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SCENE V.

CLÉON, LE COMTE, PASQUIN.

QU'ON

CLEON, à Pasquin, qui le suit.

U'ON dise, de

part, ma

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Que je ne trouve plus ma dépense assez forte,

Que cela déshonore un homme de ma sorte,
Que le ménage ici ne convient nullement.

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Parlez-lui très-sérieusement.

Je prétends que chez moi tout soit en abondance.

LE COMTE, à Pasquin.

A quoi sert le bon goût sans la magnificence?......

(Montrant Cléon.)

On lui fait mal sa cour en épargnant son bien!

CLÉON, à Pasquin.

Oui, pour me faire honneur, je ne plains jamais rien ; Et mon plus grand plaisir est d'exciter l'envie,

LE COMTE, à Pasquin.

Rien n'est si bas, si vil qu'un air d'économie.
Si cer homme s'en pique il se fera chasser.

CLÉON, à Pasquin.

C'est à moi de fournir, à lui de dépenser.

PASQUIN.

Il ne mérite point cette mercuriale;

Car il prodigue tout, et sans cesse il régale.

Tant mieux!

LE COMTE.

PASQUIN, à Cléon,

Comptez, de plus, qu'il en prend bien sa part. Il est gros comme un muid; vos gens sont gras à lard. A tous venans, beau jeu. Votre seule desserte Nous met tous en état de tenir table ouverte. Chacun a sa chacune; et, dès le point du jour, Nos amis et les leurs nous aident, tour-à-tour; Et je puis vous jurer qu'à vous mettre en dépense Chacun ici, Monsieur, travaille en conscience!

CLÉON, prenant du tabac.

Cela me fait plaisir.... mais je vois, cependant,
Qu'on se relâche un peu!

PASQUIN.

C'est Monsieur l'Intendant

Qu'il en faut accuser. Il dit que les fonds baissent,
Et que vous maigrissez quand les autres s'engraissent.
Il crie à tous momens. Ses lamentations
Nous causent jour et nuit des indigestions;
Car pour bien digérer il faut être tranquille,
Et ce vilain censeur nous échauffe la bile.

CLÉON, au Comie.

Défaites-moi, mon cher, de ce malheureux-là.

LE COMTE.

Fiez-vous-en à moi, je travaille à cela.

Mais il me faut du tems car je veux faire en sorte Qu'il rende gorge, avant que de passer la porte. C'est un maître fripon qui fait le ménager

Pour couvrir ses larcins.

CLÉON.

Vous m'y faites songer.

Telle est de ses pareils la manœuvre ordinaire.
Je ne sais point compter; je hais la moindre affaire.
Pour vaquer au plaisir je lui livre mon bien,
Dont il fait ce qu'il veut, et peut-être le sien;
Et, fier de ma paresse et de mon ignorance,
Pour mieux faire sa main, il rogne ina dépense!
Oh! parbleu! nous verrons!

PASQUIN.

Mais il manque d'argent.

CLÉON.

Qu'il vende deux contrats qui lui restent.

PASQUIN.

L'agen

Dont il se sert toujours pour ce petit négoce

Dit qu'ils perdent moitié.

CLÉON,

Qu'importe?... Mon carrosse

Est-il prêt?

PASQUIN.

Oui, Monsieur.... Mais plusieurs créanciers, De fort mauvaise humeur, et de tous les métiers, Vous attendent là-bas pour avoir audience.

CLÉON, en colere.

Moi, de les écouter j'aurois la patience?
Qu'on me chasse d'ici cette canaille là!

PASQUIN.

Je vais les enivrer. Je ne sais que cela
Pour les endormir.

CLÉON.

Soit, pourvu qu'on m'en délivre.

PASQUIN.

Cet Auteur si fameux vous apporte son Livre,

Et voudroit vous l'offrir.

CLÉON.

Il peut s'en retourner.

ces sortes de gens je n'ai rien à donner.

Ils me cherchent par-tout, par-tout je les évite.

PASQUIN, à part.

Il prodigue aux fripons, et refuse au mérite!

Va-t-en.

CLÉON.

(Pasquin sort.)

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