écoutez point cet homme-là; c'est un hérétique!

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LE MARQUIS, à la Baronne.

Vous voulez me persuader qu'il revient chez vous. Apparemment que l'Esprit prend son tems tous les soirs, après que vous m'avez renvoyé. Mais qu'il paroisse donc devant moi, cet animal-là, je vous promets de lui donner les étrivieres!

Madame Catau, à la Baronne.

Quoi! Madame, vous souffrirez qu'il menace des étrivieres, l'Esprit de feu M. votre mari?

LE MARQUIS, à la Baronne.

Supposons un moment qu'il y ait des Esprits qui reviennent. Avez-vous la simplicité de croire que votre mari soit assez déraisonnable pour conserver des droits sur vous après sa mort? N'est-il pas trop heureux de vous avoir possédée pendant qu'il a vécu?

LA BARONNE, s'attendrissant.

Marquis, n'insultez point à sa mémoire! Je me flatte qu'il s'est tenu fort heureux de me posséders e je me tiens malheureuse de ne le posséder plus!

LE MARQUIS.

Parbleu! c'est bien fait de parler de la sorte; j'aime les bienséances!

LA BARONNE.

Je laisse ces bienséances aux Dames de la Cour. Pour moi, qui ne joue point la Comédie, je parle toujours comme je pense; er je vous jure que si j'étois bien aise d'être veuve je vous l'avouerois, sans façon.

LE MARQUIS.

Quoi! sérieusement, vous êtes fâchée d'être en liberté de vous remarier ?

LA BARONNE.

Je donnerois volontiers tout ce que je possede

pour n'avoir pas cette fatale liberté!

LE MARQUIS, riant.

Ah! ah! ah! ah! je veux mourir si ce n'est la peur de l'Esprit qui vous fait parler de la sorte!... Je connois bien des veuves, à la Cour et à Paris; mais je n'en connois point qui soient fâchées de l'être, si ce n'est de l'être trop long-tems... Sur ce pied-là, ma chere veuve, vous avez donc juré de ne vous remarier jamais?

LA BARONNE.

C'est une témérité que de faire de pareils sermens!

Madame CATAU, à part.

Ah! je respire.

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