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Dorat.

Ah! fans lui, qui pourroit nous plaire

Sans cet heureux enchantement,

Que refteroit-il à la terre?

L'ennui de vivre, et le néant!

Tu vois trop quel eft mon délire;
Ami, je ne puis le cacher:
L'amour lui feul peut m'attacher;
C'eft fa flamme que je refpire.
Ce fexe, orné de mille attraits,
Que fon addreffe multiplie,
Nous tient enchaînés à la vie
Par d'imperceptibles filets;
Dans fes défauts trouve ses armes,
Nous plaît, en nous tyrannifant,
Et n'eft jamais fi feduifant,
Qu'alors qu'il fait couler nos larmes.
Toujours abfous par nos defirs,
Il a tout, puisqu'il a les charmes
Et qu'il difpenfe les plaifirs.
Que dis-je ? une fougue imprudente
Sans doute emporte mes efprits;
La jeuneffe, toujours ardente,
A ce bonheur met trop de prix;
Ils viendront, ces jours de lumière,
Où la fcène change à nos yeux.
Où l'homme, en foupirant, f'éclaire
Sur le vrais moyens d'être heureux!
Alors, battu par les orages,
Digne du moins de ta pitié
J'irai, fuyant d'autres naufrages,
Chercher un port dans l'amitié;
Sous la plus épaiffe verdure

Du

Dotat.

Du bosquet le plus retiré

Je pourrai, loin de l'impofture
Répofer mon oeil épuré

Sur les tableaux de la nature;

Alors, il faudra vous quitter,

Douces erreurs de notre aurore.....
Mais nous en parlerons encore,
Ne pouvant plus en profiter.

Se'dais

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Sedaine.

Michel Jean Se'daine, ein noch lebender, vornehm; lich durch seine Schauspiele bekannter Dichter. Seine klei nern Poesien haben viele Vorzüge in den leichten und naifen Wendungen des Gedankens und des Ausdrucks. Folgende allerliebste Tåndelei von ihm verdient hier eine Stelle.

EPITRE A MON HABIT.

Ah! mon habit, que je vous remercie!
Que je valus hièr, grace à votre valeur!
Je me connois; et plus je m'apprécie,
Plus j'entrevois qu'il faut que mon Tailleur,
Par une fecrette magie,

Ait caché dans vos plis un talisman vainqueur,
Capable de gagner et l'efprit et le coeur.

Dans ce cercle nombreux de bonne compagnie,
Quels honneurs je reçus! quels égards! quel accueil!
Auprès de la Maîtreffe, et dans un grand fauteuil
Je ne vis que des yeux toujours prêts à fourire.
J'eus le droit d'y parler, et parler fans rien dire!
Cette femme à grands falbalas

Me confulta fur l'air de fon vifàge;
Un Blondin fur un mot d'usage
Un Robin fur des opéras.

Ce que je décidai, fut le Nec plus ultra.
On applaudit à tout, j'avois tant de génie!
Ah! mon habit, que je vous remercie!
C'est vous qui me valez cela!

De complimens, bons pour une Maîtreffe,
Un Petit maître. m'accabla

Et pour m'exprimer fa tendreffe

Dans fes propos guindés, me dit tout Angola.
Ce Poupart à fimple tonfure,

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Qui ne fonge qu'a vivre, et ne vit que pour foi;
Oublia quelque tems fon rabat, la figure
Pour ne f'occuper que de moi.

Ce Marquis, autrefois mon ami de collége,
Me reconnût enfin, et du premier coup d'oeil
Il m'accorda par privilége

Se'daine.

Un tendre embraflement, qu'approuvoit fon orgueil,
Ce qu'une liaifon dès l'enfance établie,

Ma probité des moeurs que rien ne dérégla,
N'euffent obtenu de ma vie

Votre afpect feul me l'attira
Ah! mon habit, que je vous remercie!
C'est vous qui me valez cela!
Mais ma furprise fut extrême:
Je m'apperçûs que fur moi-même
Le charme fans doute opéroit.
J'entrois jadis d'un air difcret;

Enfuite fufpendu fur le bord de ma chaife,
J'ecoutois en filence, et ne me permettois
Le moindre Si, le moindre Mais;
Avec moi tout le monde étoit fort à fon aife
Et moi je ne l'etois jamais;

Un rien auroit pû me confondre
Un regard, tout m'etoit fatal;
Je ne parlois que pour répondre;
Je parlois bas, je parlois mal.
Un fot Provincial arrivé par le coche,

Eût été moins que moi tourmenté dans fa peau;

Je me mouchois presqu'au bord de ma poche
J'eternuois dans mon chapeau;

On pouvoit me priver, fans aucune indécence,
De ce falut que l'ufage introduit

Il n'en coûtoit de révérence

Qu'à quelqu'un trompé par le bruit:
Mais à prefént, mon cher habit

Tout eft de mon reffort, les airs, la fuffifance,
Et ces tons décidés qu'on prend pour de l'aifance
Deviennent mes tons favoris:

Eft-ce ma faute, à moi, puisqu'ils font applaudis?
Dieu! quel bonheur pour moi, pour cette étoffe,

Beisp. Samml. 3. B.

De

Se'daine. De ne point habiter ces pays limitrophes
Des conquêtes de notre Roi:

Dans la Hollande il eft une autre loi
En vain j'étalerois ce galon qu'on renomme,
En vain j'éxalterois fa valeur, fon debit
Ici, l'habit fait valoir l'homme;

Là, l'homme fait valoir l'habit.

Mais chez nous (Peuple aimable!) où les graces, l'éfprit,

Brillent à préfent dans leur force,

L'arbre n'eft point jugé fur fes fleurs, fur fon fruit;
On le juge fur fon écorce.

De

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