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vantage sa valeur comme aussi le mal que doit causer aux Grecs cette absence dont ils sont la cause, qu'en plaçant dans la bouche du dieu ces paroles si flatteuses four Achille. « Courage, Troyens, ne cédez pas << aux Grecs; le fils de Thétis, Achille, ne combat

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plus pour eux. » Mais Minerve, de son côté, court soutenir les Grecs. La lutte qui allait cesser, se ranime. La voix des deux divinités est ici comme le souffle du vent faisant renaître un incendie près de s'éteindre. Le combat recommence, terrible, acharné, pour se prolonger encore avec des phases diverses. de succès et de revers pour les deux armées. Mais Homère, avant de nous entraîner sur ses pas dans une mêlée nouvelle, s'arrête un instant comme pour respirer et pour nous laisser respirer à notre tour. Il ajoute, en résumant en quelque sorte tout ce qui précède, ces mots d'une éloquence si simple et d'un effet si mélancolique, qui terminent le quatrième chant: « En ce moment, si quelque vaillant guerrier non << atteint encore du javelot et échappé au glaive cruel, « eût parcouru les rangs au fort de la mêlée, et que « Minerve, le prenant par la main, l'eût garanti con«tre l'impétuosité des traits, il n'aurait rien trouvé à

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reprendre à ce combat; car, en ce jour, une foule << de Troyens et de Grecs gisaient les uns près des « autres, le front dans la poussière 1. »

1. V. 539 sqq.

CHAPITRE V.

SOMMAIRE: Le sixième livre de l'Iliade.

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champ de bataille pour ordonner des prières et des supplications dans Ilion. Une cérémonie touchante. — Hélène et Pâris. — Andromaque; adieux d'Hector et d'Andromaque; examen détaillé de cet épisode-Rapprochements; Andromaque et la reine Kriemhilt dans le poëme des Nibelungen. Hector considéré comme fils, comme père et comme époux; sentiments justifiés par les mœurs du temps; exemples à l'appui, tirés des tragiques grecs, d'Hérodote et des Écritures. Un passage célèbre entre tous; nouveaux commentaires; le burin de Flaxman. Le πατρὸς δ' ὅγε πολλόν ἀμείνων et une pensée de l'Ajax de Sophocle. Les traducteurs d'Homère. Citations. Le δακρυόεν γελάσασα. — Conclusions.

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La lutte se prolonge à travers tout le cinquième chant consacré aux exploits du vaillant Diomède. Au début du sixième livre, le combat dure encore. Ajax, Diomède, Ulysse, Adraste, Ménélas, font chacun des prodiges de valeur. Pour la seconde fois, les Troyens accablés reculent. En ce moment, un des fils de Priam, l'augure Hélénus, engage Hector et Énée, ses deux collègues dans le commandement des troupes, à ranimer le courage des Troyens, afin qu'ils soutiennent les efforts des Grecs; après quoi Hector re

tournera dans Ilion ordonner des prières en l'honneur de Minerve si fortement irritée contre Troie. Ceci prépare, nous le verrons tout à l'heure, une suite d'épisodes que nous examinerons; ces épisodes font une agréable diversion à toutes ces descriptions de combats, sujet principal de l'Iliade.

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Quelques paroles de feu inspirées par les circonstances suffisent à Hector pour rassurer les siens. Le courage renaît dans leurs cœurs; ils se retournent, et, par leur attitude martiale, font reculer les Grecs. Alors Hector, après avoir fait connaître aux soldats le motif qui, pour quelques instants, lui fait quitter le champ de bataille, s'éloigne; et Homère, au génie toujours pittoresque, nous montre Hector se dirigeant vers Troie, convert tout entier de son bouclier, << dont la peau noirâtre frappe à la fois son cou et ses pieds. Laissons Hélénus à la tête des soldats troyens continuer à lutter contre les Grecs, et suivons Hector. Hector est entré dans Troie par les portes Scées, connues du lecteur, et qui tout à l'heure, nous l'avons annoncé ailleurs, seront le théâtre d'un bien touchant spectacle. Au-dessus de ces portes sont rassemblées une foule de femmes et de filles troyennes. Elles n'ont pas plutôt aperçu Hector qu'elles l'entourent et l'interrogent, celle-ci sur son époux, cellelà sur son fils, cette autre, sur son père. Mais Hector, ne répondant pas à ces vaines questions, leur re« commande à toutes d'aller implorer les dieux, car «la plupart d'entre elles sont menacées de grands malheurs 1.

