Don rare et précieux, que Midas rendra vain.
Il veut que tout en or se change sous sa main.
Le dieu lui donne un bien d'un si funeste usage,
Fâché que son souhait n'ait pas été plus sage.
Midas se réjouit d'un nuisible bienfait,
Y croit à peine, et veut en éprouver l'effet.
Il détache une branche; et sa tige et sa feuille
Se jaunit d'un or pur dans la main qui la cueille.
S'il ramasse une pierre, il ramasse un trésor,
Et la glèbe qu'il touche est une glèbe d'or.
Il change en gerbe d'or l'épi des champs arides;
La pomme est en ses mains un fruit des Hespérides.
Aux battans d'une porte applique-t-il ses doigts?
L'or pur en longs reflets rayonne sur le bois.
Si d'une eau qu'on épand sa main est arrosée,
On voit autour de lui l'or pleuvoir en rosée.
De ses vœux insensés rien n'arrête l'essor:
Déjà dans sa pensée il change tout en or.
Tandis qu'il s'applaudit d'un don peu desirable,
Des mets les plus exquis on a chargé sa table.
Sa main change en métal les présens de Cérès.
C'est en vain qu'il s'apprête à savourer les mets.
Sa dent qui se fatigue écrase un or solide;
Sur ses lèvres le vin ruisselle en or fluide:
Détrompé d'un bonheur qui le rend malheureux,
Il maudit sa richesse, et condamne ses vœux.