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En France, les localités où se sont principalement concentrés les dépôts d'âge primaire sont au pied des massifs granitiques de la Bretagne, des Vosges, des Alpes, des Pyrénées. Les mêmes formations entourent aussi cette crête de porphyre et de granit qui est comme le cœur de la France, et que les géographes nomment le plateau Central. Dans le Royaume-Uni, on trouve la partie inférieure de la formation dans les comtés métallifères du Cornouailles et du Devon, dans le pays de Galles, en Écosse, en Irlande. La partie supérieure, le terrain houiller, existe à son tour dans tous les districts carbonifères des trois royaumes, dans les pays Noirs, comme les nomment les Anglais. On connaît les forêts souterraines du Staffordshire et de Newcastle. Par une étrange prodigalité de la nature, le fer y est mêlé au charbon. L'exploitation de ces richesses naturelles a imprimé un cachet spécial aux habitudes des populations : c'est là qu'on trouve aujourd'hui les plus habiles houilleurs et les meilleurs forgerons.

La Belgique repose presque entièrement sur les formations primaires, et a été favorisée, comme

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que

l'Angleterre sa voisine, dans la distribution des substances minérales les plus appréciées : la houille et le fer. En Allemagne, les formations qui nous occupent existent notamment dans le Harz sillonnent les métaux, et où surgit le Brocken, hanté par les sorcières, et dans l'Erzgebirge ou montagne des Mines, qui sépare la Saxe de la Bohême. La Suède et la Norwége ont apparu avec presque tous leurs contours actuels dès le premier âge du globe. Une partie de l'Espagne émergeait également au-dessus des eaux dans cette période.

Dans l'Amérique du Nord, toute la chaîne des Alleghanys, autour de laquelle s'étendent les gîtes houillers les plus vastes et les plus féconds que l'on connaisse, et la Sierra-Nevada de Californie, dont le flanc occidental recèle l'or et le flanc oriental l'argent en masses si considérables, sont en partie d'âge primitif. Peut-être aussi peut-on en dire autant des sierras argentifères du Mexique et de l'Amérique centrale. Dans l'Amérique du Sud, les Andes mettront encore longtemps à paraître; mais déjà, dans le Brésil, se montrent quelques

unes des chaînes porphyriques où se cachent l'or, le diamant et la topaze.

Les formations de sédiment primaires, et les roches éruptives qui les ont soulevées et métamorphosées, ont imprimé aux pays dont elles forment le relief un cachet particulier. L'âpreté, l'acuité des contours des masses granitiques et porphyriques, la teinte sombre, l'allure tourmentée des strates, plusieurs fois repliées sur elles-mêmes, donnent au paysage un ton de sauvage énergie. L'agriculture emprunte naturellement aux roches qui l'environnent son caractère principal. Ces pays de grès, de silice, ne sont propices qu'au châtaignier; le blé y pousse à peine, le sarrasin y est seul cultivé. Quand les amendements ne sont pas venus modifier le sol, ce sont à peu près les seuls produits que les efforts de l'homme puissent demander à la terre.

Mais là ne se borne pas l'influence du milieu géologique; elle se reflète jusque dans l'histoire des pays, jusque sur la population elle-même. C'est sur ces cimes abruptes qu'ont été édifiés la plupart des anciens châteaux

aux sombres légendes; c'est à travers ces cols étroits, déchiquetés, qu'a eu lieu jadis plus d'un combat fameux, les Thermopyles ou Ron- ́

cevaux.

En France, la Bretagne, cette terre de granit, de quartz et d'ardoise, comme l'appelle Michelet, résiste avec une énergie opiniâtre a son annexion à la couronne, et une fois soumise, elle garde invariable la fidélité qu'elle a jurée à ses nouveaux rois. Dans les îles Britanniques, les Cornouaillais, les Gallois, les Irlandais et les Écossais, tous de race autochthone ou gaëlique, opposent à l'envahissement anglo-saxon une résistance qui, pour quelques-uns, dure encore. En Espagne, le Galicien, l'Asturien, le Basque, l'Aragonais, doivent à la rudesse de leurs montagnes quelques-uns de leurs traits distinctifs. C'est des Asturies que sort Pélage, c'est de là que part le premier effort de résistance contre le More envahisseur. La Corse, la Sardaigne, que les Romains ne soumirent jamais qu'incomplétement, et dont les habitants des montagnes sont encore rebelles à toute discipline, nous présentent des phénomènes analogues. Curieuse

relation que celle qui unit l'homme à la pierre, l'aspect et le caractère d'un pays aux traits principaux de son histoire et aux mœurs des populations! Ces faits ne sont pas isolés, et encore moins paradoxaux; on les retrouve jusque dans les habitations, mornes, tristes, sombres, dans les pays d'âge primitif, où les schistes, l'ardoise, les grès jaunâtres, les calcaires noirs et les granits sont les uniques matériaux que l'architecte ait à sa disposition. En France, Rive-deGier, Saint-Chamond, Saint-Étienne, toutes les villes des départements houillers sont bâties avec des matériaux de formations primaires, et l'aspect de ces villes emprunte à ces roches un certain air de tristesse. L'influence des milieux est donc incontestable en histoire, en ethnologie et dans les arts. Si les Égyptiens n'avaient pas eu à leur disposition le granit du haut Nil, ils ne nous auraient pas laissé leurs indestructibles monuments. Partout on peut faire les mêmes observations, et tel philosophe va même jusqu'à faire dépendre des milieux le caractère littéraire d'un pays. Sans être aussi absolu, nous accorderons à ceux-ci une in

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