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et de petite manière. Tout le charme, tout l'intérêt sera détruit, et l'on daignera à peine s'y arrêter.

En effet, quoi de plus mesquin, de plus barbare, de plus mauvais goût que notre accoutrement françois ; et les robes de nos femmes? Dites-moi ; que peut-on faire de beau, en introduisant dans une composition des poupées fagotées comme cela? Cela seroit d'un bel effet, sur-tout dans une composition tragique. Comment leur donner la moindre noblesse, la moindre grandeur? Au contraire l'habillement des Orientaux, des Asiatiques, des Grecs, des Romains, développe le talent du peintre habile, et augmente celui du peintre médiocre...

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A la place de cette figure de Tartare, qui est à la droite dans le tableau de la Bonne 'Aventure, et qui est si richement, si noble ment vêtue, imaginez un de nos cent-suisses, et vous sentirez tout le plat, tout le ridicule de ce dernier personnage. i 65 to a

O que nous sommes petits et mesquins! Quelle différence de ce bonnet triangulaire, noir, dont nous sommes affublés, au turban des Turcs, au bonnet des Chinois !

Mettez à César, Alexandre, Caton, notre chapeau et notre perruque, et vous vous tien

drez les côtés de rire; si vous donnez au contraire l'habit grec ou romain à Louis xv, vous ne rirez pas. Le ridicule ne vient donc pas du vice de costume. Il est le même de part et d'autre.

Il n'y a point de tableau de grand-maître qu'on ne dégradât, en habillant les personna ges, en les coiffant à la françoise, quelque bien peint, quelque bien composé qu'il fût d'ailleurs. On diroit que de grands événemens, de grandes actions ne soient pas faits pour un peuple aussi bizarrement vêtu, et que des, hommes dont l'habit est si ginguet ne puissent avoir de grands intérêts à démêler. Il ne fait bien qu'aux marionnettes. Une diète de ce's marionnettes-là feroit à merveille la paradel d'une assemblée consulaire. On n'imagineroit. jamais un grain de cervelle dans toutes ces têtes-là. Pour moi, plus je les regarderois, plus je leur verrois de petites ficelles attachées au haut de leurs têtes.

› Faites-y attention, et vous prononcerez qu'un caractère de tête fier, noble, pathétique et terrible, ne va point sous votre perruque ou votre chapeau Vous ne pouvez être que de petits furibons. Vous ne pouvez que jouer la gravité, la majesté.

Si nos peintres et nos sculpteurs étoient

forcés désormais de puiser leurs sujets dans l'histoire de France moderne ; je dis moderne, car les premiers Francs avoient conservé dans leur manière de se vêtir, quelque chose de la simplicité du vêtement antique ; la peinture et la sculpture s'en iroient bientôt en décadence.

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Imaginez en un tas à vos pieds, toute la dépouille d'un Européen, ces bas, ces souliers, cette culotte, cette veste, cet habit, ce chapeau, ce col, ces jarretières, cette chemise ; c'est une friperie. La dépouille d'une femme seroit une boutique entière. L'habit de nature, c'est la peau; plus on s'éloigne de ce vêtement, plus on pèche contre le goût. Les Grecs si uniment vêtus ne pouvoient même souffrir leurs vêtemens dans les arts. Ce n'étoit pourtant qu'une ou deux pièces d'étoffes négligemment jetées sur le corps. «

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Je vous le répète, il ne faudroit qu'assujettir la peinture et la sculpture à notre costume, pour perdre ces deux arts si agréables, si intéressans si utiles mème à plusieurs égards, sur-tout si on ne les emploie pas à tenir constamment sous les yeux des peuples ou des actions déshonnêtes ou des atrocités de fanatisme, qui ne peuvent servir qu'à corrompre les mœurs ou à embéguiner les

hommes, à les empoisonner des plus dangereux préjugés.

Je voudrois bien savoir ce que les artistes à venir, dans quelques milliers d'années, pour-, ront faire de nous; sur-tout si des érudits sans esprit et sans goût, les réduisent à l'observation rigoureuse de notre costume.

Le tableau de la Paix, de M. Hallé, vient ici très-bien à l'appui de ce que je dis. Ce tableau fait rire. C'est en grand une assemblée de médecins et d'apothicaires, digne du théâtre lorsqu'on y joue le Médecin malgré lui. Mais transportez la scène de Paris à Rome, de l'hôtel-de-ville au milieu du sénat. A ces foutus sacs rouges, noirs, emperruqués, en bas de soie bien tirés, bien roulés sur le genou, en rabats, en souliers à talons, substituez-moi de graves personnages à longues barbes, à têtes, bras et jambes nus, à poitri-, nes découvertes, en longues, fluentes et larges robes consulaires. Donnez ensuite le même sujet au même peintre, tout médiocre qu'il est, et vous jugerez de l'intérêt et du parti qu'il en tirera; à condition pourtant qu'il feroit descendre autrement sa Paix. Cette Paix auroit tout aussi bien fait de rester où elle étoit, que de s'en venir d'un air aussi maussade, aussi dépourvu de grace qu'elle Salon de 1767.

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l'est dans ce plat tableau, soit dit en passant et par apostille.

J'avois déjà effleuré quelque part cette question de nos vêtemens; mais il me restoit sur le cœur quelque chose dont il falloit absolument que je me soulageasse. Voilà qui est fait, et vous pouvez compter que je n'y reviendrai plus que par occasion. La belle figure que feroit le buste de M. Trudaine, de SaintFlorentin ou de Clermont, à côté de celui de Massinissa!

GUER I N.

100. Plusieurs petits tableaux peints à l'huile, en miniature, dont plusieurs d'après l'école d'Italie.

Peu de choses, jolies images, bien précieuses, jolis dessus de tabatières; trop bien pour l'hôtel de Jaback, pas assez bien pour l'académie. Cependant, comme cela a été fait d'après beau, le premier coup-d'œil vous en plaît. L'effet de l'ensemble, l'intérêt de l'action, la position, le caractère, l'expression des figures, la distribution, les grouppes, l'entente des lumières, quelque chose même du dessin et de la couleur sont restés. Mais arrêtez, entrez dans les détails, il n'y a plus

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