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il convient au caractère de Mathan et à la situation d'Atha

lie: c'est assez.

II. Page 125.

Je n'exagère point: en ce moment, je crois

Qu'un mont sur moi tombé m'accable de son poids.

Bel exemple de l'hyperbole! Cette figure, pour être juste, ne doit être sensible que pour celui qui écoute, et jamais pour celui qui parle. C'est dans ce sens là que Quintilien a dit qu'elle devait être extrà fidem, non extra modum. Rien de plus dans la nature et dans la vérité, que de peindre les choses comme on les voit ou comme on les sent. Achéloüs veut peindre la pesanteur du terrible athlète élancé sur son dos; il dit:

Si qua fides, neque enim fictá mihi gloria voce
Quæritur, imposito pressus mihi monte videbar.

Il n'exagère pas parce qu'il parle comme il sent, et que l'image qu'il emploie n'est hyperbolique que pour ceux qui l'écoutent.

De même, quand, dans le récit de la mort d'Hippolyte, Théramène dit :

Le flot qui l'apporta recule épouvanté,

il fait une hyperbole, mais cette exagération est dans son imagination : il a cru, dans son épouvante, que le flot avait reculé d'effroi comme lui-même.

Ibidem.

Des serpens, me dit-il, les fureurs étouffées,

Des jeux de mon berceau sont les premiers trophées.

Hercule, étant encore au berceau, étouffa deux serpens que Junon avait envoyés contre lui. C'est à ce trait de l'enfance du héros que le lyrique français fait une allusion poétique dans son Ode sur la naissance du duc de Bourgogne.

Sûr

Les premiers instans de sa vie
De la discorde et de l'envie
Verront éteindre le flambeau;
Il renversera leurs trophées,
Et leurs couleuvres étouffées
Seront les jeux de son berceau.

IV. Page 129.

pour lui du passage, il craint pour son amante.

Où trouver un plus grand peintre qu'Ovide? Comme tous les objets qu'il expose se dessinent dans son imagination! Comme toutes ses images sont coordonnées! Quel groupe que celui de Nessus, d'Hercule et de Déjanire ! Quelle attitude que celle de Déjanire tremblante sur le dos du centaure! Quel contraste dans Hercule qui des yeux la suit du rivage, qui jette son arc à l'autre bord, et qui traverse la rivière en nageant contre le torrent! Quel autre tableau que le moment où il atteint d'une flèche sûre et rapide le ravisseur fugitif de son épouse! Joignez à cela les accessoires descriptifs du site et du fleuve. Une fable d'une

trentaine de vers renferme trois grands sujets que le pinceau pourrait rendre sur la toile.

V. Page 133.

Quand par un bruit fâcheux, la déesse aux cent voix,

Qui du vrai, qui du faux se nourrit à-la-fois,

Messagère indiscrète, annonce à Déjanire,

Que l'époux, pour qui seul elle vit et soupire,
D'Iole sa captive, est captif à son tour.

Iole était fille d'Eurite, roi d'Œchalie, lequel fut vaincu et tué par Hercule, pour se venger de ce qu'il avait été la cause de son esclavage auprès d'Omphale, au rapport de Sophocle, dans sa tragédie intitulée les Trachiniennes. On sait qu'Hercule, après tant d'exploits glorieux, fut si possédé des charmes d'Omphale, qu'il se dégrada pour elle, jusqu'à se revêtir des habits d'une fille et à changer sa massue contre une quenouille.

Ibidem.

Dois-je partir, rester, ou me plaindre, ou me taire?

Cette figure est ce qu'on appelle le doute. La poésie en fait un grand usage dans les monologues, pour exprimer les mouvemens alternatifs d'un coeur irrésolu entre des partis différens.

VI. Page 135.

Et remplit tout l'OEta d'un hurlement terrible.

Implevitque suis nemorosam vocibus OEten.

Ce vers est vraiment homérique. Sa précision est d'un

effet sublime. Tous les poètes, tous les écrivains qui ont décrit la mort d'Hercule, se sont singulièrement étendus dans cet endroit; témoin Fénélon lui-même. «< Hercule s'étant revêtu de cette tunique, sentit bientôt le feu dévorant qui se glissait jusque dans la moelle de ses os : il poussait des cris horribles dont le mont Œta résonnait, et faisait retentir toutes les profondes vallées; la mer même en paraissait émue : les taureaux les plus furieux qui auraient mugi, n'auraient pas fait un bruit aussi affreux ». Ovide, d'un seul coup de pinceau plein d'énergie, surpasse les tableaux entiers des plus grands maîtres.

Ibidem.

Mais sa chair se déchire, et suit le vêtement.

Qu'il me soit permis, en faveur des jeunes disciples de la poésie, de faire une remarque essentielle de prosodie. L'hémistiche, mais sa chair se déchire, peint la chose même par les sons imitatifs, et fait en quelque sorte image à l'oreille. Changez-y un seul monosyllabe: mettez sa peau à la place de sa chair; l'onomatopée n'existe plus.

VII. Page 137.

Barbare, vois du cicl ce supplice effroyable!
Repais de mes tourmens ton cœur impitoyable.

Cette plainte d'Hercule est imitée d'un endroit de Sophocle, que Cicéron a traduit dans les Tusculanes. « Il faut, dit le P. Brumoi, que ce morceau ait été bien du goût de

l'antiquité, puisqu'Ovide a cru ne pouvoir mieux faire que de l'imiter dans ses Métamorphoses. Il le rehausse en y ajoutant cette belle pensée ».

Defessa jubendo est

Sæva Jovis conjux: ego sum indefessus agendo.

<< La cruelle Junon est plus lasse de commander et d'exiger des exploits que moi d'obéir et d'en faire ».

Je vais transcrire le passage de Sophocle, où les deux poètes se rapprochent le plus.

«< Quel tourment! O forces de mon bras jadis si vantées! qu'êtes-vous devenues? O mes mains! est-ce vous qui avez étouffé le lion de Némée? Oui, voici ce bras qui a coupé les têtes renaissantes de l'hydre, ce bras qui a dompté les centaures, ce bras dont les coups ont abattu le sanglier d'Erimanthe, ce bras dont les efforts ont tiré Cerbère des enfers, ce bras qui a mis en pièces le dragon dépositaire des fruits d'or, ce bras enfin qui s'est signalé par des exploits innombrables, et que nul mortel n'a pu désarmer. Le reconnaissez-vous ? En quel état le voyez-vous réduit? Brisé, déchiré, atténué par un poison secret, il languit, il n'est plus reconnaissable ». Traduction du P. Brumoi.

Ibidem.

Hélas! est-ce bien moi,

Qui, domptant Busiris dans son temple homicide,
Sur ses autels sanglans, immolai ce perfide?
Moi, qui, des flancs d'Antée embrassant le contour,
Lui fis perdre la terre et la force et le jour ?

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