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tique, dans les discussions les plus profondes de la théologie, il ne s'y égare jamais. L'Église grecque aura de plus brillants orateurs, elle ne compte point de défenseur plus habile de la foi, de docteur plus animé, plus net et plus précis. Argumentation vive, pressante, nerveuse; rapidité de mouvements, vigueur de raisonnement, adresse à saisir le vrai point de la question, promptitude à la résoudre, concision sans sécheresse, profondeur sans obscurité, la sobriété enfin dans l'abondance, la force en tout et la mesure, telles sont les qualités d'Athanase; un de ces hommes en qui, selon la belle expression de Grégoire de Nazianze, « la Providence prend de loin la mesure de ses grands ouvrages. »> L'œuvre d'Athanase, la défaite de l'arianisme, est un de ces grands ouvrages de la Providence : cette défaite a plus fait pour le christianisme que la conversion de Constantin le vrai Constantin, ce fut Athanase,

:

Le génie différent de la Grèce et de Rome se marque bien dans Athanase et dans saint Hilaire. Semblables tous deux dans leur invincible attachement à la foi de Nicée, ils attaquent l'arianisme avec des armes bien différentes. Athanase se prête, pour la mieux réfuter, à toutes les subtilités où l'hérésie veut le conduire. Hilaire n'y cède point. Il lui oppose l'Évangile et la tradition: il affirme, et ne discute pas. D'un courage

égal pour lutter contre la puissance temporelle, Hilaire avec plus de fermeté simple, Athanase avec une plus habile hardiesse, ils accomplissent l'un et l'autre, avec le même bonheur pour l'Église, sur un théâtre différent, une tâche également périlleuse et délicate. Athanase est le guide de l'Orient: Hilaire, le chef de l'Occident. « Ces deux évêques, dit Bossuet, furent égaux en gloire comme ils l'étaient en courage. »>

CHAPITRE X.

LE NÉO-PLATONISME.

L'arianisme n'était pas le seul danger de l'Église. Voisin de l'arianisme, et né comme lui au sein d'Alexandrie, le néo-platonisme lui était un autre et redoutable ennemi.

Le syncrétisme n'avait pas duré longtemps; on s'était coalisé, on se tria; il y avait eu mélange, il y eut éclectisme : l'éclectisme c'est, à proprement parler, le néo-platonisme. Le néoplatonisme eut deux causes: d'abord le besoin de choisir et de se décider entre tant de systèmes différents et contradictoires, de se prononcer entre Pythagore et Platon, entre la Grèce et l'Orient; puis, et surtout, la disposition générale des esprits. Si, en effet, à ses débuts, le néo-platonisme fut une philosophie, il devait être plus tard une religion.

A partir du Ie siècle, le spectacle et les fables des cérémonies païennes ne purent plus suffire au besoin des âmes; les esprits élevés s'en étaient détachés. En même temps que le christianisme travaillait à la réforme du monde et

montrait aux hommes une route et des destinées meilleures, la philosophie de son côté, soit par la secrète influence de la vertu évangé lique, soit par une vive et spontanée inspiration, la philosophie cherchait des voies nouvelles. Les écoles anciennes, le Lycée, le Portique, l'Académie, étaient à peu près abandonnées; elles se perdaient dans une école nouvelle, tout illuminée des clartés mystérieuses de l'Orient, l'école d'Alexandrie. Les philosophes alexandrins ou néo-platoniciens sont à leur début, qu'ils le déclarent déjà ou qu'ils le cachent, les ennemis les plus redoutables du christianisme : entre le christianisme et eux il y a une lutte opiniâtre, une rivalité ardente. Toutefois avant le n° siècle, avant Porphyre, cette guerre n'éclate point. Plotin ne nomme pas, ou plutôt il affecte de ne pas nommer les chrétiens; il ne les touche que dans ce qui n'est pas eux, dans ce qu'ils condamnent et repoussent, les gnostiques. Avant lui, un autre néo-platonicien, Amelius, leur accorde, accorde à Jean d'avoir entrevu le Verbe platonicien. Mais cette ignorance, ou cette indifférence affectée pour le christianisme cesse avec Porphyre Porphyre se porte hautement et directement l'ennemi des chrétiens. Cette inimitié éclata de deux manières et par des attaques directes et par d'indirectes pratiques. Porphyre composa contre la religion nouvelle un ouvrage

en quinze livres; cet ouvrage fut brûlé par les ordres de Constantin, mais Eusèbe nous en a conservé quelques débris. Porphyre, on peut encore le reconnaître, y reprenait, en les développant, les objections de Celse; il y ajoutait de nouvelles accusations et plus vives et plus précises. C'étaient là les attaques directes. Il y en avait d'autres qui, pour être plus détournées, n'étaient ni moins habiles, ni moins dangereuses. Reproduire, rassembler contre le christianisme les contradictions que Celse avait prétendu tirer soit des juifs contre les chrétiens, soit des dogmes chrétiens en eux-mêmes, c'était là un artifice impuissant. Le besoin des âmes démentait ces attaques sceptiques et protestait, même au sein du paganisme, en faveur de doctrines plus consolantes. Le monde allait à l'extase et au mysticisme; Plotin, qui s'en était longtemps défendu, avait fini par y tomber, et Porphyre y était entré pleinement. Aussi les néo-platoniciens s'occupèrent-ils moins encore à ruiner la doctrine chrétienne, qu'à formuler, à élever auprès d'elle et en rivalité une doctrine qui suffit au besoin des âmes, à cette soif de merveilleux qui les dévorait, à cette ardeur d'expiation et de réformes morales qui les tourmentait. De là dans le néo-platonisme deux tendances bien différentes l'une de purification toute spirituelle, l'autre de pratiques théurgiques. La doc

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