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N° 729.

A MONSIEUR

MONSIEUR ROUSSEAU

À MONTMORENCY 1.

(Lettre de Mme de Verdelin.)

Quand vous me querellez, Monsieur, je me gronde et m'afflige, parceque je me persuade que j'ai eu l'air d'avoir tort; et puis je me console en me disant que vous ne me connoissez pas bien encore, et que l'année prochaine vous ne me gronderez plus. Voilà ce qui doit vous expliquer pourquoi je ne vous rend point des injures.

Il est vrai que j'ai un rhume considérable; il m'ôte le sommeil et point du tout l'appétit. Je ne quitte pas mon feu ; je voudrois bien, mon voisin, que vous prissiez autant de soin de votre santé que j'en prends de la mienne. Je vous avertis qu'on ne dit pas de bien de la façon dont vous vous ménagez, que j'en suis en colère. On dit que vous ne dormez pas, que vous travaillez sans cesse; pour instruire des sourds, faut-il faire pleurer les gens qui vous connoissent et qui vous aiment? Mon bon voisin, vos excellents livres ne feront jamais autant de bien que votre vertueux exemple. Vous saignez du nez; il faudroit prendre de l'orgeat. Je vous demande la permission de vous en envoyer, parce que j'ai un homme qui le fait trésbien. Comme une étourdie, une présomptueuse, je pense que je puis bien prendre cette permission; et, au reste, c'est votre faute. Vous saignez du nez et je vous déclare que si vous vous mettez en colère, cela ne fera qu'augmenter. M. de Verdelin est bien sensible à votre souvenir; son rhume est à sa fin.

1. Transcrit par J. Richard de l'original autographe non signé, cacheté de cire noire. Cette lettre, dont il existe une copie de Rousseau à la Bibliothèque de Neuchâtel, 7886, p. 104-105, a été publiée par Streckeisen-Moultou, Amis et Ennemis, t. II, p. 470-471, avec quelques inexactitudes.

Nous attendons, l'un et l'autre, avec une grande impatience, le moment de vous rejoindre. Je vous envoie de la poudre pour les dents; elle vient de me guérir d'une fluxion sur la mâchoire. Je la conseille à Mile Le Vasseur, qui en souffre, m'a-t-elle dit, quelquefois.

A Paris, le 16 janvier 17601.

Si vous étiez un peu occupé de vous, et qu'on trouvât à Montmorency de l'orgeat, je n'aurois jamais la témérité de vous en envoyer. Je vous en fais bien des excuses, mon bon voisin, pardonnez-moi et ne me grondez pas, vous m'affligeriez trop.

1. Streckeisen imprime par erreur 16 septembre: on lit nettement « janvier », sur la copie de Rousseau; d'ailleurs, il est aisé de voir que cette lettre répond à la lettre de Rousseau du 15 janvier.

N° 730.

DE MAD DE LUXEMBOURG 1.

[vers le 16 janvier 1760].

Mad de Boufflers a été vous voir hier. Elle m'a dit que vous avez eu un saignement de nez: cela m'inquiette extrémement. Je crois que vous échauffez trop; vous ne vous souciez pas assez de conserver l'homme du monde qui est aimé le plus tendrement. Je vous supplie extrémement, Monsieur, de me donner de vos nouvelles.

1. INÉDIT. Transcrit de la copie, de la main de Rousseau, conservée à la Bibliothèque de Neuchâtel, 7886, p. 85.

2. Cette date est proposée à cause du saignement de nez de Rousseau auquel fait allusion la lettre du 16 janvier 1760 de Mine de Verdelin. Pour la même raison, le présent billet pourrait être rapproché de la lettre de la maréchale de Luxembourg du 25 juillet 1760; d'autre part, s'il est du 16 janvier 1760, ce qui est plus probable, il a dû parvenir à Rousseau après le départ de sa lettre du même jour.

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N° 731.

A MADAME

MADAME LA MARESCHALE

DUCHESSE DE LUXEMBOURG
A VILLEROI1.

Je vous oublie donc, Madame la Mareschale? Si vous le pensiez, daigneriez-vous me le dire? Si cela étoit, vaudrois-je la peine que vous vous en apperceussiez? Taxez moi de lenteur, non de négligence. L'exactitude dépend de moi, la diligence n'en dépend pas. Jugez-moi sur les faits. Vous savez que j'ai fait pour Mad d'Houdetot une copie pareille à la vôtre. Elle avoit grande envie d'avoir cette copie, et moi grande envie de lui faire plaisir : cependant il y a trois ans que cette copie est commencée, et elle n'est pas nie. Il n'y a pas encore deux mois que la vôtre est commencée, et vous aurez la prémiére partie dans huit jours. En continuent de la même maniére, vous aurez le tout en moins d'un an. Comparez, Madame, et concluez. Quand je vous expliquerai comment je travaille et comment je puis travailler, vous jugerez vous-même s'il dépend de moi d'aller plus vite. En attendant, j'ai un peu sur le coeur le reproche que vous m'avez fait faire. Je ne croyois pas que vous me jugeassiez sans m'entendre et que vous me jugeassiez si sévérement. Je n'oublierai de longtems que vous m'accusez de vous oublier. Consultez là-dessus

1. Transcrit le 29 mars 1925 de l'original autographe non signé, conservé à la Bibl. de la Chambre des Députés, à Paris, 7078, f. 23-24. 4 p. in-4o, la 3o blanche et l'adresse sur la 4. Cachet à la devise sur cire rouge. [P.-P. P.]

2. Le texte imprimé ju:qu'ici (d'après la minute conservée à la Bibliothèque de Neuchâtel) présente des differences avec l'original autographe: « Je vous oublie donc, madame la maréchale? Si vous le pensiez, vous ne daigneriez pas me le faire dire ; et si cela étoit je ne vaudrois pas la peine que vous vous en aperçussiez. Taxezmoi de lenteur, mais non pas de négligence... Vous savez que je fois pour madame d'Houdetot... Quand j'aurai eu le temps de vous expliquer comment je travaille... »

Monsieur le Mareschal, je vous en supplie; il y a un tems infini que je ne lui ai écrit. Demandez lui s'il croit pour cela que je l'oublie'. Non, Madame, il vous reprochera vôtre injustice; il vous dira que je fais quelques lettres de moins, pour copier quelques pages de plus.

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A Montmorenci le 16 Janv2 1760 2.

1. Dans les précédentes impressions, la lettre se termine tout autrement. A partir de « je l'oublie », on lit: « Madame il faut être lent à donner son estime, afin de n'être pas si prompt à la retirer. »

2. Dans les précédentes impressions, la lettre est datée du 15 et non du 16 janvier.

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