J'en agirai de même à l'égard du livre du système pénitentiaire en Europe et aux Etats-Unis d'Amérique, par M. Lucas; bien convaincu, qu'en pareille occurrence, ce philantrope distingué ne verra dans mon opposition sur quelques points de sa doctrine, que ce qu'il y a vraiment, le désir d'imiter son dévouement, et d'apporter, sans aucune espèce d'amour-propre, l'hommage de mon expérience à l'œuvre de régénération que déjà depuis long-temps il n'a cessé de provoquer avec autant de persévérance que de talent. Il est surtout un livre remarquable par le sentiment qui l'a produit, et dans lequel le savoir, la prudence se révèlent et la raison de ses honorables auteurs à chaque page avec une bien touchante et bien rare modestie ! Je puiserai, dans cet excellent ouvrage, dé précieux documens, et n'en écarterai que ce qui me paraîtra peu conforme aux observations particulières qui sont nées pour moi d'une attentive et longue pratique.

Enfin, pour point de départ, je me bornerai à suivre les premières indications de l'illustre Howard, qui, s'il n'entra pas le premier dans la carrière de la philan

d'une idée, qu'on n'a pas par soi-même une autorité suffisante pour faire adopter: c'est d'après ce principe que les miennes seront établies, et je les puiserai partout où elles me paraîtront venir corroborer mon opinion, sans acception des temps ni des auteurs. Il faut bien citer aussi le texte des opinions qu'on croit devoir combattre; c'est un devoir de conscience.

Du reste, l'ouvrage que je soumets au jugement du public, n'est pas une œuvre littéraire, une bonne fortune de cabinet de lecture: c'est, je me hâte de le dire, un livre ennuyeux et tout au plus bon à consulter. S'il obtient ce succès de la part de quelque philantrope, c'est tout ce que je puis en espérer.

MM. de Beaumont et de Tocqueville.

tropie, n'en devint pas moins son guide le plus sûr, et peut-être même son unique créateur; aussi, pour la postérité, quel nom! ·

Je crois devoir ajouter que je me dispenserai de libeller ces tableaux statistiques et synoptiques des populations comparées des prisons, tant sous le rapport de l'âge, du sexe, de la mortalité, de la nature des délits, du nombre des récidives, que sous celui du plus ou du moins de succès obtenus dans l'amendement des détenus.

Je suis loin, toutefois, d'en contester le mérite et l'utilité: mais ces détails me semblent, à la vérité, plus curieux qu'administratifs; et c'est précisément de la création d'une administration que je veux faire l'objet tout spécial de ce livre.

Je ne craindrai pas même de le dire; peut-être devons-nous le vague où se trouvent en général tous les systèmes de prisons des divers pays qui s'en sont occupés, à la confusion d'idées qui se heurtent dans les ouvrages de leurs philantropes les plus zélés et les plus

renommés.

Où tout était à créer, il me semble qu'ils ont négligé de se donner d'abord un point d'appui ; et que soldats plus intrépides que prudens, ils ont combattu tous les abus à la fois, sans prévoir l'embarras que leur donnerait la victoire.

J'éviterai, si je puis, cette sorte d'intrépidité, au

Je me serais peut-être abstenu de rapporter l'état des prisons du temps d'Howard, si d'une part, je ne voulais traverser en entier toute la période philantropique, et si de l'autre, quelques opinions modernes ne tendaient à nous ramener à ces temps de barbarie; il faut en détourner par le récit de tant d'horreurs et d'inhumanité !

risque d'être accusé de manquement de courage. Car, en cela, toute ma pensée se trouve écrite dans l'épigraphe que j'ai choisie. « Ce n'est point assez d'avoir >> conçu dans son imagination une foule d'admirables » systèmes, l'essentiel est de pouvoir les mettre à » exécution. >>>

Reste maintenant une question grave, profonde dans son principe, incalculable dans ses résultats, et c'est celle-ci: Devra-t-on refondre le système général des lois criminelles en France, pour les faire coïncider avec la réforme générale des prisons?

