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en trois branches, dont l'une appartient au Chef de la Puissance exécutive, d'autres non moins recommandables par leur sagesse et leurs lumières l'ont au contraire formellement

reconnue.

M. de Montesquieu, d'abord, raisonnant à la vérité dans la supposition d'un gouvernement participant tout-à-la-fois du Gouvernement d'un seul, de l'Aristocratie, et de la Démocratie, c'est-à-dire, dans l'hypothèse de l'existence, reconnue par la Constitution, d'une classe de nobles et d'une classe de plébéiens, substituées à la classification de droit fondée sur la distinction naturelle de la propriété et de l'industrie, pense que les Corps représentatifs de ces deux classes de citoyens doivent s'assembler et délibérer séparément. << La Puissance législative, dit-il, sera confiée et au Corps des nobles et au Corps qui sera choisi pour représenter le peuple, lesquels auront chacun leurs assemblées et leurs délibérations à part, et des vues et des intérêts séparés » (a). John Adams à ce sujet s'exprime ainsi : « On

(a) Esprit des Lois, liv. x1, chap. vi

peut compter que toutes les fois que le Pouvoir ( législatif) résidera dans une seule Assemblée soit de nobles soit de plébéiens, ou d'un mélange de ces deux Ordres, ce Pouvoir sera placé et continué dans la personne de quelques favoris de la majorité, en dépit de tous les sermens imaginables, et même en dépit des lois fondamentales....

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« Et il est évident que le droit d'élection sera aussi bien exercé, ce noble penchant de la nature humaine aussi bien satisfait, et la dignité de l'homme aussi bien maintenue, si vous divisez les Députés en deux classes, et si vous savez les balancer judicieusement, que si vous les confondez tous dans une même Assemblée, où ils déshonoreront bientôt la noblesse de leur nature et de leurs commettans par tous les écarts dans lesquels peuvent entraîner l'ambition, l'avarice, la jalousie et la division....

« M. Turgot, continue-t-il, prétend qu'une seule Assemblée de Représentans est la forme de gouvernement la plus propre à maintenir de bonnes lois. Il soutient l'affirmative, et moi la négative; et voici mes raisons une

pareille Assemblée sera dès les premiers jours de son existence, (l'expérience le prouve), une Aristocratie, quelques jours ou quelques années après une Oligarchie, d'où, quelques années après, naîtra enfin la Tyrannie, (c'està-dire le Despotisme d'un seul). Telle est la marche invariable de la nature humaine; et pour en être convaincu, il suffira d'observer un moment quels êtres sont les hommes, et de quelles passions ils sont tous agités....

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Qu'une telle Assemblée soit élective ou héréditaire, elle offrira toujours les mêmes inconvéniens; toujours elle se divisera en deux partis; toujours la majorité y sera toute-puissante, et la minorité opprimée.

« Mais après avoir réussi chez tous les Peuples qui l'ont adopté, chez ceux même qui ne l'ont établi qu'imparfaitement, pourquoi l'essai du triple mélange et d'une balance sagement établie ne réussirait-il pas également chez toutes les nations qui auront le bon esprit de le tenter ?... » (a).

(a) Défense des Constitutions Améric., liv. 1, pag. 78. - Ibid., tom. 11, lett. 10, 11, 14, 20, pag. 191, 255, 306, 316.

« Tout impose la nécessité d'opposer une digue puissante à l'impétuosité du Corps législatif, disait M. le comte Boissy-d'Anglas à la Convention. Cette digue, c'est l'expérience qui va nous enseigner à la construire; cette digue, c'est la division du Corps législatif en deux parties.

<< Vainement voudrions-nous tracer un mode de délibération pour une Assemblée unique. Croyez-vous que son impétuosité, toujours accrue par les obstacles, respecterait les barrières dont vous l'environneriez ? Elle ne serait enchaînée à vos formes que jusqu'à ce qu'il lui plût de les détruire. Tout ce qui lui donnerait des entraves lui serait odieux; et, regardant comme des atteintes à la liberté tout ce qui serait contraire à sa puissance, vous la verriez bientôt s'élever au-dessus de toutes les règles, et considérer son affranchissement comme une révolution régénératrice. Toutes les fois qu'on lui persuaderait, même faussement, qu'un changement importe au bonheur de l'État, qu'une manière de délibérer plus

prompte peut être utile au bien public, elle s'empresserait de l'adopter.

« Je m'arrêterai donc peu de temps à vous retracer les dangers inséparables de l'existence d'une seule Assemblée. J'ai pour moi votre propre histoire et le sentiment de vos consciences. Qui mieux que vous pourrait nous dire quelle peut être dans une seule Assemblée, l'influence d'un seul individu, comment les passions peuvent s'y introduire ? Les divisions qui peuvent y naître, l'intrigue de quelques factieux, l'audace de quelques scélérats, l'éloquence de quelques orateurs, cette fausse opinion publique dont il est si aisé de l'investir, peuvent y exciter des mouvemens que rien n'arrête, occasionner une précipitation qui ne rencontre aucun frein, et produire des décrets qui peuvent faire perdre au peuple son bonheur et sa liberté si on les maintient, et à la représentation nationale sa force et sa considération si on les rapporte.

« Dans une seule Assemblée, la tyrannie ne rencontre d'opposition que dans ses premiers pas; si une circonstance imprévue, un Tome VI.

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