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promontoires et entourés de montagnes; mais le dernier a en longueur un mille de plus que l'autre; ses contours ont plus de grâce, et quoiqu'il soit moins orné de bois, cette différence est plus que rachetée par un plus grand nombre, et de plus beaux rochers. La plupart de ces rochers, brisés en grandes masses carrées, sont très-beaux; et comme nous l'avons observé,* d'une nature plus pittoresque que ceux divisés en petites parties.

que'

Ces scènes de rochers sont jointes à un terrain coupé, dont les petites prairies, qui bordent le lac, augmentent encore la variété. Il ne manque qu'un peu plus de bois, pour rendre ce lac et la vallée où il se trouve, une scène délicieuse, ou plutôt une succession de scènes enchantées; car les côteaux étant dans une proportion convenable avec les montagnes qui environnent la vallée, la brisent et la divisent en petites parties tout-à-fait pittoresques

Peu loin de ce lac, s'élève le mont Grasmer, le plus haut de tous ceux du voisinage. Nous avons déjà parlé d'un lac de ce nom, qui se trouve entre Ambleside et Keswick; mais

* Voyez page 112. Vol. I.

il n'y a aucun rapport entre le lac et la montagne du même nom.

Cette montagne forme plutôt une vaste chaîne, qu'un sommet pointu: elle est jointe avec deux ou trois autres montagnes de moindre importance. On prétend On prétend qu'elle égale en hauteur celle de Skiddaw, qui passe pour la plus élevée de tout le pays, et qui sert pour cela d'objet de comparaison.

Grasmer et les montagnes voisines forment, depuis le côté oriental de la vallée que nous venions de traverser, une autre vallée de cinq milles au moins de longueur, et de plus d'un mille de largeur. Notre chemin nous conduisit au village de Brackenthwait, situé au pied du mont Grasmer.

On nous fit dans ce village le récit d'une inondation, occasionnée par la chute d'une trombe. Les particularités de cet événement offrent un détail curieux: elles sont authentiques. Dans l'endroit où le mont Grasmer se joint aux autres parties élevées du voisinage, trois ruisseaux prennent leurs sources. Le plus considérable d'entr'eux est le Lissa, dont le cours se dirige au pied de la montagne, d'une manière très-rapide, pendant l'espace d'un mille: son lit et les côtés de la montagne à

droite et à gauche, sont couverts d'une grande quantité de pierres et de gravier. En quittant la montagne, le Lissa partage en deux la vallée que forme le mont Grasmer, et va se jeter dans le Cocker, après une course de quatre ou cinq milles.

Le

9 Septembre 1760 vers minuit, la trombe creva sur le mont Grasmer, auprès de l'endroit, comme on le suppose, où les trois ruisseaux prennent leurs sources.

Après avoir balayé tout le côté de la montagne, et s'être chargée de tout ce qui pouvait s'en détacher, la masse d'eau prit son cours dans la vallée, en suivant particulièrement la direction du Lissa. Une terre de labour, au pied de la montagne, éprouva sa première furie; l'eau y déracina les arbres, emporta le sol à la profondeur de plusieurs pieds, jusqu'au roc vif, et couvrit les dix arpens les plus voisins, d'une couche de pierres si prodigieuse, qu'il n'a pas été possible depuis de les rétablir dans leur premier état.

Nous trouvâmes encore des traces visibles de cette scène de désolation, quoiqu'elle se fût passée douze années auparavant. On voyait distinctement sur les bords du Lissa (dont le lit naturel est celui d'un ruisseau resserré) les

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traces d'un canal pierreux, presque suffisant pour contenir les eaux du Rhin ou du Danube. D'après les marques que ce torrent a laissées, il doit avoir eu quinze ou dix-huit pieds de hauteur, et près de trois cents de largeur. Si l'on ajoute au poids de cette masse d'eau, la vélocité de sa course, on ne trouvera aucun effet au-dessus de sa force.

Nous vimes sur les bords de ce canal pierreux, quelques maisons faisant partie du village de Brackenthwait, qui échappèrent à la destruction d'une manière fort heureuse. Construites sur une petite hauteur au pied du Grasmer, le torrent, qui prit sa première direction de ce côté, les eût infailliblement emportées dans un moment, si l'intérieur de cette hauteur n'eût été un rocher couvert de terre, et dont l'architecte de ces maisons avait probablement ignoré l'existence. Sa résistance forçant les eaux à prendre un autre cours, sauva les habitans avec leurs maisons; car la rapidité du ravage ne leur eût pas donné le tems de fuir.

En avançant dans la vallée, nous rencontrâmes d'autres traces de la furie de cette inondation; tels que des ponts emportés, des maisons renversées et des arbres déracinés; mais ce qui nous parut le plus surprenant, fut son

effet sur une chaussée de pierre d'une grande épaisseur, et soutenue de chaque côté par d'énormes levées de terre. Depuis plus de cent ans, on n'y avait remarqué aucune altération; l'union et la solidité de ses parties, semblaient annoncer qu'elle existait depuis nombre de siècles, et lui donnaient l'apparence d'un ouvrage de la nature, plutôt que de l'art. Non-seulement le torrent emporta cette énorme masse; mais comme s'il eût voulu en faire un jeu, il établit son lit sur ses fondemens mêmes.

Après avoir fait d'affreux ravages, non-seulement là, mais dans plusieurs autres endroits, le torrent fut jeter ses eaux dans le Cocker, où finirent ses dévastations; car quoique le lit du Cocker soit incapable de contenir une aussi immense augmentation d'eau; comme il coule sur un terrain plus uni, le torrent s'étendit et se changea en une inondation stagnante.

Après avoir traversé la vallée de Butermer, nous entrâmes dans celle de Lorton, scène également belle.

Nous trouvâmes dans cette vallée, comme dans toutes les autres, un paysage entièrement nouveau. Tout y est tranquillité, repos, et

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