C'est là ce qu'on appelle un vaste système pénitentiaire. Très-vaste en effet ; et, à ce point que, sans nous ranger au nombre des sceptiques qui ne voient partout que théories, réves de philantropes,

nous osons

avouer que nous ne croyons pas à la possibilité d'une aussi incommensurable combinaison de la nature du crime avec celle du châtiment qui doit lui être infligé.

M'objectera-t-on qu'avec une volonté forte et fermement arrêtée, rien de ce qui est utile et bon ne doit être impossible? J'en conviendrai dans la plupart des choses soumises à l'action directe d'un individu; mais la société, ce mécanisme si impressionnable, où s'agitent en tant de sens divers toutes les sortes d'individualités qui le composent, n'offre pas, à beaucoup près, la même direction et la même uniformité d'intention et d'exécution. La civilisation avance et ne recule pas; car dans cette dernière hypothèse, l'ordre social serait brisé. Mais elle avance avec les vices et les incon

H. Lagarmite. Voyez sa préface de la Traduction des leçons sur ·les Prisons, par le d' H. Julius.

• Ut suprà.

véniens inhérens à sa marche: seulement, et c'est en cela seul qu'elle est civilisation, l'expérience l'accompagne à chaque pas qu'elle fait dans le temps, et lui révèle, à l'aide de son inextinguible flambeau, et les dangers du passé, et les difficultés du présent, et ses conquêtes à venir.

Mais quoi! ne sont-ce donc que de vains enthousiastes que les Howard, les Livingston, les Lucas, les Julius, et tant d'autres entrés dans la même carrière et marchant vers le même but? Oh! non; assurément non! il a fallu pour concevoir leurs œuvres, un noble cœur, un jugement étendu, et plus d'une sorte de courage et de dévouement. Peut-être même, faut-il un peu de tout cela pour les comprendre, s'initier à leurs mystères et s'y associer.

Et en effet, quel homme, quel poète, quel publiciste n'admirent pas l'Apollon du Belvédère, les vierges de Raphaël, les œuvres de Rousseau, bien que l'immense génie des uns et des autres les ait jetés trop souvent par de là les bornes de la nature et du raisonnement?

Mais leurs chefs-d'œuvre demeurent comme une source intarissable de merveilles et de sentimens, où chacun peut venir puiser des inspirations différentes, suivant qu'il est né ou penseur ou poète !

Nous aussi nous nous efforcerons de puiser, dans les écrits des philantropes, tout ce que nous croirons possible d'en appliquer à l'amélioration actuelle de notre système des prisons en France.

En France: car la réforme pénitentiaire fût-elle aussi généralement adoptée en Angleterre, en Suisse et aux États-Unis qu'on veut bien le dire, ce ne serait pas, suivant nous, un titre suffisant à son introduction

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dans notre pays, sans aucune espèce de réserves ou de modifications.

Et cependant, ce que par dessus tout, nous voulons obtenir, c'est que pour nous, comme pour les Américains, ce soit «< une croyance populaire, universelle, » qu'il est au pouvoir et par conséquent du devoir des » gouvernemens de régénérer les condamnés, de les >> rendre à la société à l'époque de leur libération, >> tout autres qu'ils n'en sont sortis à l'époque du >> crime. >> '

C'est qu'en effet, tout cela se conçoit : c'est qu'en effet, tout ce beau système se développe déjà en France, sans que pour cela il lui ait fallu procéder chez elle à la revision générale des lois criminelles : * et qu'on n'a pas assez pesé cette humiliante accusation, lorsqu'on a dit que «< cette France à laquelle on répète tous » les jours qu'elle marche en tête de la civilisation.... » est encore, malgré les perfectionnemens introduits » depuis la paix, l'une des contrées les plus arriérées >> en ce qui concerne le régime des prisons ; >> et que, trompé par cette douloureuse prévention, on s'est écrié : « qu'il est triste de dire du mal de sa >> patrie. >>

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Triste, oh! oui! mais notre France mérite-t-elle ces reproches amers? a-t-elle donc à ce point méconnu

'Des Systèmes pénitentiaires en Europe et aux États-Unis. Conclusion. Page XI.

⚫ Lagarmite, ouvrage cité, préface, page XXV.

Ut Suprà, page XIII.

Ut Suprà.

TOME I.

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