Page images
PDF
EPUB

Le chaume devient or, et le vieux tronc, colonne;
Le frêle enduit, un mur que le jaspe environne.

Le seuil est parqueté de marbre de Paros,
Et la porte d'airain s'ouvre à battans égaux.
La voûte resplendit : leur cabane est un temple.
Le ciel de leurs vertus veut consacrer l'exemple.
O vous,
dit Jupiter, sage vieillard, et vous,
Femme digne en effet d'un si pieux époux,
Parlez, quels sont vos vœux? je veux les satisfaire.
Un moment à l'écart le vieux couple confère.
Souffrez, dit le vieillard, que deux humbles mortels
Aspirent à l'honneur de servir vos autels;

Et faites que leurs jours qu'un long destin rassemble,
Toujours ensemble unis, se terminent ensemble:
Philémon sur Baucis n'aurait pas à pleurer,
Ni Baucis la douleur de le voir expirer.

Leurs vœux sont exaucés; et tant qu'ils respirèrent,
Prêtres du nouveau temple, à son culte ils veillèrent.
Un jour que, chargés d'ans, Philémon et Baucis
Racontaient cette histoire, auprès du temple assis
Baucis voit Philémon se couvrir de feuillage;
Philémon voit Baucis se revêtir d'ombrage.
L'écorce qui tous deux les embrasse à-la-fois,
Déjà presse leur langue et leur glace la voix.
Tant qu'ils peuvent parler, ils parlent, se répondent;
Et dans un même adieu, leurs adieux se confondent;

Ora frutex. Ostendit adhuc Tyaneïus' illic

Incola de gemino vicinos corpore truncos.

Hæc mihi non vani, neque erat cur fallere vellent,
Narravêre senes : equidem pendentia vidi
Serta super ramos; ponensque recentia, dixi,
Cura pii Dis sunt, et, qui coluêre, coluntur.

XVI. Variæ Protei formæ.

DESIERAT cunctosque et res et moverat auctor, Thesea præcipuè: quem facta audire volentem Mira Deûm, nixus cubito Calydonius amnis Talibus alloquitur. Sunt, ô! fortissime, quorum Forma semel mota est, et in hoc renovamine mansit: Sunt, quibus in plures jus est transire figuras : Ut tibi, complexi terram maris incola, Proteu. Nam modò te juvenem, modò te vidêre leonem: Nunc violentus aper, nunc, quem tetigisse timerent, Anguis eras: modò te faciebant cornua taurum. Sæpe lapis poteras, arbor quoque sæpe videri. Interdum, faciem liquidarum imitatus aquarum, Flumen eras interdum undis contrarius ignis.

1

Tyania regio est contermina Phrygiæ, unde Tyanëius declinari videtur.

2 Parenthesis est causam continens cur senes illi non mentiti fuerint. Vani enim interdùm ponuntur pro falsis et mendacibus, interdùm pro stultis.

Ils sont arbres : le pâtre habitant de ces bords,
Montre les troncs pieux qui renferment leurs corps.
Là, deux sages vieillards, témoins que j'ai dû croire,
Parlant sans intérêt, m'ont conté cette histoire.
J'ai vu sur leurs rameaux les fleurs pendre en festons:
De guirlandes moi-même entrelaçant leurs troncs,
Ciel ! m'écriai-je, heureux le mortel qui t'adore!
Il honore les dieux, et lui-même on l'honore.

XVI. Protée sous diverses formes.

LE discours de Lélex confirmé par ses mœurs, Des convives émus persuade les cœurs.

Chacun d'eux, mais sur-tout le successeur d'Alcide,
Thésée à ces récits prête une oreille avide.
Achéloüs a vu que ce héros pieux

Ecoute avec respect les merveilles des dieux.
Il est des corps, dit-il, qui perdant leur nature,
Conservent à jamais leur nouvelle figure:
Mais à d'autres encor le ciel a quelquefois
Accordé le pouvoir de changer à leur choix.
Tel est au sein des mers le pasteur d'Amphitrite.
Doux berger, il caresse; et lion, il s'irrite;
Impétueux taureau, sanglier ou serpent,
Il mugit, il rugit, siffle et glisse en rampant;
Et tour-à-tour rocher, arbre, flamme, fontaine,
Echappe en cent façons à la vue incertaine.

XVII. Sacrum Cereri lucum violare ausus
Erisichthon à deá plectitur.

NEC minus Autolyci conjux, Erisichthone nata, Juris habet. Pater hujus erat, qui numina Divûm Sperneret, et nullos aris adoleret honores'.

Ille etiam Cereale nemus violasse securi
Dicitur; et lucos ferro temerasse vetustos.

Stabat in his ingens annoso robore quercus,
Una nemus: vittæ mediam, memoresque tabellæ,
Sertaque cingebant, voti argumenta potentis.
Sæpe sub hac Dryades festas duxêre choreas;
Sæpe etiam, manibus nexis ex ordine, trunci
Circuiêre modum mensuraque roboris ulnas
Quinque ter implebat: nec non et cætera tanto
Silva sub hac, silvâ quanto jacet herba sub omni.
Non tamen idcirco ferrum Triopeïus illâ 3
Abstinuit, famulosque jubet succidere sacrum

[ocr errors]

3

Expression élégamment figurée: l'effet est mis pour la cause. Virgile a dit de même :

Aut supplex aris imponat honorem.

Laconisme poétique admirable qui peint à l'esprit en deux mots l'immense grandeur d'un seul arbre. On dirait en prose: Sola nemoris amplitudinem exæquans.

3 Erisichthonis fabula describitur apud Callimachum, qui et patrem Erisichthonis Triopam vocat, filium Neptuni ex Canace.

XVII. Erésicton profane un bois consacré à Cérès. La déesse se venge.

Tu possédais encore un si merveilleux don,
O toi, pour ton malheur, fille d'Erésicton!
Ce fut lui qui des dieux ennemi téméraire,
Refusait de leur rendre un culte tributaire.
C'est lui qui, profanant un bois cher à Cérès
En osa violer les antiques forêts,

Et sur des troncs sacrés porter un fer coupable.

Là, s'élevait un chêne antique et vénérable. Seul à son ombre immense on l'eût pris pour un bois. On voyait sur son tronc appendus à-la-fois, Des devises, des vers, des dons et des guirlandes, De la religion innombrables offrandes. On avait vu cent fois, au son des chalumeaux, Les Dryades en choeur danser sous ses rameaux. Quelquefois de leurs mains entrelaçant la chaîne, Elles formaient un cercle, et ce long cercle à peine De ses flancs spacieux embrassait le contour. Roi des forêts, autant les arbres d'alentour S'élevaient au-dessus de la tige des herbes, Autant ils s'abaissaient sous ses rameaux superbes. Les ans l'ont respecté : le fils de Triopas Ordonne que le fer ne le respecte pas.

« PreviousContinue »