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Je t'ai vu...mais, hélas! cet heureux temps n'est plus,

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Et pour le rappeler mes vœux sont superflus.

Tu languis à présent, et ta vertu passée,

Pour surcroît de tourmens, se peint à ma pensée.
Ah! mon cher Alexis!... » Lycidas à ces mots
Tombe comme accablé sous le poids de ses maux.
Diane sort du bois : autour de la déesse

De nymphes pour lui plaire une troupe s'empresse:
L'une tient un carquois et l'autre aiguise un dard;
Lycidas jette à peine un languissant regard,
La chasse dans son cœur redouble les alarmes;
Diane s'attendrit et veut sécher ses larmes.
« Tu pleures, Alexis, lui dit-elle! Berger,
J'ai pitié de tes maux, je veux les soulager.
Nos bois depuis un temps par leur morne silence,
Du chasseur Alexis m'annonçoient trop l'absence.
Un mouvement secret m'alarma sur ses jónrs,
La frayeur me saisit, je vole à son secours.
Je franchis les forêts, leur vaste solitude
Nourrissoit de mon cœur la vive inquiétude;
J'aperçois le hameau, tout m'y paroît heureux,
J'y vois régner encore et les ris et les jeux.
Sur la foi d'Eucharis cette épouse fidèle,
Chacun vivoit tranquille, assuré de son zèle.j
Il est plus d'un berger, dont l'amour généreux,
Brûloit de s'exposer au venin dangereux...
Pour employer leurs bras, Eucharis son épouse
De servir Alexis fut toujours trop jalouse."
Un chaste et tendre amour, par les mains d'Eucharis,
S'étoit chargé du soin de guérir Alexis.

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Ce médecin habile a vaincu tout obstacle;
Alexis vit, lui seul a produit re miracle ».
A ces mots Lycidas oublia ses douleurs,

La joie orna son teint des plus vives couleurs ;
Ses dociles moutons, au son de la musette,

Se rangèrent en foule autour de sa houlette;

Ils sembloient par leurs bonds vouloir tous partager
Le plaisir qui brilloit dans les yeux du berger.
Cent fois il célébra sur ses pipeaux champêtres,
Et cent fois il grava sur l'écorce des hêtres
Ces deux noms joints ensemble, Alexis, Eucharis.
Les Bergers d'alentour du même zèle épris,
Vinrent par leurs chansons prendre part à la fête ;
Les bergères de fleurs couronnèrent leur tête:
Leurs airs reconnoissans célèbrent chaque jour
Le Dieu qui leur rendit l'objet de leur amour.
Que leur tendresse, ô ciel! ne soit jamais atteinte
Pour l'aimable Alexis d'une pareille crainte!

De Radonvilliers J.

POUR LA PREMIÈRE ÉDUCATION

DES PRINCES.

LA CARPE DU CANAL.

FABLE.

Je me promenois sur le bord du canal; j'ai

été surpris de voir une grosse carpe mettre la tête hors de l'eau, me regarder fixement, et me témoigner par le mouvement de ses yeux, qu'elle avoit envie de me parler. Je me suis approché de cette carpe, et elle m'a demandé si je n'étois pas attaché au jeune Prince qu'elle avoit vu quelques jours avant voguer sur le canal. Je lui ai répondu qu'oui, et alors elle m'a prié de lui apprendre de ses nouvelles. « Nous nous étions assemblées m'a-t-elle dit, pour le voir, et nous avons été charmées de son adresse; nous voudrions

savoir si les qualités de l'esprit qu'on ne voit point, répondent à celles du corps que l'on voit»; moi qui ne voulois apprendre aux poissons que ce qui est honorable au Prince: « Carpe, ai-je répondu, il a beaucoup de facilité à apprendre tout ce qu'il veut. Quant à l'application et à la raison, je vous répondrai dans quelque temps ».

GAZETTE DE VERSAILLES.

Du cabinet de Mgr. LE DUC De Bourgogne.

Le 19 octobre 1758.

Le service de Mgr. le duc de Bourgogne

continue à se faire très-exactement, tant par les officiers du roi qui le servent par quartier, que par les officiers ordinaires qui lui sont spécialement attachés. Cependant il y a eu ce matin entr'eux une difficulté dont on ignore qu'elle pourra être l'issue. Il s'agit de savoir, lorsque Monseigneur a quelque lecture à faire, à qui appartient le droit de

lui tenir le livre devant les yeux et de fourner les feuillets. Tous les officiers se disputent cette honorable fonction. On a demandé au grand-maître des cérémonies quel étoit l'usage; il a cherché dans ses registres, et il a trouvé ce qui suit: Lorsque le roi lit, ce sont les mains les plus nobles du royaume qui tiennent le livre et qui tournent le feuillet. On a trouvé la même décision pour le service de Mgr. le dauphin. Le rapport en a été fait à Mgr, le duc de Bourgogne, qui y a beaucoup réfléchi. On croit que ce jeune prince ne sollicitera plus la création d'un officier pour tenir son livre et tourner le feuillet; et même le bruit court qu'il a eu le courage d'employer une de ses mains pour tenir un livre ouvert sur son pupitre, et qu'il en a lui-même tourné un feuillet à moitié, sans avoir appelé personne pour l'aider. Mais cette nouvelle n'est pas encore certaine. On a pris des mesures pour en être informé, et l'on en rendra compte au public dans la prochaine Gazette.

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