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nent, parce qu'ils ont prévenu la foi par les mœurs le nom de chrétien leur manque, mais ils en ont les œuvres. » Le père de Grégoire fut ramené à la vérité par ce qui était un grand instrument de conversion, les vertus de son épouse. L'éloge de Nonne, la mère de Grégoire, se mêle donc naturellement à celui de son père. Grégoire converti fut bientôt admis, telle était sa vertu, au sacerdoce et à l'épiscopat. L'orateur, après avoir peint sa tempérance, son désintéressement, sa prudence, s'arrête avec charme à montrer sa charité : « Qui jamais a témoigné plus de compassion envers les pauvres, partie si méprisée du genre humain et si humain et si peu méprisable? Qui les assista jamais avec une plus généreuse libéralité? Ne se considérant que comme le dépositaire d'un bien qui n'était pas à lui, il les soulageait, autant qu'il le pouvait, dans tous leurs besoins, prenant non-seulement sur son superflu, mais sur son nécessaire; plus satisfait de donner que les autres ne le sont d'amasser. Répandant ses aumônes sans aucune distinction, sans humeur, sans reproches, ce qui souvent vaut mieux que l'aumône même, il aimait mieux étendre ses bienfaits sur l'indigent qui ne les méritait pas, que de s'exposer, par sa réserve et sa défiance, à les refuser à ceux qui les méritent. >>

L'orateur amène, dans cet éloge, la figure de saint Basile qui, nous l'avons vu, assistait à

cette cérémonie funèbre. Il rappelle la part que Grégoire de Nazianze, son père, avait prise à l'élection d'Eusèbe au siége de Césarée. Eusèbe n'occupa pas longtemps ce siége. L'opinion de l'Église désignait Basile pour son successeur :

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Qui eût pu vous oublier, vous, ô homme admirable que les mains de Dieu ont perfectionné; vous qui ne possédez rien en propre, vous le plus savant, le plus éloquent, le plus sage des hommes, mon ami, le compagnon de mes études, de ma vie entière, la moitié de moimême.» Mais ce choix était vivement combattu. Pour le faire triompher, Grégoire, le père, déploya un courage et une activité que l'orateur retrace vivement : « Grégoire, tout accablé qu'il était sous le poids des ans et de la maladie s'arrache de son lit avec l'ardeur d'un jeune homme; il se rend à la ville, ou plutôt il y fait porter son corps expirant et à peine animé d'un faible souffle. Rajeuni par la fatigue même, retrouvant sa première vigueur, il poursuit sa résolution, se prépare au combat, place l'évêque sur le trône épiscopal, et se fait ramener sur un chariot, auparavant son tombeau en quelque sorte, arche sacrée maintenant. >>

Puis, revenant à la fin de son discours à ce qui avait été un des motifs naturels de son exorde, à sa mère, à cette épouse de Grégoire qui l'avait fait chrétien, il lui adresse ces pa

roles « Il ne nous reste plus qu'à porter nos accents funèbres à l'oreille de cette vertueuse Sara, dont les jours ont égalé en durée les jours de son époux. » Il lui montre, dans la spiritualité de notre nature immortelle, croyance du chrétien, la seule consolation qu'elle veuille et puisse recevoir; et enfin, par un de ces sentiments de la nature que la piété chrétienne sait toujours associer aux plus sublimes pensées, il lui rappelle que tout secours et toute joie ne lui manquent pas encore : « N'avez-vous pas toujours votre Isaac, qu'il vous a laissé pour vous tenir lieu de tout. Hélas! quelques faibles services domestiques, voilà tout ce que vous puissiez attendre de mon zèle; je vous en demande, moi, de bien plus importants: votre bénédiction maternelle, le secours de vos prières pour la future délivrance. >>

Cette oraison funèbre présente un grand intérêt. Les plus purs sentiments, les plus tendres souvenirs s'y mêlent dans une touchante harmonie Gorgonie, Nonne, Basile, Césaire, les vertus de la femme et de la sainte à côté de la double image de l'amitié préférée. Ces teintes tristes et douces, habilement fondues, forment un tableau plein de charme. On regrette seulement qu'ici, comme dans toutes ses oraisons funèbres, comme dans tous ses discours, Grégoire manque quelquefois de sobriété : en la

trop prolongeant, il affaiblit l'émotion; l'esprit et l'imagination ne couvrent pas, il est vrai, la douleur, mais s'y mêlent plus qu'on ne voudrait: il paraît recherché, alors même qu'il est naturel. Malgré ces défauts, Grégoire a créé l'oraison funèbre, et ouvert à Bossuet la voic où il marchera avec tant de gloire.

Tel est Grégoire de Nazianze: orateur brillant et pathétique, doué d'une douce et profonde sensibilité; homme de solitude et de paix, jeté malgré lui dans des controverses religieuses et les honneurs épiscopaux; meilleur solitaire peutêtre que grand évêque, mais toujours admirable

orateur.

CHAPITRE XIII.

SAINT BASILE.

Lorsque Grégoire étudiait aux écoles d'Athènes, n'y cherchant que la science, il y rencontra le bonheur. « Le ciel, dit- il, m'avait accordé une faveur bien précieuse : il m'avait donné pour ami, le plus sage, le plus respectable, le plus savant des hommes. Qui donc, me dira-t-on? Un mot le fera connaître : Basile, ce Basile qui a rendu de si grands services à tout son siècle. » Basile, nous le connaissons déjà; c'est cet ami qui consacra Grégoire au sacerdoce et auquel il demandait des conseils sur la manière de conduire le troupeau qui lui était confié.

Basile trouva, au sein de sa famille, des maitres et des modèles, des leçons vivantes de science et de vertu. Les soins de son père développèrent les heureux germes de son intelligence; les conseils de sa mère, les dons naturels de son âme. Riche de ce double fonds de connaissances et de sagesse, il se rendit à Césarée pour s'y perfectionner dans les études

que

l'on

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