Ce livre est toute ma jeunesse ; Je l'ai fait sans presque y songer. Il y paraît, je le confesse,
Et j'aurais pu le corriger.
Mais quand l'homme change sans cesse, Au passé pourquoi rien changer? Va-t'en, pauvre oiseau passager; Que Dieu te mène à ton adresse !
Qui que tu sois, qui me liras, Lis-en le plus que tu pourras, Et ne me condamne qu'en somme.
Mes premiers vers sont d'un enfant, Les seconds d'un adolescent, Les derniers à peine d'un homme.
REGRETTEZ-Vous le temps où le ciel sur la terre Marchait et respirait dans un peuple de dieux;
Où Vénus Astarté,' fille de l'onde amère, salty war
Secouait, vierge encor, les larmes de sa mère, Et fécondait le monde en tordant ses cheveux?
Regrettez-vous le temps où les Nymphes lascives Ondoyaient au soleil parmi les fleurs des eaux,
Et d'un éclat de rire agaçaient sur les rives fured Les Faunes indolents couchés dans les roseaux; reeds 5 Où les sources tremblaient des baisers de Narcisse;" Où du nord au midi, sur la création,
Hercule promenait l'éternelle justice, champia
Sous son manteau sanglant taillé dans un lion; umph Où les Sylvains* moqueurs, dans l'écorce des chênes, Avec les rameaux verts se balançaient au vent, boughs Et sifflaient dans l'écho la chanson du passant; wo Où tout était divin, jusqu'aux douleurs humaines ; Où le monde adorait ce qu'il tue aujourd'hui ; Où quatre mille dieux n'avaient pas un athée ; 15 Où tout était heureux, excepté Prométhée,5 Frère aîné de Satan, qui tomba comme lui?
Et quand tout fut changé, le ciel, la terre et l'homme,
Roma Quand le berceau du monde en devint le cercueil,
Quand l'ouragan du Nord sur les débris de Rome De sa sombre avalanche étendit le linceul, -
Regrettez-vous le temps où d'un siècle barbare Naquit un siècle d'or, plus fertile et plus beau? Où le vieil univers fendit avec Lazare De son front rajeuni la pierre du tombeau? Regrettez-vous le temps où nos vieilles romances Ouvraient leurs ailes d'or vers leur monde enchanté ; Où tous nos monuments et toutes nos croyances Portaient le manteau blanc de leur virginité;
Où, sous la main du Christ, tout venait de renaître, Où le palais du prince et la maison du prêtre, Portant la même croix sur leur front radieux,
food up Sortaient de la montagne en regardant les cieux;
Où Cologne et Strasbourg, Notre-Dame et Saint-Pierre,
Senouillant au loin dans leurs robes de pierre, Su l'orgue universel des peuples prosternés Entonnaient l'hosanna des siècles nouveau-nés ; Le temps où se faisait tout ce qu'a dit l'histoire ; Où sur les saints autels les crucifix d'ivoire Ouvraient des bras sans tache et blancs comme le lait; Où la Vie était jeune, où la Mort espérait?
Ô Christ! je ne suis pas de ceux que la prière Dans tes temples muets amène à pas tremblants; Je ne suis pas de ceux qui vont à ton Calvaire, En se frappant le cœur, baiser tes pieds sanglants; Et je reste debout sous tes sacrés portiques, time Quand ton peuple fidèle, autour des noirs arceaux, arches
Se courbe en murmurant sous le vent des cantiques, Comme au souffle du nord un peuple de roseaux. Je ne crois pas, ô Christ! à ta parole sainte : Je suis venu trop tard 10 dans un monde trop vieux. D'un siècle sans espoir naît un siècle sans crainte; 11 Les comètes du nôtre ont dépeuplé les cieux. Maintenant le hasard promène au sein des ombres De leurs illusions les mondes réveillés ;
L'esprit des temps passés, errant sur leurs décombres, Jette au gouffre éternel tes anges mutilés.
