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>> Ils vous caressent jusqu'à ce qu'ils aient obtenu de >> vous ce qu'ils désirent, et puis vous font de belles >> promesses d'un air humble et soumis.

» Mais quand le moment de rendre est arrivé, ils » demandent des délais, ils se plaignent, ils murmu>> rent, et s'en prennent aux malheurs des temps.

>> Lors même qu'ils peuvent payer, ils s'en défendent » d'abord ; ils rendent à peine la moitié de la dette et >> semblent encore vous faire une grâce. 3

>> S'ils sont dans l'impuissance de se libérer, ils pri>> vent leur créancier de son argent, et s'en font gra>>tuitement un ennemi. 4

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>> Ils l'accablent quelquefois d'injures et d'outrages, >> et reconnaissent ainsi le service qu'il leur a rendu.» § Telle est la leçon que la Religion donne aux débiteurs de mauvaise foi. Mais tant de chances funestes accablent presque toujours celui que le malheur poursuit, que la misère menace et que le désespoir égare, que cette Religion si sévère et tout à la fois si juste, a dit aux heureux que la fortune favorise :

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« Si un de vos frères tombe dans la pauvreté, ne >> soyez point insensible, ne fermez pas votre main; >> Mais ouvrez-la aux malheureux et prêtez lui ce >> dont il peut avoir besoin. 7

>> Ne lui refusez pas ce qu'il vous demandera, et » n'usez d'aucun détour lorsqu'il s'agit de soulager

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>> sa misère, afin que le Seigneur votre Dieu vous » bénisse en tout temps et dans tout ce que vous >> entreprendrez. '

>> Donnez à qui vous demande, et ne repoussez pas >> celui qui veut emprunter de vous.

» Ne dites point à votre ami : allez et revenez de» main, je vous donnerai; lorsque vous pouvez le » faire à l'heure même. 3

>> Si vous ne prêtez qu'à ceux de qui vous pouvez >> espérer le même service, quel mérite y a t-il à cela?

>> Faites donc du bien, et prêtez même sans en rien >> espérer, et vous en serez amplement récompensés ; >> par là vous deviendrez enfans du Très-Haut: Dieu » lui-même ne répand-il pas ses bienfaits sur les ingrats » et sur les méchans, »

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Touchantes paroles ! dont se ressouviennent peu les riches de la terre, qui peut-être même n'ont lu de nos livres saints et n'en ont conservé dans leur mémoire, que ce qu'ils imposent d'obligations aux pauvres chargés de dettes et d'adversité ! car elle a dit aussi, cette austère fille du Ciel:

« Si quelqu'un de mon peuple habitant avec vous, >> tombe dans la misère, et que vous lui prêtiez de l'ar» gent, ne le pressez pas comme un exacteur impi»toyable, et ne l'accablez pas par des usures.

'Deut, XV, 10.

Mathieu, chap. V, 42.

3 Prov. III, 28.

4 Luc, VI, 34

5 Luc, VI, 35.

• Exode, XXII, † 25.

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» Si l'un de vos frères devient pauvre et qu'il ne >> puisse plus travailler..........

»Ne tirez pas d'intérêt de lui et ne recevez pas plus » que vous ne lui aurez donné. ·

>> Vous ne lui prêterez point d'argent à usure, et » vous n'exigerez pas de lui plus de grains qu'il n'en >> aura reçu. »

Telle est la loi de Dieu! mais ce ne sont pas les tables de sa loi qu'on a gravées sur le temple magnifique et somptueux élevé dans la capitale au culte de la fortune. On y a mis :

Bourse de Paris.

Trois mots qui résument admirablement l'esprit du siècle, et désignent à l'ambition et à la cupidité l'antre légal où l'on peut hardiment violer les lois sur l'argent, vendre ce qu'on ne saurait livrer, acheter ce qu'on ne saurait payer, et passer le plus souvent de la fortune à la misère, de la misère aux emprunts, des emprunts à l'insolvabilité, et de là en prison !

