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GAZETTE DE VERSAILLES.

Du cabinet de Mgr. LE DUC DE Bourgogne.

LE

Le 5 novembre 1758.

E public a été informé des progrès de Mgr. le duc de Bourgogne dans les mathématiques, ce prince ayant tracé lui-même les problêmes de la géométrie-pratique. Depuis ce temps-là il continue à s'appliquer à des choses très-utiles; il a perfectionné un art dont il est l'inventeur, c'est celui de faire de petits bâtons avec du papier roulé. Après s'être exercé quelque temps dans ce nouvel art, le prince a fait enfin un bâton de papier très-dur et très-uni. On croit que ce bâton sera déposé dans les archives de la couronne, pour servir de témoignage aux talens du prince, et à son application aux choses utiles.

On a lieu d'espérer aussi que Mgr. le duc de Bourgogne aimera et protégera les beaux

arts, et principalement l'architecture pour laquelle il témoigne beaucoup de goût, ne dédaignant pas de s'appliquer aux fondemens les plus bas de cet art, et qui pourroient même paroître les plus dégoûtans. Comme il n'a ni chaux ni sable, il compose lui-même dans sa main du mortier avec de la poussière et de la salive. On sent tout ce que les arts peuvent espérer d'un jeune prince qui les aime si passionnément.

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DES ES lapins habitoient une garenne dans laquelle croissoient en abondance le thym et le serpolet. Tous les jours, au lever de l'au. rore, ils sortoient de leurs terriers, et ils alloient en bondissant chercher un déjeûner composé d'herbes parfumées. Dès que leur faim étoit appaisée, ils jouoient ensemble sur le gazon, ils sautoient, ils gambadoient, ils couroient l'un après l'autre, et ne son

geoient qu'à s'amuser, jusqu'à ce que la cha leur leur donnât envie de dormir, ou bien que l'exercice réveillât leur appétit. Cependant un vieux lapin qui avoit échappé aux chiens et aux chasseurs cent fois en sa vie, voyoit cette jeunesse folâtre, et il branloit la tête sans rien dire. On s'en aperçut, et tous les lapins s'assemblèrent autour de lui pour savoir ce qu'il pensoit de leurs jeux. Mes enfans, leur dit-il, vous êtes jeunes, et vous ne prévoyez pas tous les malheurs qui menacent votre vie un jour le chasseur viendra et vous atteindra de loin avec un plomb meurtrier; les furets vous suivront jusque dans le fond de vos retraites; à quoi vous serviront alors vos sauts et vos gambades? apprenez de bonne heure à distinguer les pas de l'homme, notre ennemi, à connoître le fusil dont ses mains sont armées, à vous garder des espèces de chiens qui nous haïssent; voilà les connoissances qui vous seront utiles et que l'amour du jeu ne devroit pas vous faire négliger. Tous les jeunes lapins se moquèrent du vieux raisonneur; ils le laissèrent là, et se remirent à jouer sans s'embarrasser de l'avenir. Mais un jour le

chasseur arriva avec le fusil, les chiens, et tous les lapins furent pris les uns après les

autres.

La jeunesse qui ne songe qu'à badiner, ne pourra pas éviter les dangers auxquels elle sera exposée dans le cours de la vie.

LE CHAMEAU, LE SINGE ET LE CHIEN.

CONTE.

Il y avoit une fois un roi qui avoit trois

fils; ils étoient déjà grands, et le roi, leur père, pensoit à en choisir un pour son successeur. Ce roi aimoit beaucoup son peuple. et en étoit aussi beaucoup aimé. Son royaume n'étoit pas héréditaire, et il dépendoit du roi de choisir entre ses enfans celui qu'il préféroit pour lui succéder. Il auroit bien voulu connoître à fond le caractère de ses trois enfans; mais tous les trois témoignoient, en présence du roi leur père, le même respect pour lui et le même désir de rendre les peuples heureux. Il s'avisa d'un stratagême pour décou

vrir leurs véritables inclinations. Il avoit une belle ménagerie, dans laquelle il nourrissoit des animaux de toute espèce. Ses enfans alloient souvent les voir et s'en amuser. Or, il leur dit un jour : « Mes enfans, je veux vous faire un présent qui soit de votre goût; vous allez souvent à ma ménagerie, demandez-moi l'animal qui vous plaît davantage, et je vous le donnerai. Mon père, dit l'aîné, il y a un chien que j'aime bien; dès que j'arrive il vient me caresser, il devine tout ce que

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désire, et fait tous les tours qu'il sait devoir me plaire. Mon fils, dit le roi, je vous le donne, et cependant je vous avertis de vous défier des flatteurs qui seront souples à toutes vos volontés. Et moi, mon père dit le second prince, j'aime un singe plus que tous les autres animaux; il fait des grimaces et des tours de passe passe qui me font rire à gorge déployée : il a le talent de m'amuser plus que tout le reste de la ménagerie. Eh bien! mon fils, dit le roi, je vous le donne, mais je vous avertis que ceux qui n'ont d'autre mérite que celui d'amuser leur maître, ne sont pas les plus estimables ». Enfin le troisième prince dit : « Mon père, j'ai vu

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