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sans doute, quand l'orage est passé, de revoir leur jeune famille et le nid qui leur est cher. Non que le ciel leur ait, je pense, départi une intelligence divine, une sagesse prophétique; mais quand l'air et les mobiles vapeurs dont il est chargé changent leur cours, quand l'haleine des vents les condense ou les dilate tour à tour, ces variations agissent sur les êtres animés ; le calme et l'orage font sur eux des impressions différentes: de lå le concert des oiseaux dans les champs, la joie des troupeaux et le cri triomphant du corbeau.

Si tu observes le soleil dans sa marche rapide, la lune dans ses phases diverses, jamais le lendemain ne te trompera, et tu ne te laisseras point surprendre à l'éclat perfide d'une nuit sereine. Si, lorsque la lune rassemble ses feux renaissants, son croissant apparaît obscur dans un ciel sombre, de grandes pluies menacent les laboureurs et les matelots; mais si son front se colore d'une pudeur virginale, crains le vent: le vent fait toujours rougir la blonde Phébé. Si, le quatrième jour (ce présage est infaillible), tu la vois pure et lumineuse; si elle trace dans le ciel un arc net et brillant, ce jour tout entier et ceux qui le suivront, jusqu'à la fin du mois, se passeront sans vent ni pluie; et, sauvés du

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naufrage, les matelots acquitteront les vœux adressés à Glaucus, à l'anopée, à Mélicerte.

Le soleil, et lorsqu'il se lève, et lorsqu'il se plonge dans les ondes, te peut aussi offrir des présages; et les présages qu'il donne à son lever et à son coucher ne trompent jamais. Son disque naissant est-il semé de taches et à moitié enveloppé dans un sombre nuage? alors redoute la pluie; car de la mer s'élève un vent du Midi, mortel aux arbres, aux moissons, aux troupeaux. Le soleil, à son lever, laisse-t-il, du sein des nuages qui l'obscurcissent, s'échapper çà et là quelques faibles rayons? l'Aurore sort-elle pâle de la couche dorée de Tithon? hélas! que le pampre aura de peine à défendre son tendre fruit contre la grêle épaisse qui, sur nos toits, rebondit avec un horrible fracas! Mais c'est surtout lorsque, parvenu au terme de sa carrière, le soleil va quitter l'Olympe, qu'il est utile de le bien observer. Souvent alors on voit sur son disque flotter différentes couleurs l'azur annonce la pluie; le rouge, le vent. Si à cet éclat de la pourpre se mêlent quelques nuances de bleu, la pluie et les vents conjurés causeront d'affreux ravages. Durant une telle nuit, je me garderais bien de gagner la haute mer ou de couper le câble qui retient ma barque. Mais si, lorsqu'il nous rend ou nous

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retire le jour, son disque brille tout entier, pur et radieux, les nuages te menaceront vainement, et, sous un ciel serein, l'Aquilon seul agitera la cime des forêts. Enfin, le soleil t'apprendra quel temps amènera l'étoile du soir; comment les vents, chassant les nuages, rappelleront la sérénité dans les airs; quels orages médite l'humide Auster.

Le soleil qui oserait l'accuser d'imposture? Souvent il nous révèle ces fureurs, ces complots, ces guerres qui, sourdement préparés, sont sur le point d'éclater.

Le soleil, après la mort de César, prenant pitié de Rome, couvrit d'un voile sanglant son disque lumineux, et fit craindre à un siècle parricide une nuit éternelle. Alors aussi et la terre et la mer, et les hurlements des chiens, et les cris sinistres des oiseaux annoncèrent nos malheurs. Combien de fois nous vîmes l'Etna, brisant ses voûtes profondes, inonder les campagnes des Cyclopes, et rouler des tourbillons de flammes et des rochers liquéfiés! La Germanie entendit de toutes parts retentir dans les airs le bruit des armes. Les Alpes ressentirent des secousses jusque-là inconnues; dans les bois sacrés, au milieu du silence de la nuit, on entendit des voix lamentables. Des fantômes d'une effrayante pâleur se montrèrent à l'entrée de la nuit, et, pour comble d'horreur, les animaux parlèrent! Les fleuves suspendent