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1. Ce mouvement rappelle cet autre, dans l'Eneide Hector apparaît en songe à Enée; celui-ci l'interroge sur sa longue absence et lui adresse une foule de questions. Mais Hector triste

Tout entier aux instructions que lui a données Hélénus, Hector se dirige maintenant vers le palais de Priam. Le poëte, en passant, nous fait de ce palais une intéressante description, qui peut nous donner jusqu'à un certain point une idée de l'architecture des temps héroïques. Nous ne nous y arrêterons pas. Dans l'intérieur de ce palais, Hector rencontre sa vénérable mère se rendant chez l'une de ses filles dont les appartements étaient proches du sien. Hécube, en ce moment, était loin de s'attendre à trouver son fils Hector sur son chemin. A la vue de ce cher fils depuis si longtemps sorti des murs d'Ilion pour combattre l'ennemi, elle est agréablement surprise; elle lui touche la main et l'interroge. Ce retour subit d'Hector l'alarme; Troie serait-elle cernée de près par les Grecs? Ah! sans doute, il vient offrir des vœux à Jupiter. Et voici qu'elle propose à son fils de réparer ses forces en goûtant, dans une coupe qu'elle lui présente, la douce liqueur d'un vin généreux, puis il fera des libations aux dieux. Mais le sage et religieux Hector refuse. Au lieu de le fortifier, le vin

ment préoccupé de choses bien autrement graves, ne répond pas davantage aux vaines questions d'Enée et se hâte de lui donner des ordres importants; voici ce passage :

O lux Dardaniæ ! spes o fidissima Teucrum !
Quæ tantæ tenuere moræ ? quibus Hector ab oris
Exspectate venis! ut te post multa tuorum
Funera, post varias hominum urbisque labores
Defessi adspicimus? Quæ causa indigna serenos
Fodavit vultus? aut cur hæc vulnera cerno?
Ille nihil: nec me quærentem vana moratur ;
Sed graviter gemitus imo de pectore ducens :
Heu fuge, nate dea, teque his, ait, eripe flammis, etc.
(Æn., II, v. 281 sqq.)

pourrait lui troubler la raison; et, d'ailleurs, ce n'est pas les mains souillées de poussière et de sang qu'il osera implorer le puissant fils de Saturne. Puis, au nom d'Hélénus le prophète, il prie sa mère d'offrir des présents et des vœux à Pallas dont la statue est placée dans la citadelle d'Ilion. Quant à lui, il ira, dans cet intervalle, trouver Pâris, afin de le déterminer à sortir d'Ilion pour se battre avec les autres Troyens contre l'ennemi commun. Cependant Hécube, après avoir fait convoquer les plus illustres Troyennes, monte dans un appartement odoriférant, choisit parmi de riches tapis apportés jadis de Sidon par Pâris, le plus éclatant et le plus précieux, qu'elle destine à la déesse; puis rejoignant les Troyennes qui l'attendent, elle se dirige avec elles vers le temple de Minerve. Toutes ces femmes traversent donc en procession les rues d'Ilion. Elles arrivent près du temple de Pallas. Théano, prêtresse du temple et 'femme d'Anténor, allié à la royale famille, en ouvre les portes. On entre. Toutes les Troyennes élèvent leurs mains vers la statue de la divinité; puis, la prêtresse, prenant le voile des mains d'Hécube, l'étend sur les genoux de la déesse et la prie « de << briser la lance de Diomède et de le renverser lui

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même, le front dans la poussière devant les portes « Scées. » Elle promet ensuite à la déesse de lui immoler de nombreuses victimes, « si elle veut prendre pitié des Troyens, de leurs femmes et de leurs << tendres enfants. »

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Pieuse et touchante cérémonie! ce n'est pas seulement là une belle peinture poétique, mais un tableau de mœurs; car c'est ainsi que chez les anciens, dans les grands dangers publics, on implorait les

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