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Prononcé le 26 mars 1763, par M. l'Abbé DE RADONVILLIERS, lorsqu'il fut reçu à la place de M. de Marivaux.

MESSIEURS,

Le prix de vos suffrages justifie l'empressement à les solliciter. Le jugement favorable d'un tribunal si éclairé flatte l'amour propre, le commerce avec des gens de lettres d'un mérite si distingué satisfait le goût, et l'immortalité attachée à votre Compagnie remplit les désirs les plus ambitieux.

L'Académie Françoise, pour l'honneur de cet Empire, sera immortelle comme lui. De siècle en siècle elle rassemblera dans son sein les amateurs choisis de la littérature, et leur mémoire se conservera éternellement dans ses Fastes.

J'ouvre ce trésor dé noms illustres, brillant dépôt de la gloire de tous les âges. A mes yeux s'offre d'abord le nom de Richelieu votre fondateur; Richelieu, digne, s'il

étoit possible, d'une double immortalité, et par ses actions, et par l'établissement de votre Compagnie. Il prévit que vous porteriez bientôt au plus haut degré de perfection la Langue Françoise, et les productions de l'esprit auxquelles elle seroit employée, et sans doute il fut flatté de l'honneur qui devoit lui en revenir: mais s'il eût pu prévoir que, dans la place qu'il occupoit parmi vous, il étoit le prédécesseur du fils de son maître, pensez-vous, MESSIEURS, qu'il eût été moins touché d'une distinction si écla tante?

Un rapport plus glorieux réunit vos deux protecteurs. Le cardinal de Richelieu a pré paré le règne de Louis XIV: Louis XIV a exécuté les plans de Richelieu. Si le ministère de Richelieu n'avoit pas précédé, le règne de Louis auroit été moins fécond en prodiges; si le règne de Louis n'avoit pas. suivi, on ignoreroit la justesse et la profon deurs de vues de Richelieu. La gloire de l'un est nécessaire à la gloire de l'autre; et le cardinal de Richelieu sera toujours, entre les ministres, ce que Louis XIV est entre les rois.

J'ai

J'ai troublé l'ordre des temps; mais ne craignez pas, MESSIEURS, que je passe sous silence votre second protecteur. Je ne suis point ingrat, et je lui ai plus d'obligation qu'aucun de vous; s'il est vrai, comme j'ai cru l'apercevoir dans votre histoire, que son exemple a affermi la loi de l'égalité qui s'observe dans cette compagnie.

Séguier, chancelier de France, oublioit dans vos assemblées qu'il eût un autre titre que celui d'homme de lettres, et même il s'offensoit que ses confrères parussent s'en souvenir.

Ainsi il formoit à l'égalité les mœurs de l'Académie naissante, et les mœurs ont sur les lois une influence secrète, mais efficace. Si les mœurs n'affermissent pas les lois, elles les renversent tôt ou tard.

O déesse du siècle d'or! aimable Egalité, on ne vous trouve plus que dans ce Sanctuaire. Le monde vous a bannie, lạ philosophie vous regrette; l'Académie vous a rappelée, et vous fait régner sur elle. La pompe qui accompagne les dignités et les richesses, reste au dehors, et amuse les yeux du vulgaire; l'homme seul entre ici,

et il n'y ap

porte avec lui que le mérite inséparable de

sa personne.

Combien de titres votre Directeur (1) a de moins à l'Académie qu'à la cour! mais ceux qui lui restent ici sont les plus flatteurs. Louis XIV établit votre Compagnie dans son palais. Louis XV a fait plus pour elle. Dans l'âge le plus tendre il l'a honorée de sa présence. Vos prédécesseurs ont été les premiers témoins, l'Académie a été le premier objet de la bonté du roi.

Bonté, vertu précieuse dans tous les hommes, vertu adorable dans les rois!

Dans cette Compagnie continuellement occupée du soin de témoigner à son Protecteur sa reconnoissance et son respect, d'autres le célébreront d'une voix plus haute et plus éloquente. Pour moi, que mon état met à portée d'entendre souvent les détails de sa vie privée, je ne vous parlerai que de sa bonté, de l'humanité de son caractère, de la sensibilité de son cœur. Chaque jour, Louis paroît au milieu de son auguste famille. Quel spectacle noble et touchant!

(1) M. le cardinal de Luynes.

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