Lucidus orbis erit, frustra terrebere nimbis,
Et claro silvas cernes Aquilone moveri.
Denique, quid vesper serus vehat, unde serenas
Ventus agat nubes, quid cogitet humidus Auster,
Sol tibi signa dabit. Solem quis dicere falsum
Audeat? Ille etiam cæcos instare tumultus

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Sæpe monet, fraudemque et operta tumescere bella. 465
Ille etiam exstincto miseratus Cæsare Romam,

Quum caput obscura nitidum ferrugine texit,

Impiaque æternam timuerunt sæcula noctem.

Tempore quanquam illo tellus quoque, et æquora ponti,

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leur cours, la terre s'entr'ouvre, et, dans les temples, l'ivoire se couvre de larmes, et l'airain de sueur. Le roi des fleuves, l'Éridan, déborde, et, dans son cours impétueux, déracine, entraîne les forêts, et roule à travers les campagnes les étables avec les troupeaux. Longtemps dans les entrailles des victimes apparurent des fibres menaçantes; le sang coula des fontaines publiques, et nos cités retentirent, pendant la nuit, des hurlements des loups; jamais, par un ciel serein, la foudre ne tomba plus fréquemment; jamais ne s'allumèrent plus de comètes effrayantes.

Aussi les plaines de Philippes ont-elles vu, pour la seconde fois, Romains contre Romains combattre avec les mêmes armes; les dieux ont souffert que deux fois notre sang engraissât les vastes champs de la Thessalie et de l'Hémus. Viendra un jour où, dans ces tristes contrées, le laboureur, en ouvrant la terre avec le soc de la charrue, rencontrera des dards rongés par la rouille, ou, de son pesant râteau, heurtera des casques vides, et contemplera avec effroi, dans les tombeaux entr'ouverts, de gigantesques ossements.

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Dieux de nos pères, dieux protecteurs de l'empire, Romulus, et toi, auguste Vesta, qui veilles sur le Tibre et sur le palais de nos Césars, laissez du moins ce jeune héros soutenir ce siècle

Et mæstum illacrymat templis ebur, æraque sudant. 480
Proluit insano contorquens vortice silvas
Fluviorum rex Eridanus, camposque per omnes
Cum stabulis armenta tulit. Nec tempore eodem

Tristibus aut extis fibræ apparere minaces,

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chancelant! assez et trop longtemps notre sang a expié les parjures de la race de Laomédon. Depuis longtemps, César, le ciel nous envie ta présence; il se plaint de te voir sensible encore aux triomphes décernés par les hommes. Sur la terre, en effet, toutes les idées du juste et de l'injuste sont renversées : partout guerre, partout le crime sous mille faces diverses: la charrue est sans honneur; privés de bras, les champs déserts se couvrent de ronces, et la faux recourbée se convertit en un glaive homicide. Ici l'Euphrate, plus loin le Danube, préparent la guerre contre nous; les villes voisines, brisant et les traités et les lois, combattent les unes contre les autres; Mars, dans tout l'univers, a soufflé sa fureur impie.

Tels, une fois lancés dans la carrière, les quadriges dévorent l'espace vainement leur guide veut les retenir; il est emporté par ses coursiers; et le char n'entend plus le frein ni la voix.

Ne prohibete! Satis jampridem sanguine nostro
Laomedonteæ luimus perjuria Trojæ.

Jampridem nobis cœli te regia, Cæsar,

Invídet, atque hominum queritur curare triumphos.

Quippe ubi fas versum atque nefas; tot bella per orbem, 505
Tam multæ scelerum facies; non ullus aratro
Dignus honos; squalent abductis arva colonis,
Et curvæ rigidum falces conflantur in ensem.

Hinc movet Euphrates, illinc Germania bellum;
Vicinæ, ruptis inter se legibus, urbes
Arma ferunt; sævit toto Mars impius orbe:
Ut, quum carceribus sese effudere quadrigæ,
Addunt se in spatia, et frustra retinacula tendens
Fertur equis auriga, neque audit currus habenas.

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