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barbares, que les femmes, chez les premiers Germains, étoient aussi dans une perpétuelle tutele (1). Cet usage passa dans une monarchie qu'ils fonderent; mais il ne subsista pas.

CHAPITRE XIII.

Des peines établies par les empereurs contre les

débauches des femmes.

La loi Julie établit une peine contre l'adultere. Mais, bien loin que cette loi et celles que l'on fit depuis là-dessus fussent une marque de la bonté des mœurs, elles furent au contraire une marque de leur dépravation.

Tout le systême politique à l'égard des femmes changea dans la monarchie il ne fut plus question d'établir chez elles la pureté des mœurs, mais de punir leurs crimes. On ne faisoit de nouvelles lois pour punir ces crines que parcequ'on ne punissoit plus les violations, qui n'étoient point ces crimes.

L'affreux débordement des mœurs obligeoit bien les empereurs de faire des lois pour arrêter à un certain point l'impudicité; mais leur intention ne fut pas de corriger les mœurs en général. Des faits positifs, rapportés par les historiens, prouvent plus cela que toutes ces lois ne sauroient prouver le contraire. On peut voir, dans Dion, la conduite d'Auguste à cet

(1) Cette tutele s'appeloit chez les Germains mandeburdium.

égard, et comment il éluda et dans sa préture et dans sa censure les demandes qui lui furent faites (1).

On trouve bien dans les historiens des jugements rigides rendus, sous Auguste et sous Tibere, contre l'impudicité de quelques dames romaines: mais, en nous faisant connoître l'esprit de ces regnes, ils nous font connoître l'esprit de ces jugements.

Auguste et Tibere songerent principalement à punir les débauches de leurs parentes. Ils ne punissoient point le déréglement des mœurs, mais un certain crime d'impiété ou de lesemajesté (2) qu'ils avoient inventé, utile pour le respect, utile pour leur vengeance. De là vient que les auteurs romains s'élevent si fort contre cette tyrannie.

(1) Comme on lui eut amené un jeune homme qui avoit épousé une femme avec laquelle il avoit eu auparavant un mauvais commerce, il hésita long-temps, n'osant ni approuver ni punir ces choses. Enfin, reprenant ses esprits, « Les séditions ont été cause de

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grands maux, dit-il ; oublions-les ». Dion, 1. LIV. Les sénateurs lui ayant demandé des réglements sur les mœurs des femmes, il éluda cette demande en leur disant qu'ils corrigeassent leurs femmes comme il corrigeoit la sienne: sur quoi ils le prierent de leur dire comment il en usoit avec sa femme; (question, ce me semble, fort indiscrete. )—(2) Culpam inter viros et feminas vulgatam gravi nomine læsarum religionum ac violatæ majestatis appellando, clementiam majorum suasque ipse leges egrediebatur. Tac. Annal. liv. III.

La peine de la loi Julie étoit légere (1). Les empereurs voulurent que, dans les jugements, on augmentât la peine de la loi qu'ils avoient faite. Cela fut le sujet des invectives des historiens. Ils n'examinoient pas si les femmes méritoient d'être punies, mais si l'on avoit violé la loi pour les punir.

Une des principales tyrannies de Tibere (2) fut l'abus qu'il fit des anciennes lois. Quand il voulut punir quelque dame romaine au-delà de la peine portée par la loi Julie, il rétablit contre elle le tribunal domestique (3).

Ces dispositions à l'égard des femmes ne regardoient que les familles des sénateurs, et non pas celles du peuple. On vouloit des prétextes aux accusations contre les grands, et les déportements des femmes en pouvoient fournir sans nombre.

Enfin ce que j'ai dit, que la bonté des mœurs n'est pas le principe d'un gouvernement d'un seul, ne se vérifia jamais mieux que sous ces premiers empereurs ; et si l'on en doutoit, on

(1) Cette loi est rapportée au Digeste; mais on n'y a pas mis la peine. On juge qu'elle n'étoit que de la relégation, puisque celle de l'inceste n'étoit que de la déportation. Leg. Si quis viduam, ff. de quest.—(2) Proprium id Tiberio fuit, scelera nuper reperta priscis verbis obtegere. Tacite.—(3)Adulterii graviorem pœnam deprecatus, ut exemplo majorum propinquis suis ultra ducentesimum lapidem removeretur, suasit. Adultero Manlio Italiâ atque Africâ interdictum est. Tacite, Annal. 1. II.

n'auroit qu'à lire Tacite, Suétone, Juvénal, et Martial.

CHAPITRE XIV.

Lois somptuaires chez les Romains. Nous avons parlé de l'incontinence publique, parcequ'elle est jointe avec le luxe, qu'elle en est toujours suivie, et qu'elle le suit toujours. Si vous laissez en liberté les mouvements du cœur, comment pourrez – vous gêner les foiblesses de l'esprit ?

A Rome, outre les institutions générales, les censeurs firent faire par les magistrats plusieurs lois particulieres pour maintenir les femmes dans la frugalité. Les lois Fannienne, Licinienne et Oppienne, eurent cet objet. Il faut voir, dans Tite-Live (1), comment le sénat fut agité lorsqu'elles demanderent la révocation de la loi Oppienne. Valere-Maxime met l'époque du luxe chez les Romains à l'abrogation de cette loi.

CHAPITRE XV.

Des dots et des avantages nuptiaux dans les diverses constitutions.

ES

Les dots doivent être considérables dans les monarchies, afin que les maris puissent soutenir leur rang et le luxe établi. Elles doivent

(1) Décade IV, liv. IV.

être médiocres dans les républiques, où le luxe ne doit pas régner (1). Elles doivent être à peu près nulles dans les états despotiques, où les femmes sont, en quelque façon, esclaves.

La communauté des biens, introduite par les lois françaises entre le mari et la femme, est très convenable dans le gouvernement monarchique, parcequ'elle intéresse les femmes aux affaires domestiques, et les rappelle, comme malgré elies, au soin de leur maison. Elle l'est moins dans la république, où les femmes ont plus de vertu. Elle seroit absurde dans les états despotiques, où presque toujours les femmes sont elles-mêmes une partie de la propriété du maître.

Comme les femmes par leur état sont assez portées au mariage, les gains que la loi leur donne sur les biens de leur mari sont inutiles; mais ils seroient très pernicieux dans une république, parceque leurs richesses particu lieres produisent le luxe. Dans les états despotiques, les gains de noces doivent être leur subsistance, et rien de plus.

CHAPITRE XVI.

Belle coutume des Samnites.

LES Samnites avoient une coutume qui, dans

(1) Marseille fut la plus sage des républiques de son temps; les dots ne pouvoient passer cent écus en argent, et cinq en habits, dit Strabon, 1. IV.

ESPR. DES LOIS. I.

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