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LE COMTE DE SANSPAIR.

LE MARQUIS D'ARBOIS.

LA COMTESSE, jeune veuve, fille du marquis d'Arbois.

LE COMTE D'ARBOIS, fils du marquis.

JULIE, sœur de Sanspair.

LE BARON DE LA GAROUFFIÈRE, cousin de Sanspair.

LISETTE, femme de chambre de Julie.

GORJU, maître-d'hôtel de Sanspair.

PASQUIN, valet de chambre du comte d'Arbois.

LAFLEUR, laquais de Sanspair.

La scène est à Paris, chez le comte de Sanspair.

COMÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

SANSPAIR, seul, en robe de chambre. HOLA! quelqu'un! Comment! je vois naître l'aurore, Et pas un de mes gens ne se réveille encore! Laquais! Monsieur Gorju! Personne ne répond! Tout dort, et moi je veille! Un silence profond Règne dans ma maison à quatre heures sonnées! Est-ce ainsi qu'à dormir on perd les matinées? Monsieur Gorju! laquais ! J'ai beau faire fracas, On ne s'éveille point, et l'on fait peu de cas D'un maître, dont le cœur trop facile et trop tendre, A la plus foible excuse est tout prêt à se rendre. A la fin, c'en est trop; et contre mon penchant Il faut que je devienne inflexible, méchant, Dur, hautain, querelleur. Oui, changeons de manière; Cachons mon naturel sous une morgue fière;

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C'est l'unique moyen de se faire obéir.
On se rend respectable en se faisant haïr;
Au lieu que la bonté, quand elle est excessive,
Rend l'ame des valets paresseuse et rétive :
Malheur donc au premier qui tombe sous ma main!
Jamais il n'éprouva maître plus inhumain.
Enfin voici Gorju. Commençons.

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Si j'ai pris, tout au plus, deux heures de sommeil. Hier au soir pour minuit j'ai monté mon réveil, Mais plus d'une heure avant il a fait son vacarme.

SANSPAIR.

Tant mieux.

GORJU.

Tant pis, plutôt.

SANSPAIR.

Ah! ce ton-là me charme;

Il vous sied bien, vraiment, lorsque vous avez tort!

GORJU, en souriant.

Je crois que vous grondez?

SANSPAIR.

Oui, je gronde, et bien fort.

GORJU.

Qu'avez-vous donc, Monsieur?

SANSPAIR, fièrement.

GORJU.

Ce n'est pas votre affaire.

On veille jour et nuit pour tâcher de vous plaire.
Je tourmente vos gens, je les tiens toujours prêts.
Tous vos ordres ici sont comme des arrêts
Dont on n'appelle point, et qu'on suit à la lettre,
Tout singuliers qu'ils sont, sans jamais se permettre
De les interpréter, ni tarder un instant:
Et malgré tous nos soins vous êtes mécontent?

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Comment un si bon maître a-t-il changé d'humeur?

Qu'est devenue, ô ciel! sa bonté, sa douceur?

SANSPAIR, durement.

Que dites-vous?

GORJU.

Je dis... Je me parle à moi-même.

SANSPAIR.

De quoi vous parlez-vous?

GORJU.

De ma surprise extrême.

SANSPAIR.

Mais qui peut la causer?

GORJU, attendri.

Le ton que vous prenez;

Il me perce le cœur. Je m'en vais.

SANSPAIR, d'un ton doux.

Quoi! vous n'avez pas tort?

GORJU.

Revenez.

Non, Monsieur, je vous jure.

SANSPAIR.

Vous verrez que c'est moi.

GORJU.

Suivant ma conjecture,

Si vous avez raison, j'ai tort certainement;
Mais, si je n'ai pas tort.... Il faut qu'en ce moment
Quelque souci secret vous trouble et vous alarme;
Car, quand vous vous fâchez, un seul mot vous désarme;
La moindre excuse est bonne. Aujourd'hui vous grondez
Sans vouloir écouter.

SANSPAIR.

Et vous, vous me frondez,

Parce que je suis las d'appeler tout mon monde,
Sans que personne vienne, ou tout au moins réponde.

GORJU.

Je vous jure, d'honneur, qu'on n'a point entendu!

SANSPAIR.

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