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l'on prétend que le poisson-montagne se retire souvent dans de petites baies. Le même auteur assure que cet animal périt aussitôt qu'il touche terre, et que l'air est alors infecté de l'odeur qui s'en exhale. Ce révérend prélat ne dit pas, il est vrai, qu'il en ait été luimême incommodé; il nomme seulement ceux qui le furent.

Poutoppidan, toutefois, a prouvé sans rés plique, l'existence du ver de mer dont la longueur est à-peu-près de cent verges. Cela peut satisfaire les adinirateurs des monstres.

Le norwégien Eged, écrivain respectable, donne une description de ce serpent, qu'il vit dans un voyage au Groënland; mais il se moque de la crédulité de ses concitoyens, au sujet de leurs contes sur le kraken.

En l'année 1786, le contre-maître et le patron d'un vaisseau norwégien, déclarèrent, sous la foi du serment, en présence du magistrat de Dundée, qu'à la distance de quelques -lieues de la côte d'Ecosse, ils avoient vu un grand poisson, dont la longueur sembloit être de trois milles. Leur description malheureusement fut celle du ver de mer. Il n'y a même aucun lieu de douter que ce ne fût cet animal; et

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l'effroi que ressentirent les ateurs de cette déclaration, doit faire excuser leur méprise.

Quelques philosophes se sont imaginés que la grosseur des animaux étoit en proportion de la planète qu'ils habitent. Pour prouver cette assertion, ils donnent à Saturne des créa tures humaines de six pieds de haut; mais rien dans la nature, ne semble autoriser une telle supposition. Au contraire, les habitans des climats froids, et ses philosophes, pensent que celui de Saturne l'est; ces habitans, dis-je, sont généralement de la plus petite stature. Si une pareille conjecture étoit vraie, les habitans de Mercure ne passeroient pas neuf

pouces.

4: La puissance qui a tout créé, a mis, autant du moins que nous pouvons le savoir, une certaine proportion entre l'étendue des terres et celle des eaux; entre les animaux qui naissent sur les unes et ceux qui habitent dans les cautres; mais il ne paroît nullement que la nature ait établi une proportion entre les montagnes et les hommes. Il existe une grosseur régale entre des animaux de terre et de mer,

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dont la ressemblance même est parfaite;

comme celle du lion de mer, du cheval et

du chien marin, l'est avec les animaux de terre du même nom; et quoique la baleine soit beaucoup plus grosse que l'éléphant, elle ne paroît pas le surpasser infiniment en force: on a d'ailleurs incontestablement prouvé l'existence d'animaux de terre plus gros que ce dernier. Jusqu'à ce donc qu'on en trouve un de deux ou trois milles de longueur, on pourra toujours contester l'existence du poissonmontagne, ou kraken. Milton fait allusion à ce monstre fabuleux, quand il dit :

Or that sea beast,

Leviathan, which god of all his works
Created hugest that swim th'ocean stream:
Him haply slumb'ring on the Norway foam.

Ou ce monstre marin,

,, le plus énorme de ceux que Dieu créa`, " pour nager dans les eaux de l'océan, qui, " peut-être, mollement repose sur l'écume des flots de la mer de Norwège.

Le troisième jour après que nous eûmes quitté les rivages d'Angleterre, nous appercûmes les rochers de la Norwège. Leurs pointes affreuses sembloient suspendues au

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dessus des flots écumeux. Je renouai connoissance avec chaque colline, chaque montagne, et saluai l'ancien domaine de nos conquérans,

La Norwège a environ quatre cents lieues de côtes du cap Naze au cap Nord, et formę un groupe continuel de collines, de rochers, de montagnes couvertes de forêts. Ce pays renferme des mines d'or et d'argent, que la nature, sans doute, a moins destinées à lui servir qu'à l'orner. Sa véritable richesse, peutêtre plus réelle que l'or, consiste dans ses forêts de bois de construction, dans ses pêcheries, et dans ses mines de fer et de cuivre.

Les Norwégiens se sont distingués des premiers dans les expéditions maritimes; mais malheureusement, ils n'ont retenu que leurs conquêtes au nord. Ils établirent en Islande et dans le Groënland, des colonies d'où sont sortis les ancêtres des Esquimaux qui habitent les côtes sauvages de la terre de Labrador. Tantôt sous leurs rois, tantôt sous les monarques Danois, les Norwégiens envahirent souvent l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande, Le Danemarck, donnant jadis des lois à la Suède et aux autres royaumes voisins de la

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mer Baltique, le nom et les actions des Norwégiens furent confondus avec ceux des Danois. La Norwège est aujourd'hui le seul reste des conquêtes de ces derniers. Si, toutefois, on peut la considérer ainsi; car elle avoit secoué le joug plusieurs années avant que la fameuse Marguerite, fille de Waldemar, roi de Danemarck, et femme de Hacquin, roi de Norwège, effectuât l'union de ces deux royaumes.

Nous étions en travers du cap Nazę, au moment où les fanaux furent allumés. Ils sont de la plus grande utilité sur une côte aussi dangereuse, et l'on en trouve plusieurs placés dans des lieux convenables, depuis ce cap jusqu'à Elseneur. Le gouvernement danois établit primitivement ces phares pour l'avan, tage de ses sujets. Il crut depuis, avec justice, pouvoir demander aux étrangers, qui commerçoient dans les mers orientales, de contribuer à cette dépense. On y consentit volontiers, et dès-lors les taxes pour les fanaux devinrent un objet de revenu, que les Danois augmen tèrent annuellement. Leurs domaines étant situés à l'entrée de la mer Baltique, nul vaisseau ne put passer sans leur permission.

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