Les clous du Golgotha te soutiennent à peine; Sous ton divin tombeau le sol s'est dérobé :
Ta gloire est morte, ô Christ! et sur nos croix d'ébène Ton cadavre céleste en poussière est tombé !
Eh bien qu'il soit permis d'en baiser la poussière Au moins crédule enfant 12 de ce siècle sans foi, Et de pleurer, ô Christ! sur cette froide terre Qui vivait de ta mort, et qui mourra sans toi! Oh! maintenant, mon Dieu, qui lui rendra la vie?
Du plus pur de ton sang tu l'avais rajeunie; Jésus, ce que tu fis, qui jamais le fera?
Nous, vieillards 13 nés d'hier, qui nous rajeunira?
as when you were bom Nous sommes aussi vieux qu'au jour de tå naissance. Nous attendons autant, nous avons plus perdu. Plus livide et plus froid, dans son cercueil immense
tomb Pour la seconde fois Lazare 1 est étendu. (dead faith). Où donc est le Sauveur pour entr'ouvrir nos tombes? open
Où donc le vieux saint Paul haranguant les Romains,
Suspendant tout un peuple à ses haillons divins?en
aple Où donc est le Cénacle? 15 où donc les Catacombes ? 16
Avec qui marche donc l'auréole de feu ? 17
Sur quels pieds tombez-vous, parfums de Madeleine? 18 Où donc vibre dans l'air une voix plus qu'humaine?
Qui de nous, qui de nous va devenir un Dieu ? La Terre est aussi vieille, aussi dégénérée,
Elle branle une tête aussi désespérée
Que lorsque Jean 19 parut sur le sable des mers, Et que la moribonde,20 à sa parole sainte Tressaillant tout à coup comme une femme enceinte, Sentit bondir en elle un nouvel univers.
Les jours sont revenus de Claude et de Tibère Tout ici, comme alors, est mort avec le temps, e Et Saturne 23 est au bout du sang de ses enfants: Mais l'espérance humaine est lasse d'être mère,
Et, le sein tout meurtri d'avoir tant allaité, will overmurang
Elle fait son repos de sa stérilité.
Dors-tu content, 24 Voltaire, 25 et ton hideux sourire Voltige-t-il encor sur tes os décharnés?
Ton siècle était, dit-on, trop jeune pour te lire ;
Le nôtre doit te plaire, et tes hommes sont nés.
Il est tombé sur nous, cet édifice immense Que de tes larges mains tu sapais nuit et jour. La Mort devait t'attendre avec impatience, Pendant quatre-vingts ans que tu lui fis ta cour; Vous devez vous aimer d'un infernal amour. Ne quittes-tu jamais la couche nuptiale
Où vous vous embrassez dans les vers du tombeau," Pour t'en aller tout seul promener ton front pâle Dans un cloître désert ou dans un vieux château ? Que te disent alors tous ces grands corps sans vie, Ces murs silencieux, ces autels désolés, Que pour l'éternité ton souffle a dépeuplés? Que te disent les croix? que te dit le Messie? Oh! saigne-t-il encor, quand, pour le déclouer, Sur son arbre tremblant, comme une fleur flétrie, Ton spectre dans la nuit revient le secouer? Crois-tu ta mission dignement accomplie,
Et comme l'Éternel, à la création,
Trouves-tu que c'est bien, et que ton œuvre est bon? Au festin de mon hôte alors je te convie.
Tu n'as qu'à te lever; quelqu'un soupe ce soir
Chez qui le Commandeur peut frapper et s'asseoir.
Voilà pourtant ton œuvre, Arouet, voilà l'homme Tel que tu l'as voulu. C'est dans ce siècle-ci,
C'est d'hier seulement qu'on peut mourir ainsi. Quand Brutus 28 s'écria sur les débris de Rome:
Vertu, tu n'es qu'un nom !" 29 il ne blasphéma pas.
Il avait tout perdu, sa gloire et sa patrie,
Son beau rêve adoré, sa liberté chérie,
Sa Portia, son Cassius, son sang et ses soldats; Il ne voulait plus croire aux choses de la terre. Mais, quand il se vit seul, assis sur une pierre,
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