En prison! voyons donc quels maux poursuivent les imprudens que la soif de cet infâme jeu altère, et si dans le récit de tant d'odieuses souffrances, nous ne puiserons pas un jour la noble résolution de les délivrer à jamais d'un aussi douloureux châtiment !

Voilà quel était, du temps de l'illustre Howard, l'état des prisons par rapport aux débiteurs. Écoutons le parler ; on va voir qu'en thèse générale, partout on les confondait avec les malfaiteurs :

En Russie, les débiteurs étaient employés comme

* Liv. XXV, 35 et 36.

" Id. id. 37.

esclaves par le gouvernement; on leur assignait douze roubles par an qui devaient être employés à l'acquitement de leurs dettes. C'est, ajoute Howard, « une » manière inhumaine d'être justes. »

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A Moscou, « la prison pour les débiteurs est très>> sale; on y voit une centaine de misérables, demi>>nus et couchés sur le plancher : à une petite distance >> de ces chambres, il y en a quelques autres dont l'air » est plus infect, plus nuisible qu'en aucune qu'on ait » pu rencontrer. »

A Paris, (en 1778), « chaque sergent ou huissier >> qui arrête ou emprisonne un débiteur, doit payer à » l'avance un mois de la dépense fixée pour de tels >> prisonniers, c'est-à-dire, dix livres dix sols : et si la » même somme n'est pas payée quinze jours après la >> fin de chaque mois, le débiteur est libre. Outre cela, >> le débiteur ne paie aucuns frais; tous retombent sur » le créancier, ainsi que toutes les dépenses occa>>sionnées par des maladies ou la mort de celui qu'il » a privé de sa liberté. » 3

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J'aime à citer ces vieilles mœurs de mon cher pays! de cette France d'alors, si indignement traitée par l'ingratitude de ses réformateurs. Eh bien! ils viennent de lire ! qu'ils me disent si, depuis 54 ans que les choses se passaient ainsi, leur philantropie d'apparat a rien produit de plus humain en faveur des pauvres prisonniers pour dettes ? C'est peut-être la loi du 17 avril 1832! O France France! il n'y a point de gloires, de

Vol. 1er, p. 232.

» Ut suprà, vol. 1er, p. 251. 3 Ut suprà, vol. 1er, p. 366.

vertus, ni de libertés nouvelles, dont les nobles germes n'aient de long-temps fructifié sur ton sol sacré !

En Angleterre, dans le comté d'Hereford, « les » appartemens destinés aux débiteurs d'un certain » rang ont l'avantage d'être spacieux, de même que » leur cour; mais il n'y a point de salle pour les débi»teurs de la classe du peuple! » '

Ainsi, toujours et partout la fortune et le rang traînent après eux l'ancre de leurs priviléges; et le pauvre obscur subit seul toute la rigueur des lois qu'on dit égales pour tous ! et vous aurez beau faire, législateurs philosophes, jamais vous n'obtiendrez des progrès de notre civilisation qu'il en soit autrement. Rêves que tout cela!... si vous n'êtes chrétiens.

Pressons les époques, et voyons ce que nous apprend le docteur Julius dans son précieux livre des Leçons sur les prisons.

« Il arrive le plus souvent en Angleterre que ce genre » de détenus (les débiteurs) ne coûte rien ni à l'État >> ni aux créanciers, et que les frais de leur entretien » sont couverts par les donations faites à leur bénéfice, » ou par le produit des aumônes que les passans dé» posent dans un tronc suspendu aux barreaux des » fenêtres de la prison. >>

Il y a dans ces mots, suivant nous, une bien amère critique de la contrainte par corps! de malheureux débiteurs réduits à cette déchirante adversité !...... Ah! c'est sans doute pourquoi le digne Howard préférait qu'on les confondit aux malfaiteurs, à la douleur

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